Dans son excellente autobiographie Casino d'Hiver, parue en début d'année, Dominique Besnehard évoquait à travers quelques lignes les liens de famille très romanesques liant Claude Berri, Maurice Pialat et Jean Pierre Ramsam, la soeur de Berri couchant avec Pialat, pourtant marié, alors que de son coté, la soeur de Ramsam était l'épouse de Berri.
Le romancier Christophe Donner a également capté le potentiel romanesque de ces personnalités incontestables du 7ème art des années 60 à 70, avec son nouveau roman qui traitent de ces personnages, et notamment l’excentrique producteur Jean-Pierre Rassam, véritable personnage central de ce roman, homme que je ne connaissais que de nom, et qui apparait ainsi comme un financier mégalomane, producteur plus ou moins chanceux (quelques succès comme "Le vieil homme et l’enfant", "la grande Bouffe", "Nous ne veillirons pas ensembl"e, "Tout le monde est beau, tout le monde est gentil" et pas mal de bides), aimant l'argent, les femmes et la drogue.
Dans cette veine du biopic romancé très à la mode en cette rentrée 2014 (après notamment le livre de Beigbeder sur Salinger et celui de Nelly Kapriélan), ce roman de Christophe Donner (un auteur qui ne m'avait jamais interessé jusqu'à présent) est de loin un des plus convaincant, faisant revivre ce cinéma des années 70, sous un jour singulier et vraiment étonnant. Donner brosse en effet avec une vraie jubilation un peinture d'un milieu qui n'existe plus, portrait truculent de personnages hauts en couleur qui osait- et réussissait presque tout.
Au cœur de son récit, on voit transiter Raoul Lévy, Jean-Louis Trintignant, Milos Forman, Jean Yanne et Jean-Luc Godard autour de ce trio constitué de Jean-Pierre Rassam, Claude Berri et Maurice Pialat. Le romancier nous épargne rien de la faiblesse et de la médiocrité de ce trio d'enfer, en nous disant leurs jalousies, les contradictions, leurs violences, mais aussi l’amour et la force qui pouvaient les animer chacun à leur manière.
En nous dévoilant quantité d'anecdotes croustillantes de tournages (du Vieil homme et l'enfant à Nous ne veillirons pas ensemble), "Quiconque exerce ce métier stupide mérite tout ce qui lui arrive "(titre emprunté à une citation d’Orson Welles à propos des gens du cinéma) ne peut que passionner les cinéphiles, personnellement j'ai appris pas mal de choses assez étonnantes (l'épopée folle de Ramsam et Berri pour venir chercher dans un Prague à feu et en sang les enfants de Milos Forman), souvent savoureuses, parfois excessifs, et j'ai juste regretté que le livre ne soit pas plus long ( reproche souvent fait à des romans français), car on survole un peu trop, surtout sur la fin du livre, la vie très remplie et très riche de nos trois héros.
On aurait notamment aimé avoir plus d'informations sur l'incroyable Maurice Pialat, qui malheureusement est un peu abandonné dans la dernière partie du livre, pour se concentrer sur les relations devenues très tendues entre Rassam et Berri.
Mais, grâce à une écriture somme toute très cinématographique, centré notamment sur un art consommé de l'ellipse et des dialogues particulièrement percutants, cet excellent roman nous fait revivre avec un vrai plaisir sans nostalgie excessive un milieu du cinéma qui semblait plus attractif plus audacieux et surtout plus amusant que celui de maintenant.
Interview de Christophe Donner à propos de son nouveau livre - Rentrée littéraire 2014
Et comme je disais un peu plus haut que jétais frustré de ne pas avoir une dose suffisante e Pialat dans cet excellent roman de Donner, j'ai enchainé avec la lecture de son seul roman, Nous ne vieillirons pas ensemble ( qu'il a ensuite adapté en 1972 sur grand écran avec l'immense Jean Yanne, pour « une histoire que Pialat a "écrite parce qu’à l’époque c’était l’événement le plus important de sa vie »
'Ce livre est une autobiographie et également une auto-critique du réalisateur Pialat. qui raconte avec quantité de détails la déchirure d'un amour de six ans sans jamais s'épargner, tant ce narrateur qui lui ressemble tant n'est pas enjolivé.
Un roman sec, taillé à l'os qui montre que contrairement à l'image qu'il renvoyait, Pialat avait une certaine humilité de la part de Pialat qui a su dépeindre son histoire si personnelle, et sans jamais chercher à rendre ses personnages sympathiques, mais puissamment humains.