Tom à la ferme de Xavier Dolan avec Xavier Dolan, Pierre Yves Cardinal, Lise Roy

L'histoire: Tom se rend dans la campagne canadienne pour les funérailles de son petit ami. La mère et le frère du défunt n'ont jamais entendu parler de lui et Francis, entre menaces et confidences, lui impose de jouer un rôle pour préserver sa famille.

La déferlante Xavier Dolan liée à la sortie de Mommy, son dernier film, m'a fortement intriguée et en surfant sur le web, je me suis rendu compte que j'avais déjà vu, du moins en partie, son premier long métrage : J'ai tué ma mère. L'idée et la réalisation étaient assez bonnes mais les longueurs m'avaient achevée. Je n'aime pas les films bavards et contemplatifs, mes capacités de concentration sont trop faibles pour y résister. Cependant, je suis assez persistante et j'ai voulu tenter l'aventure Tom à la ferme. Bien m'en a pris. C'est contemplatif, mais moins, et les relations hyper toxiques entre les différents personnages sont absolument fascinantes.

Adapté d'une pièce de théâtre me semble-t-il, Tom à la ferme fonctionne comme un huis-clos puisque le personnage principal est contraint de rester vivre sur une propriété agricole au milieu de nulle part avec Agathe et Francis, son tortionnaire. Insaisissable tortionnaire pour lequel Tom éprouve des sentiments contradictoires. Amour et haine se heurtent dans son esprit et le perdent. Il est terrifié et malmené. Les coups pleuvent sur sa tête. Pourtant, il est indéniablement attiré par Francis. Peut-être pour ce qu'il est. Peut-être parce qu'il a la même voix, le même parfum que son frère décédé. On ne le sait pas. Les sentiments de Francis sont tout aussi ambivalents. Il transpire le dégoût pour Tom mais s'autorise des gestes tendres envers lui. Il prétexte le retenir à la ferme pour le bien de sa mère, alors qu'il le fait pour lui-même. Peut-être qu'il reporte sur Tom la haine qu'il se porte, probablement parce qu'il est un homosexuel refoulé. La relation tordue et désespérée qu'ils entretiennent pose beaucoup de questions auxquelles le film apporte finalement peu de réponses. Bien sûr, il y a d'autres thèmes. Le deuil d'une mère, les non-dits, l'absence, les secrets... Mais aucun n'a la puissance du duel entre Tom et Francis.

Je n'ai aucune notion des techniques cinématographiques mais j'ai quand même noté l'utilisation intéressante des ellipses dans la narration. Par exemple, sans que l'on sache pourquoi, le spectateur suit la fuite forcenée de Tom à travers un champ de maïs. Ce qui provoque cette fuite reste du domaine de l'imagination et la spectatrice que je suis apprécie d'être ainsi mise à contribution. Dernier point, et non le moindre, les interprètes. Xavier Dolan est excellent mais Pierre Yves Cardinal le surpasse en fermier machiavélique et pervers. Ce beau brun sait se rendre inquiétant ou attendrissant en un tour de main, voire carrément désespéré dans une scène finale déchirante.

Alors oui, maintenant je comprends mieux la Dolan mania du moment. C'est un réalisateur talentueux que je vais surveiller du coin de l'oeil. Du haut de ses vingt-cinq ans, il fait preuve d'une maturité assez notable dans ses productions... Une maturité que j'avoue lui jalouser du haut de mes propres vingt-cinq ans!