On va voir ce qu’on va voir. Certes, cela fait maintenant plus de deux ans qu’on va voir ce qu’on va voir, mais là, maintenant, c’est décidé, on va voir ce qu’on va voir pour de bon. Ça va dépoter, le Chef de l’Etat s’est personnellement emparé du problème à bras-le-corps et va directement traiter le sujet comme jamais, car il est impératif que des réformes soient lancées, nom de nom d’une pipe en bois de sacrebleu de scrogneugneu.
Et pour bien préparer le terrain, notamment pour prévenir les Français et bien les disposer devant les profonds changements qui vont avoir lieu, François Hollande a donc prévenu la presse. Sur toutes les ondes, dans toutes les rédactions, la nouvelle est tombée, limpide et sans équivoque : la réforme institutionnelle, c’est maintenant.
Bon, certes, le 14 juillet dernier, le Roi Solex avait annoncé que ces réformes devraient attendre un peu (par exemple la fin de son mandat) et qu’il ne fallait pas trop se presser, d’autres choses semblaient plus urgentes et c’est difficile de gouverner et c’est dur de prendre des décisions et c’est compliqué d’être président et c’est ardu d’affronter la crise tout ça, gnagnagna. Mais justement.
Comme les autres réformes, les « pas institutionnelles », celles qui consistent essentiellement à réduire la voilure de l’État, à virer des staffs pléthoriques, à diminuer les émoluments des uns et des autres, à calmer le train de vie de la République, a réduire un peu la redistribution tous azimuts de l’argent des autres, ces réformes-là étant particulièrement complexes à mener quand on n’a pas un kopeck d’argent de côté et pas un microlitre de courage, il a fallu rapidement rétro-pédaler et admettre que, finalement, une ou deux réformes institutionnelles seraient une bonne façon d’occuper les esprits.Bien sûr, je passerai rapidement sur la réforme territoriale, abomination morte-née sortie des esprits torturés d’un premier ministre à court de cartouches et d’un président très mal en point dans les sondages. Pour le moment, mis-à-part quelques annonces qui ont créé un peu d’émoi, des regroupements de régions plutôt hasardeux et une volonté farouche de ne surtout pas toucher au mille-feuille administratif en abandonnant toute velléité de supprimer les conseillers généraux (et, par voie de conséquence, tous les frais afférents), l’affreux bricolage administratif proposé tient essentiellement à rajouter une surcouche (les « super-régions » ?) et … c’est tout. Il n’y aura pas de simplification de ce côté. Quant aux économies qu’une telle réforme entraînerait, la blague n’a jamais été crue que par les plus naïfs.
Cette « réforme »-là écartée, il reste donc pour Hollande à nous proposer un truc qui bouscule du poney, quelque chose qui nous secoue un peu hors de notre train-train quotidien où les factures s’ajoutent les unes aux autres, enflent et se multiplient entre elles comme un élevage de petits lapins grignotant du Viagra. Et pour nous secouer, le chef de l’État nous propose donc deux réformes : une réduction du nombre des députés d’un côté, et l’introduction de la proportionnelle à l’élection législative de l’autre.
Fouyaya, c’est du lourd.
L’idée serait donc de passer de 577 députés actuellement (ce qui nous coûte une piscine d’argent frais tous les mois) à un nombre « significativement » plus bas, selon les bruits de couloir de l’Élysée. Évidemment, pour moi, significativement voudrait dire une centaine, soit à peu près un par département, et ce serait déjà beaucoup. On imagine sans mal que ce ne sera pas cette option qui sera retenue. Attendons-nous à ce que « significativement » soit particulièrement surfait. Si on se retrouve en dessous de 430, ce serait déjà un miracle. Quant à la dose de proportionnelle, si elle correspond en effet à un engagement de campagne du candidat François, elle représente aussi une phase politique aussi décisive que délicate pour le pauvret pour lequel tout semble décidément tourner au vinaigre. En effet, une telle modification du scrutin représente une triple opportunité, celle de tenir un engagement de campagne, d’occuper les esprits occupés lorsqu’il s’agira de médiatiser cette réforme, et surtout la possibilité que le Front National (et les autres « petits » partis) jouent un rôle plus important dans la nouvelle assemblée. D’ailleurs, si l’autre réforme de réduction du nombre de députés arrive à son terme, on se retrouve avec des députés dont chaque poste représente mécaniquement plus de pouvoir et plus de poids électoral.Or, donner plus de pouvoir au FN et aux autres partis, c’est diminuer le poids du PS, certes, mais aussi de l’UMP. Ceci sert le futur candidat Hollande qui n’entend probablement pas laisser l’Élysée trop tôt. L’introduction de la proportionnelle est, dans ce calcul politique, parfaitement compris. Évidemment, le risque est que le FN prenne un poids subitement trop important, et que l’assemblée résultante, composée schématiquement de trois blocs (UMP, PS et FN), ne permette pas de dégager une majorité stable. Tout ceci, du point du vue du président Hollande, et dans l’hypothèse où il veut effectivement rempiler en 2017, est une opportunité croustillante qui doit le faire saliver. En laissant le terrain de jeu aux incapables des autres partis et en jouant la cohabitation instable, il croit jouer sur du velours.
Cependant, deux obstacles majeurs pourraient altérer ces perspectives rebondissantes pour le capitaine de pédalo.
D’une part, bien malin celui qui pourra s’assurer que cette proportionnelle ne va pas claquer au museau de celui qui l’aura mise en place. Un pays ingouvernable serait rapidement une pétaudière économique, politique et personnelle pour Hollande. Et si le FN devenait subitement plus puissant, difficile pour ses camarades officiellement socialistes de ne pas lui en tenir rigueur. Un régal.
D’autre part, tout ceci se place dans l’hypothèse où ces réformes peuvent effectivement voir le jour. Et ici, je n’ai même pas besoin de sortir la Carte Léthargie ou l’Option Procrastination de notre aimable pépère pour envisager un échec de ces réformes, car si ses précédentes tentatives de changer des trucs et des machins ont toutes abouti en grand barnum plein d’air chaud (à l’exception du mariage homosexuel), cette fois-ci, il n’aura même pas besoin de faire des efforts pour échouer misérablement. En effet, entre la quantité grandissante de députés qui hésitent de plus en plus fermement à le suivre, et la perte du Sénat par lequel devront passer ces réformes, on a de bonne chance pour que ces belles tentatives de bricolages parlementaires se terminent en jus de boudin à la porte de la Chambre Haute.
Et le pompon est que cela rentrerait pile-poil dans le plan probable que le chafouin François a conçu : découvrant que ses demandes de diminuer le nombre de députés et d’introduire la proportionnelle ont explosé en vol au-dessus du Sénat, il pourra s’écrier, les yeux humides, les sourcils attristés et la bouche tordue d’émotion : « Les méchants conservateurs de l’UMP au Sénat ont tout cassé mes belles réformes, j’ai pourtant fait tout ce que je pouvais ! »
Eh oui, vous l’avez compris : non seulement, le président et son gouvernement ne sont toujours pas mûrs pour prendre la moindre décision d’importance concernant la survie économique du pays, non seulement les seules réformes qu’ils envisagent sont du domaine de la cosmétique politique et ne changeront absolument rien à la marche du pays, et encore moins à la vie du peuple dont ils se foutent éperdument, mais en plus, les réformes que le chef de l’Exécutif prétend nous proposer vont très probablement échouer pour des raisons de politique politicienne des plus mesquines.
Et pendant ce temps, la dette continue d’enfler, les déficits de se creuser, et les perspectives de s’assombrir. Décidément, ce pays est foutu.
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