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des lettres d'amour comprométtantes

Publié le 07 octobre 2014 par Dubruel

d'après NOS LETTRES de Maupassant

Vers dix-neuf heures,

J’arrivais à la propriété

De mes amis Francoeur.

Tous les ans, ils m’invitent en janvier.

Après le diner, je demandai

À mon camarade André :

-« Quelle chambre m’as-tu donnée, cette fois-ci ? »

-« La chambre de tante Amélie. »

Je n’y avais encore jamais dormi.

La servante m’installait

Elle ferma les volets.

Et bassina mon lit.

Mais vers trois heures, pris d’insomnie,

Je me suis levé et rallumai le feu

Pour écrire mes lettres de vœux.

J’ouvris le petit secrétaire

Et prenais quelques feuilles de papier.

Puis, au fond d’un tiroir secret,

J’ai découvert

Deux lettres jaunies.

Je les transcris ici :

« Vous me demandez, très cher ami,

De vous rendre vos lettres. Les voici.

Cela me fait une peine extrême

Mais je vous les expédie tout de même.

Permettez-moi,

Toutefois,

De vous demander

Si vous regrettez

Non pas de m’avoir aimé

Car je sais que vous m’aimez toujours

Mais le regret d’avoir exprimé

Par écrit votre vif amour. »

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« Ma chère Amélie,

Vous avez compris.

Je ne regretterai jamais

De vous avoir dit mon amour.

Et je vous l’écrirai

Encore et toujours,

Mais, dorénavant,

Je vous saurez reconnaissant

De me réexpédier

Tous mes courriers

Car je ne veux pas,

Que ma faute atteigne d’autres que moi. »

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« Mon ami, rassurez-vous.

Personne ne trouvera ma cachette.

À propos, savez-vous

Qu’une femme ne brûle jamais les lettres

Où on lui dit qu’elle est aimée.

Elles sont

Ses titres de séduction.

Si je mourrais en premier,

Vos missives seraient trouvées par qui ?

Par mon mari.

Et que pourrait-il en faire ? : Rien.

Songez-bien

Que tous les jours

Meurent des femmes qui ont été aimées,

Et que tous les jours,

Les traces des femmes décédées

Qui ont fauté

Tombent sous les yeux de leur mari.

Mais, c’est évident, il n’y aura

Ni scandale de famille ni duel sur le pré.

Par contre, le mari se vengera,

C’est certain, si sa femme est en vie

Il se battra contre son concurrent.

Et tentera de tuer l’amant.

Donc, je préfère garder

Vos lettres, ici, sous ma responsabilité.

Car elles sont une menace pour nous deux.

Je vous embrasse et caresse vos beaux cheveux.

Amélie Jacquin,

Ce 28 février 1881.


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