Jean-François Cayrey au Petit Palais des Glaces

Publié le 08 octobre 2014 par Gjouin @GilbertJouin

Petit Palais des Glaces37, rue du Faubourg du Temple75010 ParisTel : 01 48 03 11 36Métro : République / Goncourt


Seul en scène écrit par Jean-François Cayrey et Yoann GuillouzouicMis en scène par Yoann Guillouzouic
Présentation : Jean-François Cayrey est comme les profs, les écologistes, les syndicalistes, les politiques, les polémistes, les experts en tout et n’importe quoi, les imbéciles prétentieux ou les modestes cons… Si vous n’êtes pas d’accord avec lui, il va vous expliquer pourquoi vous avez tort.


Mon avis : « Ils sont cons ou c’est moi ? » s’interroge Jean-François Cayrey sur l’affiche de son one man show…Et bien, une chose est sûre : ce n’est pas lui ! Ce n’est pas celui qui dit qui y est.J’en ai vu des seuls en scène depuis plus de trente ans. Le spectacle auquel j’ai assisté hier soir est à placer parmi les tout meilleurs à tout point de vue. Du début à la fin, je n’ai cessé d’être enchanté par ce que j’entendais et voyais. Jean-François Cayrey m’a réjoui pendant une heure et quart sans aucun temps mort, sans aucun moment de faiblesse. Tout est bon dans son spectacle.


Il n’y a de ma part aucune flagornerie, je ne connais pas ce jeune homme, nous n’avons pas d’amis communs. Je me comporte toujours comme un simple spectateur lambda et me laisse uniquement guider par mes sensations et par mon plaisir (ou pas). A quoi servirait ce site si je ne me devais pas d’être objectif ?



J’ai donc vraiment et profondément aimé ce spectacle. Et je n’étais visiblement pas le seul… Jean-François Cayrey est quelqu’un comme nous, qui a vécu et qui vit les mêmes choses que nous. A part qu’il a l’art de les raconter.Il part de sa vie à lui, sans jamais se donner le beau rôle, au contraire, pour en projeter quelque chose qui devient universel. Lorsqu’il évoque la vie de prof dans une ZEP, il s’appuie sur des réalités en les exagérant à peine. C’est mordant, percutant, teinté d’humour noir et truffé de vérités. S’amusant à ironiser sur les communautés, il se mue en une sorte de correspondant de guerre pour nous décrire ce monde impitoyable qu’est l’éducation dans certains quartiers. Il balaie large, n’oublie personne ; tout le monde en prend pour son grade ; Y compris lui-même.


Tout au long de son spectacle, quel que soit le thème qu’il aborde, avec un sens aigu de la formule et une écriture très imagée, Jean-François Cayrey nous fait rire vraiment de bon cœur puis, par un subtil effet « Kiss Cool », le contenu nous parvient au cerveau. En effet, avec le recul, rien n’est gratuit ou anodin dans ses sketchs. A Travers ses expériences ou celles de ses personnages, il se livre à une analyse fine et juste de notre société, de ses dérives et de ses dysfonctionnements. Il parle ainsi de l’éducation, du showbiz (ah, cette description du Jamel Comedy Club !), des sites de rencontres, du mariage, des enfants, du divorce, de la Poupée Barbie, de la nocivité de la télévision, des jeux vidéo, du commerce équitable, des associations caritatives en en dénonçant tous les travers et toute l’hypocrisie. On rit d’autant plus qu’on se reconnaît dans ce qu’il dit. Mais il a une façon unique de disserter. Ça a l’air tout simple or, c’est d’une efficacité redoutable.Jean-François Cayrey est doué, très doué. Il est en outre doté d’une fougue et d’une énergie impressionnantes. Il a de l’abattage, il nous happe dès le début et ne nous lâche plus jusqu’à la fin. Il utilise les accents, peu mais toujours à bon escient, sans jamais tomber dans la caricature et son jeu de comédien est parfaitement abouti et maîtrisé.



J’ai vraiment apprécié de bout en bout Ils sont cons ou c’est moi ?. J’y ai entendu des saillies ou des boutades qui mériteraient d’être culte. Il y en a trop (une par exemple, m’a fait éclater de rire : « Quand y’a pelouse, y’a match ! ». Placée dans son contexte, cette phrase est édifiante d’un état d’esprit). Il faudrait les noter ou revenir au Petit Palais des Glaces… J’ai aimé chaque sketch, et certains encore plus. Ne serait-ce que celui où il transporte un jeu vidéo dans la vie réelle. Un vrai petit film ahurissant de drôlerie et remarquablement interprété.Son dernier sketch, qui part sur des bases banales, louables et innocentes, se met à ressembler peu à peu à un jeu vidéo de stratégie de construction d’un monde qui rappelle furieusement le nôtre et fait également penser aux méfaits de la colonisation et aux dégâts causés par la modernité (on songe aux Indiens d’Amérique, aux Incas, aux aborigènes…). Quand je vous dis qu’il y a du fond dans ce spectacle !

Bref, si vous voulez assister à un sans-faute dans le registre de l’humour aussi saignant qu’intelligent, Jean-François est « Cayreyment » fait pour vous.En plus, quand j’ai découvert le nom de son complice en écriture et metteur en scène, Yoann Guillouzouic, j’ai encore mieux compris l’aspect qualitatif de ce seul en scène. En effet, j’avais adoré AudéYoann, un duo hallucinant dont je regrette qu’il ne se produise plus sur scène. 9a aussi c’était du très haut niveau…
Gilbert « Critikator » Jouin