Certes la fibre de carbone est produite en France depuis 1982 par l’entreprise qui est devenue aujourd’hui Toray Carbone Fiber Europe (c’est l’ex. Soficar dont le japonais Toray a repris la totalité du capital en 2011) mais le précurseur, le polyacrylonitrile autrement dit le PAN, était importé. Aujourd’hui, avec les annonces faites non seulement par Toray Carbone Fiber Europe mais aussi par le groupe Hexcel d’un investissement de 200 millions d’euros dans un nouveau site de production en Isčre, la France se dote de sources nationales męme si les capitaux des maison-mčres sont étrangers.
La guerre est donc ravivée entre deux entités : le japonais Toray et l’Américain Hexcel qui a notamment construit sa notoriété en France par l’acquisition d’ex. soyeux lyonnais.
Car je ne peux pas oublier que le groupe Hexcel en France s’est construit sur des entreprises bien françaises. Brochier, qui de par son métier de tisseur savait mettre sur le marché des tissus techniques capables de Ť flotter ť ŕ plusieurs milliers de mčtres d’altitude afin que des sondes embarquées dans des enveloppes particuličrement légčres puissent transmettre des données atmosphériques.
Et aussi Stevens-Génin acquis par Hexcel en 1985, un autre soyeux Lyonnais et grand rival de Brochier qui lui, de son côté était tombé dans l’escarcelle de Ciba-Geigy dont la division composites a été acquise par Hexcel en 1996.
Alors qu’Hexcel n’a pas négligé les investissements dans les usines françaises et qu’il a męme monté de toute pičce une unité de préimprégnation de nappes de carbone, ouverte en 2008, au pied des usines d’Airbus ŕ Nantes, Hexcel avait plutôt mis l’accent sur l’Espagne pour y construire en 2008 une premičre unité d’élaboration de fibres de carbone ŕ partir d’un site qu’Hexcel avait racheté ŕ Hercules Corp. A cela une raison : Airbus avait décidé de donner ŕ sa branche espagnole le rôle de leader des matériaux composites structuraux. Mais lŕ encore, ce n’était que de l’élaboration de fibres de carbone comme son concurrent Toray Carbone Fibers Europe ŕ Abidos (Pyrénées Atlantiques).
Cette fois, Hexcel a Ť mis le paquet ť puisqu’il consacre 200 millions d’euros ŕ la construction d’un ensemble qui comprendra en tout premier lieu la fabrication du précurseur polyacrylonitrile, ainsi qu’une unité qui se consacrera ŕ sa carbonisation afin de le transformer en fibres de carbone. Cette plateforme se situera aux Roches-Roussillon ŕ Salaise-sur-Sanne en Isčre non loin de ses deux implantations rhône-alpines ŕ Dagneux (Ain) et aux Aveničres (Isčre).
Hexcel ne cache pas son objectif : cet investissement a pour objectif de répondre ŕ la montée en cadence des appareils Airbus et notamment des monocouloirs dont le successeur la famille A320neo compte déjŕ prčs de 3 300 commandes. Et ŕ cela s’ajoute justement les nouveaux moteurs qui équiperont ces appareils, notamment les Leap-1A de CFM International et dont une partie des aubes en carbone vont ętre fabriquées dans une unité qui sera prochainement inaugurée ŕ Commercy (dans la Marne). Pas de doute, la France aéronautique se met vraiment au noir et cette fois c’est plutôt bon signe.
Car l’annonce d’Hexcel s’est faite quelques jours seulement aprčs que Toray Carbon Fibers Europe ait procédé ŕ l’inauguration de ses nouvelles capacités ŕ Lacq et lŕ encore c’est la mise en place d’une source supplémentaire d’élaboration de précurseur qui marque les esprits.
En fait il était temps pour la France et l’Europe dans son ensemble de se pourvoir de moyens propres car ces groupes ont déjŕ lourdement investi sur d’autres continents, les Etats-Unis en tęte mais aussi le Japon, la Corée pour ne prendre en considération que les investissements concernant les fibres aéronautiques. Mitsubishi Rayon a bien sűr concédé un accord avec le Français Structil (filiale de Herakles du groupe Safran), mais lŕ cela se cantonne aussi ŕ la préimprégnation de fibres de carbone haut de gamme utilisées principalement pour le Rafale de Dassault Aviation.
Mais l’on voit ŕ l’heure actuelle que des mouvements se font jour quand ŕ l’organisation de la branche carbone au monde. Toujours est-il qu’un autre grand protagoniste du carbone, l’Américain Cytec (qui fait d’ailleurs évoluer ŕ nouveau son périmčtre) a ouvert lui aussi une nouvelle usine. Et on ne sera pas étonné d’apprendre qu’elle se situe au pied des nouvelles installations de Boeing en Caroline du Sud. Et lŕ aussi Cytec qui a annoncé la mise en service de ce complexe industriel en mars 2014 insiste sur le fait qu’il s’agit lŕ aussi d’une unité d’élaboration du précurseur PAN et de la fibre de carbone. Et bien sűr aucun de ces fabricants n’avance de chiffres quant ŕ la capacité et la production réelle qu’auront ces unités.
Pour Aeromorning, Nicole B.