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Duchamp et avant

Publié le 10 octobre 2014 par Pantalaskas @chapeau_noir
Duchamp roue

" La roue de bicyclette" Marcel Duchamp 1913 dans l'exposition "La peinture, même"au Centre Pompidou 2014

"La peinture, même"

L'an passé, le Centre Pompidou de Paris aurait pu saisir l'occasion de rendre hommage au tout premier ready-made de Marcel Duchamp, cette fameuse roue de bicyclette fixée sur un tabouret, créé en 1913. Plutôt que de s'intéresser au "Duchamp et après", l'exposition actuelle nous parle du "Duchamp et avant" cet objet dont venait tout le mal pour certains. Car "La peinture, même", titre de cette exposition  souhaite nous montrer que Duchamp "est d'abord un peintre, et c'est dans sa peinture que l'on peut lire, dès le début, la complexité et l'extrême cohérence de son œuvre".
Je laisse le soin aux spécialistes nombreux de Duchamp de retracer toutes les périodes et les implications de ce Duchamp  peintre.

Un ready-made peut en cacher un autre

C'est au sort de ce tout premier ready-made que je souhaite réserver ces lignes. Car cet objet non identifié surgit donc en 1913 au milieu de cette période peinture. Déjà, l'année précédente, le "Nu descendant l'escalier" a croisé les recherches d'Etienne-Jules Marey comme le montre l'exposition du Centre Pompidou. On sait combien la naissance à venir de ce Ready-made a pris  une place déterminante. Mais qu'en est-il dans ces années où la peinture reste l'occupation essentielle de l'artiste ? Composée de métal et bois peint, il s'agit d'une roue de bicyclette (sans pneu) fixée par sa fourche sur un tabouret en bois. Dès sa création, l'objet  semble porter un destin agité, au point que six versions de l’œuvre  verront le jour jusqu'en 1964.
Marcel Duchamp n’a rien fait non plus pour simplifier les choses en semant le doute au gré des entretiens et des déclarations. En premier lieu, l’artiste réfuta le terme de Ready-made pour ce premier objet improbable que l’on qualifia cependant de "Ready-made assisté".
« Quand j’ai mis une roue de bicyclette sur un tabouret la fourche en bas, il n’y avait aucune idée de Ready made ni même de quelque chose d’autre, c’était simplement une distraction » déclarait-il à Pierre Cabanne.  L’original de l’œuvre fut perdu ou oublié par Duchamp dans son atelier de Neuilly lorsqu’il quitta la France pour les Etats-Unis en 1915, d'où la fabrication d'une seconde roue de bicyclette dans l’atelier New-yorkais en 1916.
Dans le même temps, les véritables ready-mades sont arrivés, à commencer par le Porte-Bouteilles en 1915. Si bien que l'objet précurseur conserve un statut hybride, souffrant comme un enfant mal aimé auquel ont n'aurait même pas donné un nom, manquant d'affection et d'attention. Orphelin dans l’œuvre de Duchamp, il marque pourtant une coupure qui lui donnera l'occasion de prendre sa revanche plus tard.

Car se pose la question de savoir quand l'effet Ready-made prendra-t-il véritablement son sens ?  Et cette question nous ramène à cette exposition du peintre Duchamp, dans laquelle l'objet roue de bicyclette, présent mais discret, semble attendre son heure. L'objet orphelin est-il à l'époque perçu également comme une des toutes premières (sinon la première) œuvres cinétiques tandis que Naum Gabo, dans son usine désaffectée dans la
banlieue ouest de Berlin, à Licherfelde-Ost, n'a pas encore inventé sa première pièce cinétique ?
Entre la période des nus, la curiosité pour les cubistes, la séduction pour les machines, le Grand verre, l'enfant caché de Duchamp, ce Ready-made assisté à nul autre pareil devra attendre encore pour symboliser tout ce qui sera produit au nom de Duchamp dans cet "après" prometteur.

Photo de l'auteur

Marcel Duchamp. La peinture, même

24 septembre 2014 - 5 janvier 2015
Centre Pompidou, Paris


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