Indiana Jones est un mythe moderne du cinéma, ce que Don Juan est à la littérature et au théâtre, Indy l’est à la pellicule toute proportion gardée. Un mythe qui suscitait l’envie et la pâle copie d’un Alan Quatermann ou d’un Benjamin Gates. Mais comme souvent avec les mythes, on en vient à déboulonner la statue du Commandeur. Ce quatrième opus des aventures d’Henry Jones Jr, Indiana Jones ou le royaume du crâne de cristal, fait un peu l’effet d’un soufflé de Gaston Lagaffe. : superbe l’espace d’un instant, retombé dans la minute qui suit. Ce qui était beau chez Indiana Jones, c’était sa capacité à donner du rêve, à faire de l’archéologie, de la mythologie, de l’histoire non pas des disciplines ringardes et empoussiérées mais des morceaux de bravoure. Le personnage d’Indiana Jones donnait à aventurier un sens moderne, un côté Don Quichotte du XXe siècle, l’humour en plus !
Le gang Lucas/ Spielberg a frappé à côté cette fois-ci. La Dernière Croisade aurait dû le rester. N’en déplaise aux fans inconditionnels des Lucasseries, et autres Spielbergeries ces deux-là n’ont sûrement rien produit d’intéressant depuis 20 ans exception faite de La Liste de Schindler et de Munich pour le second susnommé. Les deux dynamiteurs du Hollywood des 70’s ont sombré dans l’académisme le plus total. Voire dans un cinéma nostalgique pour ne pas dire réactionnaire. Disons-le ils ont sacrifié Indy sur l’autel du marketing et non du Temple Maudit ! (Attention spoiler) Voir Indiana Jones personnage politiquement incorrect par essence transformé en ancien agent de la CIA rangé des bagnoles, élevé au rang de colonel, marié, un enfant (Shia Laboeuf), a quelque chose de pathétique un peu comme si Dark Vador s’était retiré sur Tatouine pour ouvrir un garage à Landspeeder !
La notabilisation d’Indiana Jones c’est la fin d’un mythe. Alors oui, Georges essaye bien de nous refourguer un petit fiston déguisé en Elvis Presley dans Jailhouse Rock sous les traits de Shia Labouef , mais la gomina ne passe pas ! Pendant tout le film, on essaie de nous faire passer des vessies pour des lanternes ou des frigos américains pour des abris anti-atomiques. Harrison Ford n’y est plus physiquement, il n’y a qu’à voir la liste des cascadeurs au générique de fin, alors même si quelques dialogues et références Jonsiennes suscitent un sourire par-ci par-là ce n’est pas suffisant pour retrouver le souffle épique des débuts du Professeur Jones ! Autre point noir et pas des moindres, les effets spéciaux qui font un peu désuet à l’heure d’un Iron Man de haute technologie. On pense ici à la scène d’escrime, mais pire encore l’incompréhensible scène des singes où l’ami Laboeuf se prend pour Mowgli dans le livre de la jungle, une scène à faire se retourner Rudyard Kipling dans sa tombe et n’importe quel scénariste en grève ces derniers mois !
Enfin, passons ce quart d’heure, "les enfants de 3 ans et plus vont adorer", pour en venir aux points positifs. Remercions les casteurs pour l’immense prestation de Cate Blanchett en espionne ukrainienne au regard bleu d’acier qui donne au personnage du méchant un soupçon de sadisme teinté d’érotisme soviétique du meilleur goût ! Elle rend service au film en renvoyant les blondes insipides et hitchcockiennes des précédents épisodes au rang de simple faire valoir. Ne serait elle pas la vraie héroïne de ce Royaume du crâne de Cristal ? On se le demande au vu du peu de consistance de notre Indy malheureusement un peu trop nationaliste… C’est elle qui porte la culotte (de cheval, la vraie pas celle en cellulite…) à merveille. Et non pas Indy empêtré dans une espèce de come-back amoureux pitoyable… où est passé le lover légendaire à qui aucun jupon même nazi ne résistait ?
Par ailleurs, chapeau au chapeau ! Toujours aussi indispensable c’est peut-être le seul personnage qui n’a pas vieilli et qui ne prend pas une ride… comme la musique qui rythme pour notre plus grand plaisir les quelques scènes d’actions. On n’arrive ainsi à ne pas s’ennuyer pendant ce film et c’est déjà pas mal en ces temps de disette.
Au final, on sort un peu déçu par cette quête de l’Eldorado sans queue ni tête. L’obsession Lucasso-Spielbergienne (attention spoiler) pour les petits hommes de l’espace finit même par lasser le fan de E.T de la première heure. Lucas et Spielberg se sont amusés comme des petits fous à recréer l’univers des 50’s de leur enfance, celui du McCarthysme et de l’anti-communisme primaire, celui de la bombe A et de l’explosion de la société de consommation, a celui du Vertigo de Hitchcock aperçu furtivement sur un écran et des blousons noirs. Une fois déjà sur le tournage de Jaws (Les dents de la mer) les deux compères de toujours avaient cassé leur jouet, le requin mécanique, avec l’aide de Francis Ford Coppola, c’était sans conséquence. Mais cette fois-ci, ils ont cassé celui d’une génération qui aurait tout donné pour être Indiana Jones, et touché le mythe l’espace d’un instant. On l’a déjà dit tous les mythes ont une fin…
Pourquoi y aller ?
Pour le générique et l’ambiance archéolo- fantastique des Indiana Jones et la prestation de Cate Blanchett, impeccable du début à la fin.
Ce qui peut freiner ?
Pour la mise en scène plan-plan et académique. Le manque d’humour et les lucasseries de mauvaises factures qui font passer Un ticket pour l’espace de Kad et O pour un chef d’œuvre Kubrickien… C’est dire !