Après vous avoir présenté deux romans très contemporains, je reviens vous parler d'un classique : Un roi sans divertissement de Jean Giono. Si vous me suivez sur Facebook, vous savez probablement que j'ai adoré ce roman, alors je ne vous fait pas patienter plus longtemps et je vous laisse tout de suite avec la chronique de ce nouveau coup de cœur !
Petite précision avant de commencer : non, je ne vous parlerai pas de la citation de Pascal : « un roi sans divertissement est un homme plein de misère », mais n'hésitez pas à m'en parler en commentaires si vous voulez rebondir dessus.Je lui dis : « Marche, marche, tu ne me dis pas tout ! – Bien sûr que si, dit-il, qu’est-ce que tu veux que je te cache ? » – Evidemment, c’est un historien ; il ne cache rien : il interprète. Ce qui est arrivé est plus beau ; je crois. (p.13)Dès le départ, le ton est donné : Giono ne veut pas interpréter ni comprendre, il ne veut pas tirer des leçons de cette histoire, il veut au contraire montrer la beauté en elle. C’est donc une belle histoire que Giono veut nous raconter grâce à ses talents de romancier
Et le lecteur ne sera pas déçu, car il y a de la beauté partout dans ce roman. Celle-ci vient surtout du fait que le roman est très visuel. Les couleurs, les contrastes et les dimensions s’impriment tout de suite dans l’esprit du lecteur et nous donnent vraiment l’impression d’être devant une toile. En effet, en le lisant, j’ai parfois eu l’impression que l’auteur écrivait un roman à partir d’un tableau ou d’une photographie, qu’il en déroulait une histoire entière, comme La Jeune fille à la perle de Tracy Chevalier.
A midi, tout est couvert, tout est effacé, il n’y a plus de monde, plus de bruits, plus rien. Des fumées lourdes coulent le long des toits et emmantellent les maisons ; l’ombre des fenêtres, le papillonnement de la neige qui tombe l’éclaircit et la rend d’un rose sang frais dans lequel on voit battre le métronome d’une main qui essuie le givre de a vitre, puis apparaît dans le carreau un visage émacié et cruel qui regarde. (p.15)Ce paragraphe est selon moi un parfait exemple du talent de conteur de Giono : il nous décrit la scène de façon très picturale et imagée. Je ne sais pas ce que ça évoque chez vous, mais moi je vois une photographie en noir et blanc, légèrement pigmentée d’une petite touche de rouge.En définitive, la couleur rouge vif du sang sur la neige, la blancheur de celle-ci et l’immensité du hêtre sont des images qui restent vraiment ancrées en moi, qui me permettent d’illustrer ce livre et m’en donnent un souvenir d’autant plus fort.
→ MON AVIS
Tout d’abord, je voudrais vous dire à quel point j’ai été surprise par la narration. Au début du roman, je ne savais pas dans quoi je m’embarquais puisque la quatrième de couverture ne nous renseigne pas vraiment sur l’intrigue (sans compter le fait que je ne crois pas avoir vraiment lu ce résumé), j’étais donc un peu perdue dans la mesure où je ne savais pas quels éléments retenir des premières pages, et je n’arrivais pas à distinguer ce qui était important pour comprendre l’histoire de ce qui l’était moins. J’ai donc continué la lecture en essayant de me concentrer au maximum pour retenir le plus d’éléments possible.
Si Giono commence en nous donnant quelques indices de manière assez décousue (le hêtre, la scierie, Frédéric II, M. V., Chichiliane, la neige…), petit à petit, les éléments prennent sens les uns par rapport aux autres, et on comprend rapidement où il veut en venir. Cela peut-être déstabilisant au début, mais rassurez vous ça ne dure pas longtemps et c’est aussi ce qui nous permet de bien rentrer dans l’histoire puisqu’on a un peu tendance à se prendre pour un détective en essayant de résoudre le mystère !Mais surtout, c’est la façon dont la beauté est mise au centre du roman qui m’a beaucoup touchée. Je trouve cela incroyable d’avoir réussi à écrire un livre aussi beau et touchant, alors que l’intrigue pourrait être celle d’un thriller assez glauque !
Ce roman, grâce à sa dimension très visuelle et picturale, et grâce à l’écriture très poétique de Giono, a stimulé ma sensibilité de manière unique. Très franchement, lire Un roi sans divertissement, c’est comme lire de la poésie. Ca glisse, ça fond, ça évoque des choses en nous, ça réveille des sentiments dont on ignorait l’existence… Quand je lis un roman, je m’attends souvent à y trouver un peu d’humour et d’ironie, beaucoup d’esprit critique et beaucoup de réflexion ; ce sont pour moi des éléments importants qui permettent vraiment de distinguer le roman des autres genres. A l’inverse, quand je lis de la poésie, j’attends surtout à y trouver de la beauté et j’aime qu’elle s’adresse à ma sensibilité et pas à mon esprit critique.Ici, j’ai presque l’impression que c’est un poème que Giono a écrit, et j’adore quand les livres arrivent à me toucher à ce point. Je ne sais pas comment Giono réussit à faire naître son émotion, car son écriture « ne paye pas de mine » a priori, elle n’est pas particulièrement chantante ni légère ; mais c’est sans artifice et sans détour que Giono crée son univers et y embarque le lecteur. J'adore quand les livres me font réfléchir, mais j'aime encore plus quand ils me bouleversent à ce point et stimulent ma sensibilité.
Cela m'arrive rarement qu'un roman me touche à ce point et me transmette vraiment de l'émotion, mais Un roi sans divertissement est un de ceux-là et est donc un véritable coup de cœur. C'est définitivement un des romans que je citerai quand on me demandera à l'avenir quels sont mes livres préférés.
Avez-vous lu ce livre de Giono, ou y a-t-il un livre qui vous a beaucoup ému et que vous pourriez me conseiller ?
J'espère que cette chronique vous a donné envie de découvrir ce roman, en tout cas je vous le conseille vivement, c'est une merveille !Bonne journée à tous !