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Zemmour : amenuisement, ressassement et suicide de la pensée

Par Sergeuleski

   Les commentaires autour de Zemmour font rage dans les médias et dans les colonnes des journaux autour de la publication de son dernier livre qui se vend comme des petits pains, et des propos de son auteur à l'occasion des promos télés et radios.

   A quelques exceptions près, chaque intervention de Zemmour sur l'antenne de RTL, sa maison mère, n’élève personne et rabaisse tout le monde, toujours ! Jusqu’à conforter les préjugés les plus éculés et les moins constructifs.

Chez BFM-TV,  Ruth Elkrief le reçoit comme on reçoit le Pape du PAF qu'il est; elle le reçoit sans sourciller : sourires, bavardage, ton enjoué, plaisant... tout va bien... tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.

France Inter lui déroule un tapis rouge, dès le matin, à la première heure ; il n'y rencontrera, là encore, auprès d'un dénommé Patrick Cohen, aucune résistance.

Manque plus que France Culture, chez Finkiekraut qui doit bien partager le plus gros de l'arsenal lexical de Zemmour, ses obsessions, ses diagnostics, ses verdicts sans appel et sans rémission et autres tirs croisés.

Atlantico lui fait risette.


Pour tous ces médias, l'auditeur ou le lecteur est roi, lui aussi, et pour sûr !

Faut dire que... Zemmour est un bon, un excellent "client" : audience assurée ! Et ce n'est sûrement pas un hasard s'il se trouve que le cheval de bataille de Zemmour n'est pas l'égalité et la fraternité mais... les Musulmans... encore et toujours ! Et derrière le Musulman : l'Arabe. Derrière l'Arabe, le Maghrébin ainsi que les Français originaires d'Afrique noire.

Faut-il y voir là une des raisons pour lesquelles Zemmour est partout chez lui car cette cible fait un parfait bouc-émissaire auquel on se garde bien, le plus souvent, d'offrir une tribune équivalente sur quelque sujet que ce soit ?

Rien de surprenant à cela : avec Zemmour, qui brasse large, un Zemmour sans doute champion de natation dans une autre vie, nombreux sont ceux qui y trouvent leur compte : les xénophobes, les patriotes, les nationalistes, les racistes, les sionistes, les anti-sémites, les FA, le FN, les "réac", les homophobes, les ringards, les Cathos traditionalistes de la messe en latin et de la contraception dans les toilettes la chasse tirée, les anti-mondialisations, les machos pathétiques et d'autres encore, parfois innommables.

   Plus espagnol que Zemmour (rapport à l'auberge du même nom) vous ne trouverez pas !

***

   Qu'à cela ne tienne !

   Zemmour par-ci, Zemmour par-là… au fil des ans et de ses interventions, dans le choix de ses cibles, difficile de ne pas faire le constat suivant en toute lucidité et en toute bonne foi, loin de tout procès d’intention : tout comme Finkielkraut et Elisabeth Levy, Zemmour n’acceptera qu’une France, celle qui lui a permis (et lui permet) d’occuper dans les médias dominants un statut et une place de choix, sans partage et sans considération aucune pour qui et quoi que ce soit d’autre : une France taillée sur mesure pour Zemmour seul sur le dos de tous les autres qui n’auront jamais assez d’une vie pour gravir les marches d’une réussite fantomatique : on pensera aux minorités visibles et invisibles ; minorités ethniques et/ou cultuelles.

Même une Christine Taubira insultée n’aura pas droit à un mot de compassion de Zemmour qui fait le choix délibéré de reléguer les insultes racistes sans précédent à l’égard d’une ministre de la République, au rang de ce qui peut bien se dire dans les cours d’écoles ; interprétation triviale à dessein : celle du mépris ; et comme une calamité n’arrive jamais seule… on mentionnera aussi, à l’aune de ce qu’un Zemmour est encore capable d’énoncer, une Christine Taubira Ministre de la justice frappée du soupçon d’une nomination dans le cadre d’une discrimination qui se voudrait positive ; ce qui, aux yeux de Zemmour, mérite déjà en soi une condamnation sans rémission.

