Je commencerai cet article en remerciant Babelio et les éditions Buchet/Chastel de m’avoir permis la lecture de ce livre, puisque c’est grâce à la masse critique de Babelio que j’ai pu le découvrir.
Synopsis
Journal de la chute revisite jusqu’à l’obsession trois catastrophes – trois chutes – qui traversent la quête d’identité du narrateur, un jeune quadra brésilien mal dans sa peau.
Celle du grand-père suicidaire, d’abord, survivant d’Auschwitz exilé au Brésil qui taira jusque dans le secret de son journal l’atrocité des camps. Celle de João ensuite, un jeune goy victime jusqu’au drame des brimades constantes de ses camarades d’une école juive de Porto Alegre à laquelle est inscrit le narrateur. Et enfin la plongée dans l’alcool et la dépression de l’auteur fictif de ce terrible journal intime. Avec une violence et une force incroyables, ce « je » fouille les éléments clés de son passé, les interroge à travers les faits, le temps, les générations, les triture sans relâche jusqu’à ce qu’ils livrent leur secret et lui permettent, peut-être, d’enfin reprendre pied.
Mon avis
Cette lecture est pour moi une véritable surprise, un livre qui m’a marqué aussi bien dans sa forme que dans son contenu.
Le journal de la chute aurait tout aussi bien pu s’appeler journal des chutes, car il est en réalité question de plusieurs chutes dans ce livre. La chute physique de ce camarade, celle qui va être l’élément déclencheur de la remise en question du narrateur. Mais aussi ces chutes morales et psychologiques : celle qui conduira son grand-père au suicide, celle de son père face à la maladie d’Alzheimer, et enfin celle du narrateur lui-même.
Ce journal, c’est celui d’un homme juif, la quarantaine, pensant avoir quelque peu raté sa vie. Il entame une sorte d’introspection, se replongeant dans sa propre enfance, mais également dans l’histoire familiale, notamment celle de son grand-père ayant survécu à Auschwitz, mais dont il ne sait finalement presque rien, et qui n’aura jamais parlé de cet épisode de sa vie à quiconque. Même dans son journal, il l’aura tu. Contrairement au père qui lui, n’aura de cesse de rappeler au fiston cette époque tragique vécue par son aïeul. Jusqu’à saturation du fils.
Commence alors pour le narrateur une véritable mise en questions sur lui-même, sur sa famille, mais surtout sur son identité en tant que Juif et petit-fils d’un juif rescapé d’Auschwitz.
Or, quand on évoque Auschwitz, il nous vient quasi automatiquement en tête – au-delà de la barbarie en elle-même – la question du devoir de mémoire. Et à travers les pensées de son narrateur, l’auteur nous propose une nouvelle réflexion sur le sujet. Entre autre, le thème de l’Holocauste n’a-t-il pas été trop matraqué jusqu’à écoeurer ? Mais il se pose aussi la question de ce qu’il restera dans la mémoire collective dans quelques générations, ce qu’il appelle « l’inviabilité de l’expérience humaine ». Ne vous imaginez pas qu’il minimise cet épisode de l’histoire, il n’en est rien. Son histoire personnelle et son expérience sont là pour nous le prouver.
Le style de l’auteur n’est pas compliqué en soi, mais la lecture n’est pas si aisée, notamment du fait que Michel Laub utilise souvent de longues phrases, parfois allant jusqu’à dépasser les 10 lignes. Moi qui d’habitude ne suis pas friande des phrases à rallonge, pour une fois cela ne m’a pas gênée plus que cela. Je dirais même que cela renforce l’intensité du texte : une réflexion qui en amène une autre et ainsi de suite, et qui finalement forme un tout.
Journal de la chute est un roman qui ose poser des questions qui encore aujourd’hui restent en quelque sorte tabou. Des questions qui à mon sens sont très bien résumées dans cet extrait
« Est-il possible que la haine d’un survivant d’Auschwitz entraîne un certain type d’indifférence à l’égard d’Auschwitz, comme si en détestant le survivant, ce qui peut signifier par moments lui vouloir du mal, on en venait à se ficher du mal qui lui a été fait, voire à le prendre à son compte, même si ce mal est celui qui lui a été infligé à Auschwitz ? ».
Michel Laub nous offre ici un roman qui nous laisse beaucoup de questions sans réponses, des réflexions qui vont au-delà de notre temps de lecture, qui obligent à repenser à ce qu’on a lu, bien après avoir refermer le livre.
Côté challenge
Challenge en cours chez Eimelle
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