C’est un autre matin où la brume se lève dans mon coin de pays… Un de ces moments où je trouve le décor particulièrement envoûtant. J’ai envie de m’exiler, seule. Je me dis que nous possédons tous un endroit où l’on aime se retrouver. Mon exil se cache quelque part entre le lac des Iroquois et celui des Goélands : un lieu où s’exhibe la nature dans ses riches arômes. Je pars à l’aventure en Jeep, le bonheur glissé dans la poche de ma chemise rouge à carreaux.
Au chalet, j’aime me réveiller au son caverneux du butor d’Amérique. Cet oiseau y vit depuis toujours et refuse de quitter l’endroit. Son cri arrive à rompre la tranquillité et glisse sur l’eau, pour ensuite se perdre à travers les montagnes. Les grenouilles vertes chantent en cœur et leur symphonie s’évanouit sur les rives lointaines du plan d’eau. Je réalise, une fois de plus, que le silence me parle, et qu’il me faut écouter la nature.
Accueillie dans ce coin de paradis en forêt, je me considère comme une visiteuse privilégiée. Je marche dans le sentier battu par mon père et j’observe l’environnement. J’y retrouve toujours la source qu’il me pointait. Je me souviens. Ses mains d’homme maniaient adroitement un morceau d’écorce pour en former un cornet avec lequel je m’abreuvais. Il m’enseignait l’art d’adapter les éléments naturels à mon quotidien. Ces végétaux, cette faune, ces lacs et ces rivières, ces flancs de montagne, qui permettent le ressourcement, méritent qu’on les protège.
Depuis une cinquantaine d’années, des membres de ma famille fréquentent avec assiduité ce secteur. En fait, plusieurs personnes sont passées avant moi. Je suis une femme parmi tant d’autres qui apprécie la sérénité de ce lieu.
À l’époque, la grande famille de Roland Couture passait l’été au chalet. Des lits superposés logeaient les estivants ; dans l’habitation voisine se trouvait la pièce principale : c’était le lieu de rassemblement. On y retrouvait la pompe à eau, la table à manger, le poêle à bois, des lits et une chaise berçante qui, à chaque mouvement, faisait craquer le plancher. C’est là que tante Huguette roulait la pâte à tarte aux bleuets, pendant que les truites mouchetées, panées de farine, se tortillaient dans le poêlon. À la tombée du jour, elle faisait bouillir de l’eau, qu’elle tiédissait en emplissant une chaudière et nettoyait les pieds terreux de ses enfants. Ils menaient là une vie sans artifices, où l’essentiel demeurait invisible.
Ce milieu naturel si fragile et si puissant à la fois m’émeut ; et il y a cette lumière qui tamise le paysage ! Je n’ai pas envie de parler quand je me trouve face au lac Roland. Je m’imprègne de l’atmosphère et remercie le ciel « d’être », tout simplement.
Virginie Tanguay
Notice biographique
Virginie Tanguay vit à Roberval, à proximité du lac Saint-Jean. Elle peint depuis une vingtaine d’années. Elle est
près de la nature, de tout ce qui est vivant et elle est très à l’écoute de ses émotions qu’elle sait nous transmettre par les couleurs et les formes. Elle a une prédilection pour l’aquarelle qui lui permet d’exprimer la douceur et la transparence, tout en demeurant énergique. Rendre l’ambiance d’un lieu dans toute sa pureté est son objectif. Ses œuvres laissent une grande place à la réflexion. Les détails sont suggérés. Son but est de faire rêver l’observateur, de le transporter dans un monde de vivacité et de fraîcheur, et elle l’atteint bien. Elle est aussi chroniqueuse régulière au Chat Qui Louche. Pour ceux qui veulent en savoir davantage, son adresse courrielle : [email protected].