En effet, n’est-ce pas Eric Zemmour qui a lancé à la cantonade une fois, sinon deux : «Ce n’est pas moi qui ai été nommé ministre parce que j’étais noir et femme !»

Mais alors, à partir de quand et sous quelles conditions, aux yeux de Zemmour, est-ce que l’on cesse d’occuper la place que l’on occupe parce qu’on est noir ou bien homosexuel ou bien encore… une femme ?

   Doit-on alors établir le fait suivant  : la boucle bouclée, si Zemmour n’avait pas été juif, aurait-il été tenté par l’antisémitisme qui manque à son tableau quand il part à la chasse contre tout ce qui de près ou de loin n’est pas Zemmour, faisant feu sur tous les gibiers susceptibles de remettre en cause son permis de chasser sur une terre, un territoire dont il prétend connaître seul les contours ? Car Zemmour fait partie de ceux qui, après avoir déserté le champ de l’intelligence et de la compassion, s’autorisent tout, sans retenue.

***

  Mais enfin, pourquoi Zemmour a-t-il besoin de penser ce qu’il pense ?

   Dans les médias, personne ne maîtrise comme Zemmour le non-dit et la dissimulation des véritables motivations qui se cachent derrière chacune de ses interventions. S'il lui arrive d'avoir raison contre la bêtise, et trop souvent tort face à l'intelligence d'un intervenant - il est vrai qu'au royaume des aveugles les borgnes sont rois -, manifestement, Sciences-Po ne lui aura été d’aucun secours car, diplômé ou pas, on ne peut jamais cacher très longtemps d’où l’on vient, et plus encore quand on n’en est jamais vraiment parti. Et à ce propos, force est de constater que Zemmour n'est autre que le fils de ses parents et d’une seule histoire, la leur : le colonialisme, Algérie française, guerre, OAS, expatriation, et ressentiment ; jusqu’à cultiver une haine à peine contenue, vengeance et revanche, fonds de commerce du FN dans tout le bassin méditerranéen, de Nice à Perpignan.

Histoire qu’il a faite sienne manifestement, l’intériorisant sans doute bien au-delà de ce que pouvaient attendre de lui ses ascendants car enfin, est-ce que les parents tiennent à ce que leurs enfants leur ressemblent à ce point ? Rien n’est moins sûr !

Fier de cet héritage, garant de sa transmission - ressentiment, isolement et fermeture à l’autre.-, Zemmour contre Rama Yade, contre Taubira, contre Thuram, contre les groupes de Rap, contre ce qui de près ou de loin touche à l'Islam, inutile d'aller chercher plus loin... c'est Zemmour qui n'a de cesse de régler les comptes de ses ascendants sans jamais les solder, contre les Peuples colonisés et leurs descendants nés et/ou résidant sur le sol français.

Et c'est sans doute là son drame le plus intime : Zemmour n'aura finalement rien choisi pour lui-même et de lui-même ; il n’aura fait que subir ses origines et un destin balayé par les vents d'une Histoire dont son "milieu" n'avait rien anticipé faute d'une conscience appropriée ; l'ignorance, l'insouciance et l'arrogance n'étant d'aucun secours face à la puissance d'une volonté de justice et d'autodétermination.

   Et pour conclure...

   Bien que malingre, et si Zemmour n’était in fine qu’un petit machiste méditerranéen mal dégrossi - rapport à son aversion envers tout ce qui touche de près ou de loin au féminisme et à la place de la femme dans notre société -, qui n'a jamais vraiment quitté son bled (et ce bien qu'il n'y soit jamais né ou allé !) ni les jupes de sa mère dont il n’a de cesse de louer le dévouement, une mère dans sa cuisine dès 6h le matin, toute sa vie durant, devant ses fourneaux jusque tard le soir, pour le grand bonheur d'Eric Zemmour enfant, et le plus grand malheur de tout ce dont on est en droit d'attendre d'un être humain : intelligence, générosité, compassion et courage.

   Pour sûr ! Un coup majeur porté à la croyance à la perfectibilité de l’être humain, fondement de notre civilisation française et européenne celle-là... que ce Zemmour !

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Pour prolonger, cliquez : Qui sauvera Eric Zemmour ?


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