Cet ouvrage, sous la direction de Béatrice Bonneville-Humann et Yves Humann, prétend annoncer, non un manifeste collectif, mais un collectif manifeste. A sa lecture, je ne suis pas convaincu que tous les auteurs invités à y participer se reconnaissent dans un collectif de cette nature. Il suffirait de lire le texte liminaire de Jean-Luc Nancy pour y sentir les failles qui vont suivre. Et puis qu’est-ce que c’est de couper dans le texte de Hölderlin, pour y prendre ce vers, « pourquoi des poètes », et le triturer lui faisant dire sans doute ce qu’il ne disait pas. C’est cela que m’invite à penser Jean-Luc Nancy : quel sens donne-t-on aux mots, traduits de surcroît ? Aucun des auteurs invités ici ne traduit de la même façon « in dürftiger Zeit » : « temps d’indigence », dit l’un, « temps de crise », prétend un autre, ou encore « temps de détresse ». Ce que je vais écrire ici n’est certainement pas juste et sans doute incomplet. On pourra me reprocher que cela relève d’une lecture superficielle. Deux textes (parmi vingt et un) ont provoqué mon agacement : celui de Philippe Mac Leod et celui de Jean-Pierre Lemaire. Deux textes qui, à mes yeux, associent la poésie et la prière, ce qui me semble être un détournement de la poésie. Ils ont contaminé ma lecture des autres textes par ce jeu du « collectif manifeste », et je n’ai pas lu comme il aurait fallu les contributions de Martin Rueff, d’Antoine Emaz, de Judith Chavanne ou de Philippe Jacottet, pour ne citer que ceux-là. Me reste pourtant en mémoire, au moment de fermer le livre, cette alliance de l’obscurité et de la lumière qui justifie le titre de l’ouvrage.