Madam secretary est une nouvelle série de 13 épisodes diffusés depuis la mi-septembre sur les ondes de CBS aux États-Unis et Global au Canada. L’action se déroule à Washington alors que l’avion qui transportait le Secrétaire d’État américain a sombré dans l’océan. Le président actuellement en place, Conrad Dalton (Keith Carradine), presse Elizabeth McCord (Téa Leoni), enseignante dans une université et anciennement analyste à la CIA de prendre la place vacante, étant reconnue entre autres pour sa magnanimité (comme il le dit lui-même : « You don’t just think outside the box; you don’t even know there is a box »). Après quelques tergiversations, elle accepte et on se retrouve 2 mois plus tard alors qu’elle est bien en scelle dans ses nouvelles fonctions. Au cours des épisodes, on la verra effectuer son travail, tentant majoritairement de porter secours à des Américains pris dans des situations conflictuelles à l’étranger. Énième drame politique américain à arriver sur nos ondes, Madam secretary est probablement le plus monotone d’entre eux, à commencer par un personnage principal (où l’actrice elle-même?) qui semble s’ennuyer ferme (et nous aussi). Mais ce qui agace le plus dans cette nouvelle série, c’est qu’en voulant éviter le cynisme caractéristique des autres produites précédemment, elle s’embourbe dans un genre de propagande de la politique américaine exaspérante.
La sphère publique
Elizabeth n’est pas une novice en politique. Elle a auparavant travaillé à la Maison Blanche, mais a démissionné pour des « raisons éthiques ». Toujours est-il qu’elle se voit offrir une opportunité en or en s’occupant de politique internationale et justement, les dossiers s’empilent. Dans le premier épisode, elle doit secourir deux adolescents qui s’étaient rendus en Syrie pour protester contre la politique qui y règne et sont depuis les otages du gouvernement. Dans le second, l’ambassade américaine au Yémen est prise d’assaut par la population et la Secrétaire d’État fait tout ce qu’elle peut pour y délivrer les employés en proie à cette cohue. Dans le troisième, la diplomatie du pays de l’Oncle Sam est on ne peut plus discréditée depuis qu’une journaliste a rendu publics des courriels privés provenant du Département d’État, dans lesquels les employés fédéraux insultent leurs acolytes aux quatre coins du globe, en plus de confirmer que les États-Unis espionnent leurs congénères (« pour une question de sécurité »).
Le message qui nous est indirectement transmis est celui-ci : sois bon et le ciel t’aidera! Comme l’écrit Tim Goodman dans sa critique : « But in the early going, it seems like Elizabeth might be a little too good at it; the show will work better if it incorporates actual struggle to succeed, not a kind of superwoman prowess. » Ici, Elizabeth est blanche comme neige et après avoir éteint les feux concernant les courriels qui ont fait l’objet d’une fuite, elle instaure un nouveau décret : à partir de maintenant, tous les correspondants travaillant pour le gouvernement se devront d’être civils et respectueux envers leurs congénères autour du globe. On se moque de qui?
De plus, on ne sait si c’est parce que la production dispose d’un budget restreint, mais la secrétaire d’État règle tous les problèmes du monde… via Skype. Notre protagoniste est assise devant son écran et avec son ton soporifique, surveille les opérations qu’elle a dictées. La tension est tout sauf palpable. L’effet pervers ici est qu’on ne nous montre qu’un seul point de vue et que des bribes par surcroît. Même les séries politiques les plus cyniques mentionnées plus haut et en ajoutant Homeland par exemple, font preuve d’un peu plus de répartie et nous présentent des personnages complexes, tiraillés et ne prenant pas toujours des décisions qui leur plaisent; bref, ils sont normaux puisque raison d’État oblige.
La sphère privée
Ce qui agace surtout dans Madam secretary, ce sont les scènes familiales où l’on cherche à nous dépeindre une Elizabeth plus normale que normale, au point d’en devenir inintéressante. En effet, cette « Américaine moyenne » vit dans un luxueux ranch, est en couple depuis toujours avec son mari Henry (Tim Daly). Ils ont trois enfants dont la plus âgée, Stephanie (Wallis Currie-Wood), a décidé d’abandonner le collège pour se consacrer à l’écriture d’un livre. Mais les parents ne l’entendent pas de cette façon et la somment de se trouver un travail. Quelle n’est pas la surprise de la jeune femme lorsqu’elle n’obtient pas un poste… parce qu’elle n’a pas de diplôme! On se croirait dans un documentaire pour adolescents. On a aussi droit à une réflexion (étalée sur plusieurs scènes) concernant leur plus jeune fille Allison (Kathrine Herzer) qui est en peine d’amour : les parents devraient-ils lire ce que leurs jeunes écrivent sur les réseaux sociaux? Ces « historiettes » à toutes fins moralisatrices et surtout ennuyeuses s’agencent très mal avec les crises que doit gérer Elizabeth dans son quotidien au travail, lesquelles ne sont pas plus enlevantes.
Le premier épisode de Madam secretary a été diffusé suivant un match de football : une programmation qui s’est avérée payante pour CBS puisqu’elle a pu réunir 14,75 millions de téléspectateurs. Autre bon point pour la série, l’audience s’est maintenue les deux semaines suivantes avec respectivement 12,72 et 12,18 millions. Le problème est que le public cible est plutôt âgé, ce que les annonceurs n’apprécient guère. Seul l’exemple de Scandal pourrait assurer l’avenir de Madam secretary à long terme et éventuellement rajeunir son auditoire. La première saison d’ABC était elle aussi bon-enfant, mais s’est largement intensifiée dans la seconde et la troisième, si bien que les cotes d’écoute sont passées de 7 millions en moyenne pour la première mouture à 9,1 pour la troisième; un véritable phénomène à contre-courant dans le paysage sériel. CBS ferait bien d’en prendre de la graine.