La rentrée 2014 a été particulièrement éprouvante pour le pouvoir socialiste,
qui, chaque jour, fait grimper le crédit des sirènes du populisme à la bourse du chômage et du déficit. Retour sur le casting hollandien (suite).
Après avoir évoqué les nouveaux ministres, revenons aux ministres
qui ont quitté le gouvernement.
Les ministres qui partent
Menaçant souvent de démissionner, Arnaud Montebourg
(51 ans) a quitté le gouvernement contre sa volonté puisqu’il souhaitait y rester en assurant de sa loyauté mais aussi de sa liberté. Fort de son petit capital électoral acquis durement lors de
la primaire socialiste en 2011, il voudrait sans doute rassembler toute l’aile gauche du PS pour tenter de
rebondir politiquement. Cependant, toutes les tentatives antérieures de ce type, que ce soit Jean-Pierre Chevènement ou Jean-Luc Mélenchon, ont été vouées à l’échec. Par ailleurs, sa présence au
gouvernement pendant les deux premières années du quinquennat Hollande, en particulier au sein du gouvernement Valls I, ainsi que son soutien à François Hollande au second tour de la primaire
socialiste ne lui laissent pas beaucoup de crédibilité ni d’espace politique. Au contraire d’une Martine
Aubry plus apte, grâce à sa passivité et à son silence depuis deux ans, à prendre la tête des députés PS "frondeurs" pour proposer une autre voie socialiste avant 2017.
Le suivant dans la disgrâce, Benoît Hamon (47 ans) a
également vu sa crédibilité s’effondrer depuis deux ans. Celui qui se voulait l’héritier de Henri Emmanuelli à l’aile gauche du PS avait obtenu ses lettres de noblesse en présentant sa propre
motion au fameux congrès de Reims. Mais dès la "victoire" de Martine Aubry, il s’est intégré le 6 décembre
2008 à la ligne majoritaire qui ont fait disparaître toutes les zones d’aspérité. Ce fut encore plus marquant au sein du gouvernement où il avala la pilule hollandienne pour être d’abord Ministre
délégué à l’Économie sociale et solidaire et à la Consommation, puis Ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche prenant la succession de Vincent Peillon. Les déclarations de Frangy-en-Bresse n’ont pas beaucoup apporté à son courant au sein du PS, sinon
maintenant une liberté retrouvée.
Aurélie Filippetti (41 ans), elle
aussi, a quitté le gouvernement après deux ans passés rue de Valois, et la raison a été esquissée dans "Paris-Match" dès le 10 septembre 2014 qui a laissé entendre qu’il y aurait une liaison
affective entre elle et l’ancien Ministre du Redressement productif. Politiquement, le départ d’Aurélie Filippetti risquerait bien d’être aussi conséquent que celui de Delphine Batho il y a un an. Aurélie Filippetti évoquait ainsi ses motivations personnelles : « Il y a un devoir de
solidarité, mais il y a aussi un devoir de responsabilité vis-à-vis de ceux qui nous ont fait ce que nous sommes. Je choisis pour ma part la loyauté à mes idéaux. Je ne serai donc pas, cher
François, candidate à un nouveau poste ministériel. » ("Le Monde" du 25 août 2014).
Enfin, quatrième à partir de l’équipe gouvernementale, Frédéric
Cuvillier (45 ans), député-maire de Boulogne-sur-mer, maître de conférence en droit public, était chargé des Transports, de la Mer et de la Pêche depuis le début du quinquennat, et avait
hésité à rester en poste dans le gouvernement Valls I car il craignait une tutelle trop autoritaire de la ministre Ségolène Royal. Il a donc profité de ce remaniement pour s’éloigner d’une
politique gouvernementale jugée trop libérale.
Les quatre cités ont retrouvé leur siège de député le 27 septembre 2014 sans nécessiter de recourir à une élection partielle aux résultats aléatoires …grâce à Nicolas Sarkozy et à sa révision constitutionnelle du 23 juillet 2008.
