La trop courte vie (ou devrais-je dire trop longue au regard de son long, très long calvaire) de Marina s’est arrêtée peu de temps après avoir prononcé ces quelques mots, ultime tentative d’une enfant martyre âgée de 8 ans de communiquer avec ce monde d’adultes qui tour à tour la rejette, la maltraite, l’évite, la soupçonne, la juge, elle, qui, veut simplement être aimée, rire, s’amuser, partager, vivre avec l’insouciance et la candeur nécessaire de son âge. Ses rêves sont probablement peuplés d’aventures extraordinaires et de princesses magnifiques mais aussi, plus certainement, de rires, d’amour et de bonheur avec les siens…
De quoi auront été fait ses derniers rêves, nous ne le saurons jamais, elle est décédée cette nuit d’été là entre 01h00 et 04h00 du matin au terme d’énièmes violences. Marina a emporté avec elle ses rêves, ses espoirs, sa candeur, son amour pour les autres, ses incompréhensions également, sa douleur évidemment, qu’aura-t-elle capté de ce passage sur notre terre, au milieu de ces adultes lâches, violents, de cette société impassible, de cette administration incapable, qu’aura-t-elle compris de notre incapacité à l’aider, la défendre, à l’aimer ???...
Aujourd’hui, en ce mercredi, jour des enfants, la Cour de cassation a rejeté toute responsabilité de l’Etat, une manière, une ultime fois, de nous dérober face au martyr de cette enfant, la justice de ces hommes, ces adultes qui détiennent le pouvoir, la force, la méchanceté, de dénier avoir omis de faire quoi que ce soit pour Marina, une manière, au final, de la rendre, elle, responsable de ce qu’elle a subit, coupable de ne pas avoir donné aux adultes les moyens de la défendre, coupable d’avoir été une victime, coupable probablement d’en être décédée, emportant avec elle ses vérités, coupable, c’est sûr, de n’avoir que huit ans et de ne pas comprendre le mot confiance, alors même, qu’elle, jusque dans ses derniers instants a tendu la main vers les siens pour être aimée et acceptée… Marina, pardonnes nous, nous sommes dans le déni, tu n’as été qu’une victime et tu n’auras pas eu le droit de comprendre que la vie est parfois si belle…
Retour donc sur le parcours d’une enfant au milieu d’un monde d’adultes exonérés de toute responsabilité, et de toutes ces occasions ratées pour protéger (sauver) Marina de la folie des hommes, recueil des horreurs d’un sourire que l’on cherchait à effacer :
Née le 27 février 2001, Marina va mettre le premier pied dans ce monde lâche et irresponsable, elle naitra sous X, la machine à déni, la monstruosité à effacer les sourires est en marche, elle mettra huit ans, 8 longues années à accomplir sa funeste entreprise. A tous, elle déclarera que cet enfant n'avait pas survécu. Au père dont elle s'était séparée, à ses proches, à ses sœurs… Tout le village savait donc ce malheur avant, qu’un jour, Virginie Darras ne ressurgisse « un bébé dans les bras », Marina qu’elle aura finalement « été récupérer » selon ses termes (et sous la pression familiale), le village, la famille, l’entourage ne le savent pas encore mais la vrai malheur vient juste d’arriver, Marina qui aurait pu être adoptée va payer ce déni avorté, elle le paiera dans la souffrance et la douleur.
Dès ses deux ans et demi, Marina commencera à souffrir, vraiment, le lent travail de déshumanisation de leur enfant par ses parents, pardon, ses géniteurs, le terme de parents se mérite et se gagne à l’une du bonheur de ses enfants, le quotidien de Marina deviendra dès lors sordide, Marina subit « des coups, des mises au coin, des douches glacées », reconnaît sa mère. « Des privations de nourriture, jusqu'à trois jours d'affilée aussi, et l’escalade se poursuit, lentement mais sûrement dans l’indifférence et la lâcheté familiale, dans l’horreur absolue, du vomi à manger, les cheveux arrachés lorsqu’elle est traînée par terre…. Pendant six ans, Marina a vécu un véritable enfer et les pires sévices contrainte à boire du vinaigre, à manger du gros sel, ou encore à prendre des bains glacés… Coups de ceinture ou de lattes de lit, attachée plusieurs fois à son lit avec du ruban adhésif et des sangles afin de l’empêcher de se lever pour manger, à passer des journées nue dans la cave, tout ça pour la punir… La punir, de quoi ? Elle n’en sait rien, elle n’a rien fait, elle les aime ses parents qui lui font payer leur rejet non assumé. Marina qui, bravement, tentera d’alerter son entourage de sa souffrance, d’abord auprès de sa grand-mère maternelle et une de ses tantes qui ont accueilli la petite en vacances en 2004 et 2005. Elle confiera qu'elle ne voulait pas revenir chez ses parents, "Maman, elle est méchante, vilaine", et à sa tante avant de repartir "ils me tapent". Le déni et la lâcheté n’auront pas plus d’écho que cela, qu’aura pensé Marina à cet instant de ces adultes coupables, complices ?
