La conception d’îles artificielles sur lesquelles des cités-Etats pourraient accueillir les nouveaux pionniers s’inscrit un peu plus dans la tendance de nouveaux types d’espaces de travail qui ne poseraient pas de freins à l’innovation.
Le projet de "seasteading platforms", c’est-à-dire de cités flottantes, connait un renouveau d’intérêt dans la Silicon Valley depuis que quelques milliardaires du secteur de l’internet, comme Peter Theil ou Larry Page, se sont intéressés à l’idée de construire des structures pour échapper aux législations étatiques américaines. Le fondateur de Google Larry Page a en effet précisé que les lois fédérales ralentissaient la dynamique de la recherche théorique et appliquée et qu’un espace où celle-ci pourrait s’effectuer en dehors de telles contraintes l’intéresserait hautement. Ainsi, les cités flottantes, installées dans les eaux internationales, promettent d’offrir une telle liberté vis-à-vis du pouvoir politique américain qui tempère les velléités progressistes de industries disruptives californiennes (la Google Car fut longtemps interdite, Airbnb poursuit sa lutte contre le lobby hôtelier). Le but initial des cités flottante est de transformer la diplomatie internationale en une compétition économique entre des structures étatiques qui devraient se battre pour attirer les meilleurs citoyens en offrant les meilleures conditions de vie possibles. De tels projets restent pour beaucoup des discours d’ordre utopiques et leurs promoteurs eux-mêmes proposent d’avancer graduellement dans la construction d’îles entièrement artificielles perdues loin dans les eaux internationales où les entrepreneurs du monde entier expérimenteraient librement.
Être un gouvernement, prochain objectif des startups ?
Peter Thiel a été séduit par l’idée et investit depuis dans le Seasteading Institute – crée par le petit-fils de l’économiste Milton Friedman, Patri Friedman – qui promeut auprès des mécènes de la Silicon Valley l’idée d’un paradis pour les entrepreneurs situés en dehors du pouvoir fédéral américain.
Friedman est conscient de l’importance des itérations dans l’installation de cité flottante durable. Des tentatives devront ainsi voir le jour dans la San Francisco Bay afin de constater les résultats à petite échelle. L’arbitrage entre la perte de confort et le gain de liberté des premiers pionniers fait désormais partie de la communication publique du Seasteading Institute. Pour l’instant, Patri Friedman admet qu’il est plus raisonnable d’espérer installer une cité flottante dans les eaux territoriales d’un pays, c’est-à-dire rester à une distance relativement proche du continent pour bénéficier de la logistique locale. Le projet DeltaSync – dont les plans furent achevés en 2013 – repose sur des structures de 2000 mètres carrés en forme de carrés ou de pentagones qui peuvent être ajoutés les uns aux autres. Avec 11 modules, la structure totale pourrait accueillir près de 300 personnes. Le coût atteindrait 167 millions de dollars. La mobilité de l’ensemble des plateformes connectées permettrait de déplacer la cité flottante dans le cas où l’entente deviendrait difficile avec le pays hôte. L’impératif de mobilité étant intrinsèque au projet, un arbitrage existait au début du projet entre le fait d’acheter des bateaux de croisières – dont le coût est de 10 millions – et la construction de plateformes modulables de plus de cent millions d’euros.
Comment construire une cité flottante intelligente ?
L’avantage d’une cité flottante est de partir de zéro dans le travail des urbanistes. Les connexions, les câbles, les bâtiments peuvent tous êtres construits de façon à être homogènes entre eux – contrairement aux villes historiques où les rues et les immeubles doivent êtres conservés dans leur état actuel à court terme.
Mais l’auto-régulation n’est pas une visée première du Seasteading Institute. En effet, comme Patri Friedman le précise : « l’autonomie du point de vue des ressources n’est pas une priorité ». Chacune de ces îles flottantes pourrait être, par exemple, spécialisée dans la production d’un secteur agricole particulier compte tenu de sa location. Les premières cités flottantes, selon leurs promoteurs, ne visent pas à devenir entièrement autonome et compteront sur le commerce pour se ravitailler. L’objectif étant l’efficience technologique, le fait de créer sa propre énergie serait un réel gaspillage de temps par rapport à la spécialisation dans une tâche avec des avantages comparatifs propres.
La structure faîte de plateformes autonomes entre elles respecte donc quatre impératifs stricts : la résistance aux tempêtes, l’économie de coûts pour les résidents, proposer un confort de vie et être modulable dans l’espace. Les principes traditionnels de la smart city que sont l’optimisation de la gestion des ressources ou le travail sur la proximité des citoyens et du pouvoir n’apparaissent pas être des préoccupations centrales pour le Seasteading Institute.
Concernant les raisons que les pionniers pourraient trouver à venir s’installer au milieu des eaux internationales, et en plus des avantages fiscaux, les promoteurs du Seasteading Institute imaginent monétiser les cités flottantes grâce au tourisme médical qui, en dehors des lois d’un pays donné, attirerait des patients vers ces cités flottantes pour subir des traitements illégaux chez eux.