L’article L 137-2 du Code de la Consommation précise que l’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.Par un arrêt rendu le 28 novembre 2012, la Première Chambre Civile de la Cour de Cassation (pourvoi n°11-26508) avait jugé que le délai de prescription de deux ans prévu par l’article L 137-2 du Code de la Consommation s’appliquait, notamment, aux crédits immobiliers consentis aux particuliers par des organismes de crédit.Cet arrêt fondamental ne précisait cependant pas quel était le point de départ de ce délai de deux ans, ce qui donnait, en pratique, lieu à d’importantes difficultés devant les Tribunaux de Grande Instance et les Cours d’Appel.Les Magistrats des juridictions de première instance et d’appel retenaient en effet souvent comme point de départ de la prescription la date de prononcé de la déchéance du terme par la Banque, c’est à dire la date à laquelle la Banque décide de réclamer le paiement de la totalité de sa créance à l’emprunteur.Or, bien souvent, lorsque la déchéance du terme est prononcée, le premier incident non régularisé remonte à de nombreux mois, ou même à plusieurs années.Dans le cadre des procédures de saisie immobilière initiée par les Banques, il était difficile de savoir si le point de départ à retenir était la date du premier incident non régularisé ou celle du prononcé de la déchéance du terme.Un récent arrêt de la Cour de Cassation vient mettre un terme à cette controverse.En effet, l’arrêt rendu le 10 juillet 2014 par la Première Chambre Civile de cette Cour (pourvoi n° 13-15511) précise que « le point de départ du délai de prescription biennale … se situe au jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer l’action concernée, soit, dans le cas d’une action en paiement au titre d’un crédit immobilier consenti par un professionnel à un consommateur, à la date du premier incident de paiement non régularisé ».Au vu de cette décision, le délai de prescription devra désormais être calculé à compter de la date du premier incident non régularisé.Si cette décision est critiquée par certains spécialistes, tels que le Professeur Marc MIGNOT, qui l’estime injuste pour les Banques (Cf. L’ESSENTIEL DROIT BANCAIRE, octobre 2014, n°9, 119), elle apparaît cependant conforme à l’esprit du Code de la Consommation et aux règles qui sont applicables aux crédits à la consommation.Il est à noter que si cet arrêt avait été rendu plus tôt, de multiples saisies immobilières auraient vraisemblablement pu être évitées entre novembre 2012 et juillet 2014. (Il est à cet égard précisé qu’un pourvoi en cassation n’a pas pour effet de suspendre le déroulement de la procédure de saisie immobilière).Cette décision a bien évidemment un effet négatif : les Banques risquent de ne plus accepter d’accorder amiablement des délais à leurs clients faisant face à des difficultés financières passagères, en raison de ce risque de prescription de leur créance.Le texte complet de l’arrêt du 10 juillet 2014 est le suivant :Sur le moyen unique : Vu l’article L. 137-2 du code de la consommation, ensemble l’article 2224 du code civil ;Attendu que le point de départ du délai de prescription biennale prévu par le premier de ces textes se situe au jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer l’action concernée, soit, dans le cas d’une action en paiement au titre d’un crédit immobilier consenti par un professionnel à un consommateur, à la date du premier incident de paiement non régularisé ;Attendu, selon l’arrêt attaqué, que s’étant montré défaillant dans le remboursement d’un prêt immobilier souscrit auprès de la société Crédit immobilier de France Centre Est (la banque), M. X... a été vainement mis en demeure par celle-ci, par lettre du 22 juin 2009, de régulariser sa situation sous huit jours sous peine de déchéance du terme ; que, les 26 mai 2010 et 23 mai 2011, la banque a délivré à M. X... deux commandements de payer valant saisie immobilière ; que, le 28 février 2011, M. X... a saisi le juge de l’exécution afin d’obtenir la mainlevée de l’hypothèque inscrite par la banque sur l’un de ses immeubles ; que, le 6 septembre 2011, la banque a assigné M. X... devant le même juge aux fins d’obtenir la vente judiciaire des biens saisis en vertu des commandements précités ;Attendu que pour déclarer recevable l’action de la banque malgré l’annulation des commandements de payer ayant privé ceux-ci de tout effet interruptif de prescription, l’arrêt retient que le point de départ du délai de prescription biennale de l’article L. 137-2 du code de la consommation doit être fixé à la date de déchéance du terme du prêt immobilier, soit au 30 juin 2009, et que M. X... a ensuite reconnu sa dette dans l’assignation délivrée le 28 février 2011, en sorte qu’un délai inférieur à deux années s’est écoulé entre cette reconnaissance valant interruption de la prescription et la saisine de la banque tendant à la vente judiciaire des biens du débiteur ;Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé, par fausse application, les textes susvisés ;PAR CES MOTIFS :CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il rejette la demande de M. X... tendant à faire déclarer prescrite l’action de la société Crédit immobilier de France Centre Est résultant du prêt notarié du 6 octobre 2006, l’arrêt rendu le 4 février 2013, entre les parties, par la cour d’appel de Nancy ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Metz.
Yann Gré - Avocat à la Cour, tous droits réservés.
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