Bactérie tueuse, aides non versées : les raisons de la colère des éleveurs de moules en Charente-Maritime

Publié le 06 octobre 2014 par Blanchemanche
#conchyliculture

Les professionnels bloquaient le pont du Brault, entre Charente-Maritime et Vendée, depuis mercredi. Le blocus est désormais levé mais la crise n'est pas réglée


 Une bactérie nommée vibrio splendidus s'est violemment attaquée aux moules cette année © Photo Sud Ouest Publié le 06/10/2014 par"Sud Ouest" La Rochelle http://www.sudouest.fr/2014/10/06/eleveurs-de-moules-en-charente-maritime-les-raisons-d-une-colere-profonde-1694728-1391.php Ce dimanche, les mytiliculteurs (éleveurs de moules) qui bloquaient depuis mercredi le pont de Brault, à la limite de la Charente-Maritime et de la Vendée, ont levé leur dispositif. La circulation s'effectue à nouveau dans des conditions normales entre les deux départements. Retour sur les raisons d'un tel blocage, dont la levée n'est pas synonyme de règlement de tous les problèmes.

Mercredi 1er octobre : blocage du pont du Brault au petit matin, à l'aide de pieux et de poids morts© Photo Pascal Couillaud/"Sud Ouest"
  • Les élevages du pertuis breton en détresse
Remontons au mois de juin 2014. Deux mois après l'apparition des premières mortalités de moules dans le pertuis breton, les parlementaires de Charente-Maritime rencontrent à Paris le secrétaire d'Etat à la mer, Frédéric Cuvillier. Pour parler des difficultés de centaines de producteurs de la Charente-Maritime et de la Vendée.
Quel est le problème ? Les productions du pertuis breton, au nord de la Charente-Maritime, sont confrontées peu ou prou à 100% de pertes sur le cheptel. Les autres sites, entre le pertuis breton et la baie d'Yves, plus au sud, sont aussi touchés "à retardement". Jusqu'à Fouras et l'île d'Aix, avec une mortatité de 50 à 60%. Les touristes passés par la Charente-Maritime l'ont notamment constaté sur les cartes d'un certain nombre de restaurants... qui ont fini par ne plus proposer de moules locales au menu.
Les moules locales ont déserté les restaurants cet été© Photo Xavier Léoty
  • Pourquoi une telle mortalité des moules ?
C'est la question qui fâche. L'Ifremer (Institut français recherche pour l'exploitation de la mer) a identifié le vibrio splendidus, une bactérie, comme la cause de mortalité des moules. Mais "il ne répond pas à la vraie question", selon Gérald Viaud, président national et régional des conchyliculteurs (éleveurs de coquillages, spécialement de moules), à savoir "pourquoi cette bactérie présente dans nos eaux depuis des lunes devient-elle soudainement agressive pour nos produits ?" Le raisonnement vaut aussi pour la virulence des bactéries et virus qui s'attaquent aux huîtres.
Pour répondre à la question de Gérald Viaud, on peut pointer du doigt les tempêtes hivernales, qui ont charrié beaucoup de matières minérales, ou encore la hausse de la température de l'eau. Mais beaucoup de professionnels se posent bien sûr la question de la pollution des eaux. "Sud Ouest" avait notamment sorti un papier sur les effluents de l'usine Simafex, à Marans, qui inquiètent. Ces effluents ont débordé dans la Sèvre niortaise, qui alimente ensuite le pertuis breton. Une situation qui avait par la suite été étudiée.
Un vrai QG s'était formé au pont du Brault© Photo Pascal Couillaud/"Sud Ouest"
  • Blocus du pont de Brault : les professionnels à bout
Devant une telle mortalité de leurs coquillages, les éleveurs réclament des dédommagements. Qui ne viennent pas dans les proportions qu'ils souhaitent. Ainsi mercredi 1er octobre, ils ont décidé de bloquer le pont de Brault, empêchant la circulation, comme un symbole de leur exaspération. "C'est simple, nous voulons le versement des indemnités promises par le ministre de la Mer Frédéric Cuvillier", expliquait dans l'obscurité du petit matin Yann Aujard, mytiliculteur à L'Aiguillon-sur-Mer, en Vendée. Qui ajoutait : "Pour ma part, j'ai eu 90 % de mortalité. J'ai dû hypothéquer ma maison. Je n'ai plus rien à perdre. Nous n'avons plus rien à perdre."
Frédéric Cuvillier s'était engagé sur 10 millions d'euros d'aides. Toujours pas versées. Sachant que ni la Région, ni le Département ne verseront d'aides directes. Notons que les producteurs ont par ailleurs obtenu l'étalement des charges sociales de l'Etablissement national des invalides de la Marine, et le remboursement des intérêts des emprunts contractés l'an dernier.
Les mytiliculteurs attendaient une confirmation par écrit de la Direction des pêches de son soutien financier pour lever le blocus. Ce qui a été fait. Et ce mercredi, une réunion sur les aides aux mytiliculteurs pour calamités agricoles se tiendra à Paris. Benoît Durivaud, président du syndicat des mytiliculteurs du pertuis breton, précise néanmoins : "Nous partons, mais nous nous réservons le droit de mettre en place de nouvelles actions en des endroits stratégiques, si le plan d'aide n'est pas à la hauteur."
Sur les filières de Benoît et François Durivaud, mytiliculteurs à Marsilly. Benoît Durivaud est président du syndicat des mytiliculteurs du pertuis breton© Photo Philippe Baroux