On connaît bien sûr les perles des copies, soigneusement révélées notamment en période d’examen. Cet ancien professeur a, lui, compilé les perles des parents, celles des mots d’excuses écrits dans les carnets des élèves pour justifier leurs absences, retards, devoirs non rendus et autres motifs aussi divers qu’improbables. Et on n’imagine pas la variété et l’originalité de ces petits mots. Les tensions entre élèves, par exemple, donnent lieu à des mots tantôt soupçonneux, tantôt menaçants, tantôt digne d’un règlement de compte à OK Corral. Les poux et leur sempiternel retour font eux aussi l’objet de dénonciation d’une mauvaise foi hilarante quand il ne s’agit pas de plaintes en bonne et due forme. Avec leur langage tantôt mielleux et policé, tantôt nature, ils n’hésitent pas non plus à demander aux professeurs de secouer un peu un élève qui n’est pas non plus un fiston modèle à la maison.
Je suis amatrice de perles scolaires, tous mes élèves le savent puisqu’ils me voient dégainer mon carnet à chaque bêtise qu’ils osent proférer. Et je n’ai pas été déçue sur ce point : c’est un véritable festival. Les parents peuvent être d’un sans-gêne monumental quand il s’agit de défendre leur bouts de choux envers et contre tout. C’est surtout leur méconnaissance du système qui m’a fait souvent sourire, notamment sur le fait qu’ils s’agacent lorsqu’on leur demande de justifier les retards ou absences. Dur dur de trouver une excuse quand il n’y en a pas! Triés par thème, les messages demandent aussi volontiers aux professeurs d’intervenir pour des problèmes extérieurs à l’école, tels des altercations entre parents qui pourraient bien se poursuivre entre enfants dans la cour. Sans retenue, sans complexe, ou même très touchantes lorsque les parents remercient ou souhaitent bon courage au professeur, ces messages sont pour l’essentiel tout spécialement savoureux.
J’ai eu cependant un petit bémol à apporter au cours de ma lecture. Si le mauvais esprit des parents est un vrai sujet d’humour, leur niveau d’instruction ou de maîtrise de la langue française est souvent clairement mis en avant comme prêtant à rire. Or si je suis la première à me moquer de l’inventivité verbale des élèves qui, eux, sont sur les bancs de l’école, j’ai plus de retenue avec leurs parents tant on devine parfois de lourdes lacunes. Pas sûr qu’ils soient responsables de leur manque d’instruction et cela m’a plutôt mise mal à l’aise.
Mes préférées sont celles où les parents mettent clairement en faute leurs rejetons ou se retrouvent pris la main dans le sac en flagrant délit de mauvais exemple. Petit florilège:
“Vous me dites que Christophe était encore en retard ce matin. Je vous promets pourtant que je le lève avant de partir travailler. Pouvez-vous lui expliquer que le plus court chemin pour aller d’un point à un autre c’est la ligne droite et non pas le tour du quartier.”
“Madame, Dimitri m’a dit que vous cherchez quelqu’un pour garder le hamster de la classe pour Noël. Ce service devra-t-il être gracieux? Si non, nous acceptons.”
“Je soussigné Pierre Durand certifie avoir emmené ma fille Lucille ce jour lundi 18 janvier en retard à l’école. Mais surtout ne dites rien à mon ex-femme sinon elle va me faire la peau.”
La note de Mélu:
A prendre avec philosophie et humour, pour ne pas trop s’en effrayer! Un grand merci aux éditions Michel Lafon pour cette jolie découverte.
Un mot sur l’auteur: Patrice Romain (né en 1960) fut instituteur, directeur d’école et principal de collège avant d’être écrivain.