Des milliers de montagnes découvertes au fond des océans La connaissance de la topographie des océans, qui constituent plus de 70 % de la surface de la Terre, est bien moins précise que celle des continents. On peut l’explorer depuis l’espace via des mesures d’altimétrie indirectement liées au champ de gravité de la Terre. Une nouvelle carte plus précise que la précédente obtenue de la même façon vient d’être rendue publique. Elle révèle la présence de plusieurs milliers de monts sous-marins jusqu’ici inconnus.
Le 11/10/2014 - Par Laurent Sacco, Futura-Sciences
Cette carte rendue publique en octobre 2014 montre les anomalies du champ de gravitation de la Terre. Les couleurs allant du bleu au rouge indiquent des valeurs allant de -200 mGal à 200 mGal environ. Les dorsales océaniques et les reliefs élevés sur les plaines abyssales générant localement un champ de gravité plus forte sont en rouge. Les anomalies permettent donc de remonter à la topographie des fonds sous-marins. © Scripps Institution of Oceanography
On a peine à croire qu’au début du XXIe siècle, la surface de la Terre est connue avec moins de précisions que la surface de Mars ou de Vénus. Et c’est pourtant vrai. Notre planète bleue rend en effet difficile la connaissance de la topographie précise du fond de ses océans. On n’a ainsi découvert qu’au XXe siècle que les plus grandes chaînes de montagnes et la majorité des volcans se trouvaient sous le niveau de la mer lorsque l’on a commencé à étudier sérieusement le fond des océans par échosondage. De nos jours un sondeur multifaisceaux Sea-Beam permet la cartographie détaillée des fonds marins avec une précision d’environ 15 mètres. Mais plus de 80 % restent encore très peu connus, avec une résolution faible en 3D. Les campagnes d’échosondages standards nécessiteraient plus d’un siècle et plusieurs milliards de dollars pour couvrir vraiment la totalité des océans.
Le champ de gravité et la surface des océans de la Terre
Mais les géophysiciens disposent d’autres outils pour progresser plus rapidement dans notre connaissance des océans : la gravimétrie et l’altimétrie satellitaire. Ils viennent de le prouver une nouvelle fois dans un article publié dans Science et qui aurait certainement fait plaisir à l’un des pionniers des mesures gravimétriques en mer au début du XXe siècle, le géophysicien et géodésien hollandais Felix Andries Vening Meinesz (1887-1966). Les campagnes de mesures gravimétriques du plancher océanique qu’il a conduites avec le gravimètre de son invention ont révélé des anomalies dans le champ de pesanteur terrestre qui se sont révélées précieuses pour l’élaboration de la théorie de la tectonique des plaques qui les a illuminées en retour.Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle avec deux barres horizontales en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître, si ce n’est pas déjà le cas. En passant simplement la souris sur le rectangle, vous devriez voir l’expression « Traduire les sous-titres ». Cliquez pour faire apparaître le menu du choix de la langue, choisissez « français », puis cliquez sur « OK ». © Scripps Oceanography, YouTube
Cela peut paraître de prime abord contre-intuitif, mais la surface de l’océan mondial s’élève dans les régions où le champ de gravité est plus important, à cause des montagnes sous-marines, et elle s’abaisse au niveau des fosses océaniques. La raison en est qu’elle suit le géoïde, une surface équipotentielle de la gravité de notre planète. En mesurant les variations de la surface des océans autour de celle de l’ellipsoïde de référence de la Terre à l’aide d’échos radar depuis l’espace, il est donc possible de reconstituer la topographie des fonds marins en résolvant ce qu’on appelle un problème inverse dans le jargon des géophysiciens. Les chercheurs sont en train d’utiliser les données altimétriques collectées par les satellites Jason-1 et CryoSat-2 pour mettre en pratique cette méthode qui avait déjà été utilisée pour s’affranchir de l’eau des océans et révéler la topographie des fonds marins. Il y a en effet eu un précédent célèbre, il y a 20 ans, avec les travaux de la géophysicienne française Anny Cazenave qui, en compagnie de ses collègues, avait dressé une carte du fond des océans de cette façon. On peut avoir accès aux nouveaux résultats qui ont nécessité des traitements complexes des données fournies par les deux satellites sur le site du célèbre Institut d’océanographie Scripps.