Avant d’être un scénario repris maladroitement sous le nom "Fonzy" en France, Starbuck est une comédie Québécoise ayant pour origine une absurdité. Son point de départ, les rumeurs l’affirment comme un fait divers très inspirant. Le résultat final, une fois les quelques 110 minutes passées, s’avère être une comédie en gain constant de sens et de réflexion alors que tout portait Starbuck, une réalisation de Ken Scott, à n’être qu’un habillage de bons sentiments. Le cinéma Canadien a beau être discret, se résumant le plus souvent à une méconnaissance par une sous-représentation, Starbuck confirme que ses quelques 7 récompenses cinématographiques méritent un détour. La curiosité, ses problématiques et sa part de surprise émotionnelle n’y sont pas pour rien !
Techniquement et sexuellement, avoir 533 enfants à son actif parait improbable, impossible, inimaginable. David Wozniak interprété par l’acteur Patrick Huard doit démêler plusieurs points de rationalité mais, quoiqu’il en soit, ce n’est pas un problème "d’homme normal". Et à une plus grande échelle, jamais une femme ou un individu masculin n’aura un jour à se confronter à une telle réalité numéraire. Entre 1988 et 1990, David était un actif donneur de spermatozoïdes sous le pseudonyme de "Starbuck" dans un but avant tout philanthropique. Le passé rattrape notre personnage puisque près de 20 ans après, 533 descendants réclament de mettre un nom sur leur père biologique. Regroupés en collectif suite à une faille d’anonymat du laboratoire médical, notre anti-héros affronte l’avenir par plusieurs états moraux successifs : le refus, le questionnement, la confrontation face à une paternité à venir d’ici 9 mois et la nécessité trouble de devoir protéger ses droits vis-à-vis de la confidentialité.
"No soy David Wozniak!" déclamera vainement Starbuck …
A situation et récit exceptionnels, personne ne pourrait se sentir concerné. Peut-être, sans avoir vu une seule minute du long-métrage, que l’on se pensera "amusé" ou sensibilisé émotionnellement à l’oeuvre de Ken Scott. Avec une habileté certaine, l’écriture passe d’une situation acceptable bien qu’absurde à des questions finalement très actuelles et ayant aujourd’hui encore beaucoup d’échos. Qu’est-ce que l’appellation très chaleureuse de "Papa" englobe ? Comment devient-on ou qu’est-ce qu’être père ? Les réponses sont plus ou moins apportées avec une élégance que l’on pensait avant tout "niaise" et légèrement idyllique. David considère initialement que Starbuck appartient au passé mais qu’en revanche, 20 années sont passées sans aide pour ces enfants et avec une question en suspens au bout des lèvres.
La position très délicate de "père spirituelle" va l’amener à quitter son train-train quotidien, à prendre contact progressif avec des centaines d’enfants devenus adultes; des individus qui se sont professionnellement intégrés qui, au contraire, sont en marge de la société … Bref : Starbuck se définit comme l’expression où la vie est un enchaînement de conditions et de probabilités qui amènent ces gens à être frères et soeurs biologiques par définition; des êtres différents les uns des autres dans les faits.
Starbuck ne livre pas une image du "meilleur des mondes". Il permet de diffuser des émotions dans des moments souvent délicats …
S’il n’y aura pas 533 noms d’acteurs au générique, Starbuck ne cache en rien ses origines Québécoises. Son charmant accent qui est un élément atypique pour certains, rayonne culturellement. Il s’affiche par un sous-titrage d’agrément, histoire de profiter entièrement des métaphores parfois devinables et parfois moins évidentes des subtilités du Québécois. Le cinéma de Xavier Dolan en bénéficie, Starbuck également, et le détail rajoute indéniablement à la manière d’interpréter et de ressentir les dialogues très imagés entre les différents protagonistes. Parfois l’on rit avec aisance, notamment et souvent par le décalage audacieux du scénario maintenu jusqu’à la fin. Régulièrement, l’émotion supplante le rire pour transmettre des idées qui n’auraient probablement pas eu la même répercussion dans une écriture qui, d’emblée, aurait voulu être sérieuse et ne traiter que la thématique de la paternité. Au fond, la comédie n’est qu’un beau prétexte pour naviguer entre les sujets. Si bien que la sensation de maintien du récit, de l’attention du spectateur, est due pour l’essentiel à l’émotion individuelle. Elle nait d’un rapprochement inattendu face à un personnage qui mute devant la caméra et, évidemment, gagne à être filmé par Ken Scott.
L’action ne fait pas réellement partie de Starbuck. Les multiples illustrations le confirment par ailleurs dans des scènes où la caméra se fixe à filmer de nombreuses interactions humaines.
Principalement, le réalisateur Ken Scott se contente d’assurer un minimalisme-intimiste pour remplir une efficacité dans son cahier de charges. Rarement à l’extérieur mais souvent au sein de pièces, la caméra assume un côté casanier en multipliant des plans fixes où l’interaction entre les personnages prime. Sans oser l’action où les scènes extrêmement rapides, le sentiment d’ennui n’existe pas ou quasiment peu. Le regard envers le casting ne se veut pas contemplatif, ni prétentieux mais distille avec plaisir des lumières discrètes, très fréquemment dans le contraste pour renforcer un côté émotionnel. "Rien" ne se perd en quelque sorte si bien que chaque minute vouée apporte une progression dans la narration sinon son lot d’échanges verbaux ou gestuels, un principe humain au coeur d’une fiction aux sens plus élastiques qu’imaginés.
Quelques pessimistes y verront un regard bien trop prévisible à certains moments, débordant peut-être de bons sentiments. On sera pourtant amenés à penser que ces critères seront purement personnels et n’auront qu’une infime répercussion sur la sincère aventure qu’offre Ken Scott. L’audace initiale connait parfois quelques baisses de régime par la question de la paternité propre à un anti-héros amoureux de Marvel et encore en construction mentale malgré l’âge de la trentaine passée. Attachante, soulignée d’une bande-son diverse, l’oeuvre Starbuck n’est pas qu’un nom d’emprunt.
Une photo de famille ?!
On a aimé :
+ Le charme de la réalisation Québécoise; une fierté assumée.
+ Un scénario absurde, en apparence simple, avec des questions très sérieuses.
+ Un casting filmé avec soin par la fréquence de scènes "fixes".
+ De bons sentiments …
+ Une comédie aux multiples genres.
On a détesté :
- Le côté émotionnel ne passera pas aux yeux de tous.
- Le scénario de la paternité à venir très prévisible par rapport au reste de la narration.