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Ce que j'ai aimé :
Ce premier recueil de nouvelles de Melinda Moustakis nous présente des histoires originales reliées entre elles par cet amour des grands espaces, de la pêche, et des anecdotes savoureuses. Souvent les récits de pêche sont masculins, ici le point de vue féminin apporte un bol d'air frais dans cet exercice. Les femmes occupent en effet une place centrale dans ces nouvelles évoquant trois générations de femmes de poigne, devant lutter contre la dérive des hommes, contre les éléments naturels, contre la solitude, contre le grand froid d'Alaska, contre elles-mêmes.
L'auteur établit ainsi un lien entre la pêche et les relations humaines :
"Fishing and fishing stories taught me how to structure tension and anticipation." (Interview à lire ici)
Pour surmonter les épreuves, chacun doit s'attacher à des relations familiales fortes, comme les liens fraternels qui unissent Gracie et Jack, cette entraide qui pousse Gracie à rouler vers son frère en difficulté au milieu de la nuit même si la route est enneigée, parce que c'est le rôle des frères et des soeurs de veiller les uns sur les autres, surtout quand les parents font défaut. L'art d'éduquer les enfants est en effet difficile, et préserver les liens subtils qui courent entre les êtres l'est encore davantage... Certaines mères douées de clairvoyance savent prévenir leurs filles qu'à l'adolescence elle risque de les haïr, tout en leur précisant que cette période passera, parce que tout passe. D'autres restent démunies devant le laxisme de leurs enfants :
"La colère, les hormones, la sensation d'être impuissant et jeune. Ils ont besoin d'un tel exercice, ou d'un tel exorcisme. Construisez un pont, as-tu envie de leur dire. Construisez quelque chose. Arrêtez de faire les gros yeux et de courber le dos. Construisez un monument à la grandeur de votre malheur. Sculptez une main géante qui lèverait le majeur en direction du ciel. Mais faites quelque chose."
L'enfance de Kitty et des autres est bercée par l'innocence, le bonheur de courir dans la neige avec cousins et cousines, mais aussi par les gifles, l'alcool, les angoisses devant des parents dépassés par la vie... D'où la nécessité de devenir un battant, pour conjurer le froid ambiant et réchauffer son propre coeur et celui des siens.
Mélinda Moustakis écrit ici un premier recueil qui allie subtilement art de la pêche et des relations humaines...
Ce que j'ai moins aimé :
L'abondance de personnages et les changements d'époque permanents sont quelquefois déstabilisants.
Premières phrases :
"Tu as été conçue dans un mirador de chasse, disent-ils.
Ce qui signifie : Nous n'avions pas d'autre endroit.
La cabane est envahie par les frères et soeurs de ma mère. Sur la cuisinière, une marmite de potée de pommes de terre en quantité suffisante pour nourrir vingt personnes. Voyez ma mère, le dos malmené contre la plate-forme en bois au mileiur des arbres. Voyez mon père, le doigt sur la détente -au cas où."
Informations sur le livre :
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Alaska, Melinda Moustakis, traduction de l'américain par Laura Derajinski, Gallmeister, octobre 2014, 216 p., 22.50 euros
Merci à l'éditeur