Cela fait déjà trente ans que François Truffaut est décédé. La Cinémathèque Française organise une exposition, une rétrospective et beaucoup d’autres événements pour célébrer l’un des plus importants cinéastes français, chef de file de La Nouvelle Vague.
Le nombre important de documents truffaldiens conservés par la Cinémathèque impressionne d’entrée de jeu : lettres, carnets de notes, documents de tournage… L’exposition présente également des éléments plus intimes, comme ces photos de jeunesse ou ces mots de professeurs reprochant à Truffaut et Robert Lachenay, son grand ami, leurs escapades hors de l’école qui donnèrent sa matière aux Quatre Cents Coups.
L’avantage, si l’on peut dire, de la filmographie de Truffaut, c’est l’importance de sa part autobiographique, idéale pour ouvrir une exposition construite – assez classiquement – de façon chronologique, recréant dans ses premières salles une ambiance écolière que Truffaut ne fréquenta cependant pas beaucoup : « Mes deux cents premiers films, je les ai vus en état de clandestinité, à la faveur de l’école buissonnière, ou en entrant dans la salle sans payer… ».
On apprécie de replonger, grâce à quelques extraits, dans ses premiers films, des Mistons à Jules et Jim en passant par A bout de souffle dont il fut le scénariste. La période critique de Truffaut, puis celle de la Nouvelle Vague, permettent à l’exposition de dépasser le sujet purement biographique pour retracer le parcours de cette bande de jeunes critiques-cinéastes s’inscrivant en faux contre « une certaine tendance du cinéma français » – avec toutefois une impression de redite après l’exposition Langlois du semestre dernier. En plus de Truffaut, on retrouve donc Godard, Chabrol et Rivette. Au milieu des nombreuses lettres exposées, on reconnaît également les signatures de Bazin, Hitchcock ou encore Rossellini. Avec Truffaut, ce n’est pas seulement la filmographie d’un cinéaste que l’on aborde, mais bien toute une époque d’importante émulation intellectuelle et cinématographique.
La suite de l’exposition devient plus problématique, car plus brouillonne et étonnamment rapide, une impression certainement due au manque d’orientation du projet, pour lequel – fait rare – il n’a été conçu aucun sous-titre directeur. Ainsi, on saisit mal la cohérence de certaines salles : bien sûr, l’une d’elles fait la part belle à Antoine Doinel, des Quatre Cents Coups à L’Amour en fuite, une autre évoque le rapport, toujours privilégié, entre Truffaut et la musique, une autre encore l’importance de l’enfance dans sa filmographie (dans des espaces malheureusement bien étroits). Mais, alors que le début de l’exposition prenait le temps de s’arrêter sur les débuts de la carrière de Truffaut, la suite évoque pèle-mêle une série de films fort différents, reliés par des thématiques peu claires (« Passions amoureuses », « Truffaut au travail ») et en recréant des espaces assez saugrenus (un bureau de Truffaut auquel nous n’avons pas accès, de faux placards d’où sortent des écrans…).
La dernière salle évoque le retentissement des films de Truffaut à l’étranger – notamment l’oscar pour La Nuit américaine – et rediffuse un hommage émouvant qu’il fit à Hitchcock (dont le manque de réaction est furieusement comique). Un pan de mur est entièrement consacré à la participation de Truffaut aux Rencontres du troisième type de Spielberg. Même si on apprécie l’anecdote (très connue), on soupçonne la Cinémathèque d’avoir cherché à "vendre" un peu Truffaut à grands coups de cinéma américain…
Baisers volés
Malgré l’étroitesse des lieux – la Cinémathèque mériterait décidément de plus grands locaux – et le problème, assez dommageable, du son (rares sont les extraits projetés dont on peut entendre la bande sonore), l’exposition a le mérite d’être instructive, même pour un bon connaisseur, et surtout de donner l’envie de (re)voir la filmographie de Truffaut et d’en souligner l’actualité. Prenez le temps, à la fin de l’exposition, de regarder le petit film réalisé par Axelle Ropert dans lequel la réalisatrice interroge de jeunes acteurs et actrices sur des thématiques truffaldiennes. Une façon de dire que, trente ans après sa mort et cinquante-cinq ans après Les Quatre Cents Coups, Truffaut n’a pas pris une ride.
Alice Letoulat
La Cinémathèque française – musée du cinéma
51 rue de Bercy
75012 Paris
Exposition du 08 octobre 2014 au 25 janvier 2015.
Rétrospective du 08 octobre 2014 au 31 décembre 2014.
Version restaurée 4K du Dernier Métro en salles le 15 octobre 2014.
Commissaire de l’exposition : Serge Toubiana.