Les députés viennent d’achever l’examen en séance publique des articles du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte. Premier bilan des principales mesures adoptées.
Le texte dans sa rédaction issue des débats parlementaires qui se sont tenus la semaine passée peut être téléchargé ici. Mon cabinet procèdera à un commentaire détaillé de ce projet de loi, lors d'un petit déjeuner organisé le 15 octobre à 9h et lors de la réunion de la commission juridique de l'Institut de l'économie circulaire, le 30 octobre.
Il convient de préciser que ce texte doit encore être voté mardi 14 octobre 2014 par les députés puis être discuté par les sénateurs. Il est fort probable que le Sénat, dont la composition politique est différente de celle de l’Assemblée nationale, modifiera la rédaction du texte adopté par les députés. Il conviendra alors de rechercher un compromis puis d’organiser un vote définitif du texte dans chaque assemblée. A cela s’ajoute la saisine du Conseil constitutionnel qui peut déclarer contraires à la Constitution certaines dispositions du projet de loi.
Par voie de conséquence, la version du projet de loi qui fait l’objet de la présente note est tout à fait provisoire et sera sans doute l’objet de modifications.
Sous cette réserve, voici un premier bilan des mesures votées par les députés.
Le bilan global
De manière générale, le bilan du projet de loi me paraît, à ce stade, positif. Le texte comporte plusieurs avancées, pas de reculs et, à quelques exceptions près, ne complexifie pas trop le droit existant.
Sur le fond, la principale avancée de ce projet de loi tient surtout (mais pas uniquement) aux objectifs qu’il définit (article 1er). Les objectifs de réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité et de réduction de la consommation d’énergie présentent, sans aucun doute, un caractère historique et sont en réalité assez consensuels de la majorité à l'opposition.
Au-delà des objectifs du titre 1er, les deux titres qui comportent le plus grand nombre de mesures intéressantes sont les titres 2 (bâtiment) et 4 (économie circulaire et déchets). Ainsi, s'agissant du bâtiment, la création d'un fonds de garantie de la rénovation énergétique ou la précision du régime juridique du tiers-financement constituent des avancées.
Sur la forme, ce texte aurait pu progresser encore si les parlementaires avaient eu plus de temps pour travailler, étudier et approfondir les dispositions du projet de loi. Nombre d’articles de ce texte auraient mérité davantage de temps pour être mieux rédigés et pour que les conséquences de leur mise en œuvre soient précisées.
La discussion de ce texte aura fini de démontrer que la procédure accélérée et le temps programmé sont contraires à l’exigence de qualité du droit. Les députés ont « discuté » de 63 articles sur 64 en une journée et une nuit, le 10 octobre. En conséquence, la plupart des amendements déposés ont été retirés, non soutenus ou rejetés sans aucune discussion. Le débat en séance publique aura donc été assez peu productif, en comparaison des travaux en commission qui, eux-mêmes, auraient sans doute pu être un peu plus longs.
A titre d'exemple, certaines dispositions mériteraient d'être approfondies, voire d'être simplifiées. Il en va ainsi de l'obligation d'équipement des places de stationnement en bornes de recharge (article 10) ou du plan de mobilité en entreprise (article 13 ter) dont le bilan coûts/avantages est encore assez incertain et qui risque de créer un nouvel effet de seuil.
Les principaux motifs de « déception », à la lecture du projet de loi, tiennent,
- d’une part, au choix d’une gouvernance de l’énergie qui demeure centralisée et verticale. Les trois nouveaux outils de pilotage de la transition énergétique (budget carbone, stratégie bas carbone et programmation pluriannuelle de l’énergie) seront adoptés par le seul Gouvernement et par décret, sans association des Régions. De la même manière, la place et le rôle du citoyen (au-delà du consommateur) dans la transition énergétique ne sont pas très clairs.
- d’autre part, à l’absence de véritables mesures d’encouragement de la production d’énergies renouvelables, à l’exception d’une adaptation (timide et limitée) de la loi littoral pour l’éolien. En l’absence de précisions suffisantes, il est encore trop tôt pour conclure que le complément de rémunération ne sera pas créateur d'incertitude et s'avèrera plus efficace que le contrat d’achat actuel. Sur le volet énergies renouvelables, on retiendra principalement : la création d'un nouveau régime juridique d'exploitation des concessions d'hydroélectricité et l'encouragement du financement participatif des projets d'énergies renouvelables.
- enfin, à ce qu’il n’est pas accompagné d’une réforme fiscale qui permette d’engager concrètement la transition énergétique en redonnant du pouvoir d’achat aux français.