La première alerte de maltraitance aura lieu quand Julie, une autre sœur de Virginie, a découvert Marina blessée au genou (des gifles dit la mère, avant d'avouer des coups de poing). Elle prévient la grand-mère qui finalement appellera le service des enfants maltraités. Mais elle se fera rabrouer accusée qu’elle est de mentir pour tenter de récupérer sa petite-fille, témoigne-t-elle. En 2006, la famille déménage, l'équipe éducative, présente lors de la première scolarisation de Marina, a également témoigné des premiers signes alarmants et de la difficulté de faire reconnaître les maltraitances de la petite fille. "À la récréation elle essayait de rentrer dans la classe, elle disait que c'était pour faire pipi mais en fait c'était pour essayer de manger le goûter des autres enfants", a témoigné une assistante scolaire. "La mère disait que sa fille était boulimique, qu'elle mangeait tout le temps, que c'était une maladie", a expliqué l'assistante scolaire. Quant aux bleus et aux absences répétées de la fillette, "les parents avaient toujours des explications", des chutes, des accidents ménagers… Sa grand-mère, ses instituteurs, un médecin scolaire, une maman dont la fille partageait la chambre de Marina à l'hôpital, décrivent tous une enfant adorable, souriante, attachante qui adorait l'école et aimait le chocolat, une enfant somme toute normale avec une particularité terrible, être une enfant martyre aux yeux et à la barbe du monde environnant. Et Marina, courageuse, qui continuera d’aimer les siens et de se battre pour son bonheur.
Lors du procès, l'audition (filmée) de Marina devant les gendarmes, le 23 juillet 2008, soit à peu près un an avant sa mort sera diffusée :
- "Où est ce que tu vis? demande la gendarme.
- Avec ma maman et mon papa, répond l'enfant.
- Est ce que quelqu'un te fait du mal?
- Non. Personne."
Un an plus tard, les souffrances de Marina connaitront leur paroxysme et le 7 août 2009, Marina décèdera…
Ce soir-là, nue et placée dans un bain froid, la fillette entre autres coups recevra de son « père » une claque assez forte pour projeter sa tête sur le rebord de la baignoire et y faire un éclat, provoquant un "hématome sous-dural aigu", cet hématome, conjugué aux scènes d'asphyxie en plongeant la tête de la petite fille sous l'eau à plusieurs reprises, le tout aggravé par l'hypothermie, entraîneront sa mort.
Avant que sa « mère » ne remonte du sous-sol, Marina lui avait dit avoir "mal à la tête". Cette petite fille courageuse aura ainsi jusqu’au bout donné une leçon cinglante à ces adultes lâches et couards, veules et médiocres de bonté et d’amour, le sous-sol se refermera définitivement sur ces terribles mots «Bonne nuit maman, à demain». Marina, tu ne te réveilleras malheureusement pas de cette ultime nuit de souffrance, ultime couardise de tes bourreaux ton corps sera dissimulé dans un entrepôt de déménagement, enroulé dans un drap et dix sacs poubelle puis caché dans une caisse en plastique scellée et remplie de béton. Un dernier déni, une dernière dérobade, ils seront condamnés à 30 ans de réclusion criminelle, une goutte d’eau dans cet océan glauque de souffrance et de malheur…
Alors voilà, ma fille, la mienne, aura dans quelques mois 8 ans et forcément cela m’interpelle, je vis au plus près le quotidien d’une enfant de cet âge-là avec ses rêves, ses réalités, ses espoirs, son insouciance, sa candeur et tout ce bonheur que seul un enfant est capable de vous donner inconditionnellement et sans retenue, j’ai mal pour elle pour ce monde dans lequel je la projette, mal de lui dire que ce monde est souvent lâche, parfois incapable de faire le bien, trop retors et torturé pour autant pour reconnaître sa noirceur et malfaisance, alors oui, nous avons le devoir de protéger ce bien si cher et si précieux qu’est l’enfance, lui rendre ses droits que sont l’insouciance et la légèreté, le bonheur et les rires, chérissez vos enfants comme rien d’autre ne le mérite, chaque jour passé ne se représentera pas, donnez-leur tout cet amour et cette tendresse qui sont leur carburant, leur seule raison d’être, soyez à leurs yeux des parents, des guides, des protecteurs pour leur donner la force, le courage et les clés pour entrer, demain, de plein pied dans le monde adulte et à leur échelle, permettre de le rendre un peu meilleur.
N’oubliez simplement pas ceci, chaque jour passé à voir grandir nos enfants, à leur transmettre notre amour et à les éduquer, chacun de ces jours passés à grandir, ensemble, rien qu’en France, deux enfants meurent de maltraitance, deux autres Marinas, petits sourires anonymes traversant, telles des comètes ce monde d’adultes incompris, peuplé d’étoiles scintillantes que sont nos enfants, deux de plus, chaque jour, deux de plus qui je l’espère du plus profond de mon être viennent hanter les pires cauchemars des nuits des parents de Marina, oui, je le dis, je l’espère, puissiez-vous souffrir au centuple ce que vous avez donné comme vie à cette enfant !!...
Les guerres ne devraient concerner que des militaires, les violences que des adultes, malheureusement, par lâcheté, par facilité, les enfants sont les premières et plus terribles victimes de ces affrontements, eux au nom desquels le monde se bat souvent pour des lendemains meilleurs, mais combien d’entre eux au final ne verront jamais ce lendemain, combien auront l’amour suffisant de prononcer ces mots terribles, « Bonne nuit maman, à demain » sans savoir qu’il n’y aura aucun lendemain, aucun sur cette terre honnie des adultes, puissent toutes ces étoiles briller encore indéfiniment dans ce ciel terrestre pour nous rappeler notre responsabilité…
Endors-toi Marina…