[notes sur la création] Ludwig Hohl

Par Florence Trocmé

"L’artiste doit viser à toujours plus de complétude. L’exigence essentielle, pour lui, consiste seulement à produire en fonction de sa vie, de ses moyens, de ce qui vient à lui. Mais il n’est pas question, dans son art, de tenir les choses à bout de bras, de chercher au-delà de lui-même, d’échafauder. Cela signifierait-il que nul effort ne lui est demandé ?  
Distinguons de la manière la plus nette et la plus précise :  
L’artiste doit vouer les plus grands efforts à contrôler les moyens qui sont les siens. Il ne doit jamais cesser de mettre à l’épreuve ses formes, jusque dans leur moindre détail, afin de les faire correspondre toujours davantage à son intention. Ce qui lui demeure interdit en revanche, c’est tout effort en vue d’agrandir son domaine, de remplir des formes qui ne relèvent pas de son génie ni de son temps, des formes “plus grandes”. 
Car dans la mesure exacte où il se livre à ce genre d’effort, il pervertit son art, toujours.  
[...] 
Il reste que les grands esprits trouvent toujours leurs formes, et des formes pleinement suffisantes. Toujours les esprits se forgent en créant des formes. Et la critique d’art, après coup, dans sa paresse, fabriquent des systèmes qui, toujours dépassés, sont des machines de guerre contre les formes nouvelles. (Cette critique, on la reconnaît à son affirmation favorite : autrefois, les choses étaient ainsi, mais aujourd’hui non.)."  
 
Ludwig Hohl, Notes ou De la réconciliation non prématurée, traduit de l’allemand par Etienne Barilier, Bibliothèque l’Age d’homme, 1989, p. 157.