Avant dernier épisode d’un feuilleton qui en comportera onze, publiés les lundi, mercredi et vendredi. Il s’agit d’extraits d’un ensemble intitulé Cahier AA de Claude Minière.
(musiques et danses de guérison)
J’ai depuis l’enfance été nerveusement sensible aux lignes, à leurs prises et leur puissance exploratoire. Certains jours, alors que je regardais le ciel, je voyais au bout d’un moment une armée d’anges par une large avenue lumineuse fondre à la rencontre d’une horde de bisons jaillissant des rives de la Vézère… Le point de convergence se situe là-bas, dans le creux blanc et vert, tout proche, où s’ouvre alors un vaste champ magnétique. J’entends la liaison du silence et du grondement tumultueux… On reste bête après une telle hallucination réelle, on a le goût de révoltes – à jamais. On a le sens idiot d’une nervure secrète, et de la fausseté autrement. Chaque corps est une charge d’électricité, une charge particulière de l’électricité qui court dans l’univers, une part contenue dans une forme miraculeuse qui fait sa laideur et sa beauté.
Comment dire l’événement de la vision, ses apparences et sa sensation ? Ces choses sont mieux comprises dans l’écriture que dans la peinture. Ainsi aux nues, aux « anges », une force élémentaire monte depuis les entrailles de la terre – sans dévoration, sans « travail » mais comme évidente sur sa courbe naturelle de triomphe.
Ce qui s’appelle retrouver ses esprits.
Étudier année après année :
« le public de France n’est pas mûr pour un repas de dieux » (1935)
Il s’agit de « guérir par le monde », par le réel, non par la frénésie d’inventions. En juillet 1936, Antonin Artaud se montre encore politiquement très lucide : sur l’industrie chimique des récoltes, sur la médecine en laboratoires, sur l’invasion de l’Éthiopie, etc.
« On ne raye pas un Homme en quelques jours. » … Que se passe-t-il entre mai 1937 et février 43 ?
« cette honnêteté de façade qui permet à ce monde entièrement truqué et malade de tenir encore un bout de temps. » Ce qui justifie la composition d’un livre : matérialiser le débat. Le débat porte sur l’honnêteté de façade, sur ce qu’un nom peut en abstraire un autre.
La très belle « Lettre sur Lautréamont » paraît dans les Cahiers du Sud, premier semestre 1946, Marseille.
Soit dit entre parenthèses, Antonin n’a pas oublié son grec (haima, « Ema »). Mauvais sang.
Mon grec vient des criques et de la danse.
« et j’ai aussi, et nul ne me croira sans doute, la haine intestine de la poésie. » Bataille (1947) n’a pas « intestine ».
Du danger de prendre A.A. en bloc. Du danger de le prendre « en morceaux ». Du manque d’expérience et d’intelligence quand on croit qu’il y a une formulation définitive.
Histoire de l’organisme vivant. – Un homme oppose des pensées aux agressions ressenties par son corps. C’est encore un haut à un bas. Ut et rut et zut… L’un voit une église comme un utérus, un autre la scène de théâtre comme une Création.
J’ai montré qu’il y avait plusieurs chemins. Encore faut-il que le corps (et non « le corps professionnel ») aime l’idée de chemin.
Les hommes se défont et refont. Le monde est parfait.
« Or je n’ai jamais cru au péché, mais à voir l’homme de cette époque j’ai bien envie d’y repenser. »
A Paris, je vois les péchés ; ailleurs aussi.
Ce qui est privé est d’abord public.
Artaud veut qu’on s’occupe de lui. Il n’a pas envie que quelqu’un lui dise vous avez les mêmes idées que moi ! Il dénonce la « jalousie littéraire » de Dubuffet. Il se méfie des vampires.
La lecture du poète invite à poursuivre l’enquête.