Les boulettes ministérielles
Le coup d’éclat du 25 août 2014 de Manuel Valls pour régimenter les ministres n’a pas semblé suffisant pour
arrêter le désordre gouvernemental. Trois incidents graves de communication ont eu lieu depuis la fin de l’été montrant l’inorganisation et l’impréparation, pour ne pas dire parfois la
méconnaissance des dossiers de certains ministres.
Le 2 septembre 2014 sur iTélé, le Ministre du Travail François
Rebsamen, l’un des amis très proches de François Hollande, a ainsi annoncé à la surprise générale un contrôle accru des demandeurs d’emploi en laissant croire que le chômage serait voulu par des chômeurs paresseux : « Il y a 300 000 postes non pourvus. Les Français ne
comprennent pas. Il faut plus de convocations, de vérifications. Sinon, on est radié. Il faut œuvrer pour un état d’esprit différent. ». Entendre ainsi un ministre si peu au courant de
la réalité sociale et économique est assez déconcertant.
François Rebsamen a aussi cherché à dépublier une interview mise en ligne le 3 octobre 2014 du "Miroir Mag", magazine local en Bourgogne, où il
s’affirmait clairement libéral : « Le parti socialiste est en pleine mue idéologique. Moi, je l’ai effectuée depuis longtemps. Il faut donc
expliquer. Il est très grave de voir des socialistes siffler un ministre lorsqu’il dit qu’il aime l’entreprise. (…) Ah bon, certains socialistes doutent que ce soit l’entreprise qui crée des
richesses ? (…) Je ne suis pas un ennemi de l’entreprise, je ne suis pas pour l’économie administrée ni pour les pays communistes. Je me bats depuis longtemps pour une vision libérale de
l’économie, de la vie de l’entreprise. ».
Le 17 septembre 2014 sur Europe 1, le Ministre de l’Économie Emmanuel Macron a commis une grosse maladresse en évoquant les travailleurs des abattoirs bretons Gad : « Il y a dans cette société une majorité de femmes, pour beaucoup illettrées. ». Dès l’après-midi au Palais-Bourbon, lors d’une question d’un député,
Emmanuel Macron a présenté ses excuses : « Mes excuses les plus plates vont à l’égard des salariés que j’ai pu blesser, que j’ai blessés, et je
ne m’en excuserai jamais assez ! ».
Le tort était cependant fait, renforçant la distance que peut avoir le pouvoir avec les personnes les plus
précaires, déjà émise par le mépris affiché des "Sans-dents" décrit par Valérie Trierweiler, même si ce constat avait déjà été exprimé par Michel
Sapin le 18 février 2014 devant les sénateurs, de manière beaucoup discrète : « En Bretagne, j’ai discuté avec des gars de Gad. Pas facile,
certains sont illettrés… ».
Le 27 août 2014, le magazine "Le Point" révélait également un entretien d’Emmanuel Macron datant du 24 août, juste
avant sa nomination (donc ne représentant pas le gouvernement), qui avait imprudemment remis en cause la durée légale du travail à 35 heures en se disant favorable à des dérogation à ce plafond
hebdomadaire en cas d’accord syndical, ce qui a nécessité une mise au point ferme de la part de Matignon : « C’est déjà possible pour les
entreprises en difficulté. Pourquoi ne pas étendre à toutes les entreprises, à condition qu’il y ait un accord majoritaire avec les salariés ? » et cela pour « sortir de ce piège où l’accumulation des droits donnés aux travailleurs se transforme en autant de handicaps pour ceux qui ne travaillent
pas ».
Dans le prochain article, j’évoquerai l’affaire
Thévenoud.
Aussi sur le
blog.
Sylvain
Rakotoarison (7 octobre 2014)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
François Hollande.
Manuel Valls.
Le couple Hollande-Valls.
Martine Aubry.
Arnaud
Montebourg.
Aurélie Filippetti.
Benoît
Hamon.
Pierre Moscovici.
Jean-Pierre
Bel.
François Rebsamen.
Valérie
Trierweiler.
Les
sondages désastreux de la rentrée 2014.
http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/rentree-pourrie-a-l-elysee-3-un-157730