A noter : il est difficile de classer certaines mesures dans les catégories "avancées" ou "déceptions". En raison, soit de leur complexité, soit de la réserve du Gouvernement à leur endroit, soit de l’absence d’information suffisante sur leurs effets. Il en va ainsi du chèque énergie (article 60) dont les conditions de mise en œuvre et d'articulation avec les tarifs sociaux sont à préciser. Il conviendra également de vérifier le devenir de mesures telles la création d’un carnet d’entretien numérique du logement ou l’interdiction de la vente de vaisselle plastique jetable en 2020 adoptées malgré la réserve du Gouvernement.
Des objectifs ambitieux et consensuels.
La principale avancée du projet de loi tient à ses objectifs. Ces derniers n’ont pas été sérieusement remis en cause, ni au sein de la majorité, ni par l’opposition, ce compris l’objectif de réduction de la part du nucléaire dans la production nationale d’électricité. Les objectifs de réduction de la part du nucléaire et de baisse de la consommation d’énergie sont réellement historiques : pour la première fois, le Parlement estime que la croissance économie ne dépend pas de la croissance de la consommation d’énergie.
Un bémol toutefois : la France refuse toujours de donner une valeur précise au carbone et refuse aussi d’engager une réforme fiscale qui permettrait, à prélèvement constants, de disposer d’une fiscalité écologique et énergétique. Le projet de loi de finances pour 2015 ne comporte aucune véritable avancée sur ce point.
Au-delà des objectifs de la politique énergétique (art. 1er) on notera :
- l’objectif de rénovation énergétique fixé à l’article 3AA : « La France se fixe comme objectif de rénover énergétiquement 500 000 logements par an à compter de 2017, dont au moins la moitié est occupée par des ménages aux revenus modestes »
- les objectifs de la politique déchets (art. 19)
- l’objectif d’installation, avant 2030, d’au moins sept millions de points de charge de véhicules électriques et hybrides rechargeables, installés sur les places de stationnement des ensembles d’habitations et autres types de bâtiments, ou sur des places de stationnement accessibles au public (article 10)
Le bâtiment
Article 4 bis : La création du carnet numérique de suivi et d’entretien du logement. La mesure doit cependant être confirmée car le Gouvernement est réservé et son entrée en vigueur pour tous les logements ne se fera qu’en 2025.
Article 4 ter : L’extension du droit à un logement décent à un minimun de performance énergétique. Très intéressante dans son principe, la mesure doit être déclinée par un décret.
Article 5 bis : nullité du contrat en cas d’absence de précision du résultat attendu par des travaux de rénovation énergétique (futur article L.122-8-1 du code de la consommation)
Article 5 bis C : modulation de la taux de la taxe de publicité foncière ou du droit d’enregistrement sur les mutations à titre onéreux d’immeubles d’habitation satisfaisant à des critères de performance énergétique définis par décret ou de droits immobiliers portant sur des immeubles satisfaisant aux mêmes critères
Article 5 ter : (co-traitance) régime juridique des marchés privés de bâtiment portant sur des travaux et prestations de service réalisés en cotraitance dont le montant n’excède pas 100 000 € hors taxes.
Article 5 quater : création du fonds de garantie pour la rénovation énergétique
Article 5 quinquies : création des plateformes territoriales de la rénovation énergétique.
Article 6 : création de la procédure d’autorisation allégée des sociétés de tiers financement
Article 7 : conditions de déploiement des dispositifs de comptage d'énergie
Article 8 : confirmation de la quatrième période d’obligation d’économies d’énergie, comprise entre le 1er janvier 2018 et le 31 décembre 2020.
Economie circulaire et déchets
Article 19 : définition et codification de la notion d’économie circulaire et transposition des objectifs de la politique de prévention et de gestion des déchets.
Article 19 bis : interdiction de vente de sacs plastiques à usage unique à compter du 1er janvier 2016
Article 19 ter : intégration de l’économie circulaire dans la commande publique
Article 19 quater : police des véhicules hors d’usage
Article 19 sexies : utilisation minimale de papier recyclé par le secteur public
Article 22 bis : création du délit pour obsolescence programmée
Article 22 ter A : définition de l’obsolescence programmée
Article 22 octies : rapport sur le principe de réversibilité du stockage de déchets
Energies renouvelables
Article 23 : Les évolutions des dispositifs de soutien sont, préalablement à leur adoption, concertées avec les instances représentatives de chaque filière d’énergies renouvelables (fin du stop & go).
Article 27 : financement participatif des projets d’énergies renouvelables
Article 27 bis A : interdiction des cultures dédiées pour la méthanisation des déchets
Article 28 et 29 : concessions hydroélectriques. Que l'on soit pour ou contre le dispositif adopté, il était important que l'Etat précise enfin ses intentions après des années d'atermoiement.
Arnaud Gossement
Selarl Gossement avocats