J'ai encore était réveillé tôt ce matin par des pèlerins trop pressés. Trop pressés, d'autant plus qu'à l'heure espagnole à sept heure trente du matin il fait encore nuit noire et bien frais. Mais c'est ainsi que je me retrouve à traîner dans les rues encore endormies de Tui, à la recherche d'un café et d'un peu de chaleur. J'en trouve tout de même un, ou quelques pèlerins et quelques locaux matinaux viennent prendre leur petit déjeuner.
Ensuite , je retrouve vite le chemin, la campagne, et mon plaisir de marcher des que le jour est levé. Le soleil brille encore dans ce début de matinée, mais le temps tournera vite à la pluie. Pour le décor, ça sera un peu l'inverse: un paysage un peu décevant le matin, et bien plus beau au fur et à mesure de mon avancée, avec des vues maritimes et de beaux sous bois. Une journée où j'ai vraiment du plaisir à dévorer, de mes deux pieds, les kilomètres, après avoir salué quelques autres pèlerins et un jovial religieux venu à notre rencontre sur le sentier. Une journée pour moi, malgré la pluie et la fatigue.
J'ai beau voyager une bonne partie de l'année, ces "grands chemins" ont une saveur tout à fait particulière. Ils me permettent de me retrouver. Un temps à moi, vraiment, même si j'ai quand même une pensée "professionnelle " lorsque je prends une photo ou écrit un récit, mais c'est différent des reportages que je peux faire le reste de l'année, sans rien enlever du plaisir et de l'intérêt que ceux ci m'apportent. J'ai besoin de cette découverte à pied, pour moi, par moi, pour découvrir, rencontrer, me retrouver seul et rêver, beaucoup, aussi. C'est aussi dans ces moments que je me sens créatif et libre.
Là, c'est vrai, le paysage m'inspire bien. Je me sens d'humeur à marcher et à courir, en me fondant dans ces bois, en faisant même un petit détour pour aller admirer une première vue sur la mer.
Je passe par Redondelaoù j'avais prévu de m'arrêter, mais, peut être à cause du ciel gris, la ville ne me dit pas trop. Et puis j'ai encore envie de marcher, alors je rallonge jusqu'à Arcade. J'ai bien fait: l'endroit est beau, dominant la Ria de Vigo , le large fleuve océanique.
L'accueil dans la petite auberge privée où je me refugie (car il est temps de se mettre à l'abri, la pluie tombant de plus en plus forte) est très bon.
Le soir, après avoir dégusté une bonne pâtisserie en ville et acheté quelques nourriture au mercado du coin, je discute un moment avec le "tenancier" des lieux, dans la belle salle de séjour d'où l'on peut admirer le Ria depuis une grande verrière. Il est portugais, et tient donc un moment cet auberge, avant de faire autre chose, ailleurs sans doute. Décidément, je rencontre quelques personnages qui semblent aller leur propre chemin dans cette dernière partie de mon voyage. Je ne pense pas que leur route soit toujours simple et bien balisée, mais cela me fait plaisir de les rencontrer, ces êtres "alternatifs" , un peu paumés ou sûrs d'eux, qui semblent eux aussi participer d'une humanité plus aimable et moins violente que celle que dont les grands médias parlent trop souvent.