En effet, vous vous en souvenez peut-être, j'avais commencé par vous décrire Il y a deux ans, lors de la sortie en salles de son Lawrence Anyways, le rapport ambivalent que j'avais avec le cinéaste Xavier Dolan, à la fois agacé devant la prétention de l'artiste et de son cinéma, et en même temps quand même bien bluffé par son talent incontestable à moins de 25 ans.
Puis, ensuite au début de cette année 2014, j'étais fin prêt à rendre les armes devant tout l'art démontré lors de son "Tom à la ferme", tentative très convaincante de thriller hitchockien dans la campagne canadienne , un film qui prouvait à quel point Xavier Dolan qu'on le veuille ou pas, l'un des plus grands cinéastes de ces dix dernières années...
Et puis le festival de Cannes 2014 est passé par là, et la folie Dolan a pris des proportions énormes, et je ne m'attendais pas à ce que le prodigue québécois lui même s'emballe à ce point, au point de prendre la peine et le temps de m'insulter dans un tweet forcément mémorable (qui continue à figurer chaque jour dans les favoris des twittos du monde entier), simplement parce que je m'étais amusé à (gentiment) gloser sur le (supposé?) énorme égo de ce jeune réalisateur.
Bref, ce troisième épisode de ma folle histoire avec Xav' me laissait toujours entre l'admiration totale pour son cinéma et un certain agacement par l'égo surdimensionné et l'arrogance du cinéaste, mais ma vision de ce Mommy qui sort ce mercredi en salles, m'a clairement fait pencher du premier côté, tant son cinquième film, véritable chef d'oeuvre m'a laissé complètement sur le c....
A Cannes déjà lors de la la première présentation presse du film de Xavier Dolan, "Mommy," Twitter ne tarissait pas d'éloges sur la projection du 5ème film de l'enfant prodige du cinéma canadien, laissant augurer un même choc que la vie d'Adèle l'année dernière.
Et personnellement, j'ai éprouvé pendant toute la projection du film, quelques mois après ces chers festivaliers, le même sentiment que lors de la projo du film de Kechiche l'an passé , celui d'être complètement happé et passé à la moulinette devant ce grand 8 émotionnel, un déferlement de scènes fortes en à peine plus de deux heures.
Cette nouvelle déclaration d’amour pour la figure maternelle montre à quel point Xavier Dolan a gardé le meilleur de son cinéma, et mis de côté les maladresses et les fioritures qui entravaient son oeuvre jusque là, et montre comment à 25 ans seulement, la maturité de Xavier Dolan éclate au grand jour, notamment dans sa vision du rapport maternel. Mommy y présente en effet la mère comme une femme forte mais pas infaillible, l'enfant comme un être affirmé mais si fragile.
Avec Mommy, Dolan prone comme dans ses autres films - "Tom à la ferme" mis à part- pour un romantisme totalement exacerbé, certes quelquefois proche de l’outrance, mais qui fait tellement de bien à l'heure où pas mal de films parfois admirables ( dont la palme D'or de Cannes) jouent sur une maitrise totale du cadre qui donne un peu l'impression d'étouffer.
Dans Mommy, jamais le cinéaste n’a pas peur de son propre sentimentalisme, et cette liberté totale et absence de complexe ose les effets en tous genres (format de filtres, ralentis, scènes de chansons populaires formidablement émouvantes) mais tous ses choix esthétiques emballent le spectateur par son audace et sa réussite totale sur l'écran.
Un écran qui est d'ailleurs pendant (pratiquement, sauf pour une seule scène) toute la durée du film, en format 1.1, soit une image d’un carré parfait. Je l'avais évidemment pris connaissance de ce particularisme dès que Cannes et ce format avait géné nombre de spectateurs, mais excepté dans les 5 premières minutes, on s'y fait largement et on se dit même que ce format du portrait est la meilleure façon qui soit de valoriser les comédiens et leurs performances et d'éliminer tout l'accessoire autour d'eux, d'autant plus qu'on a ainsi l’impression d’être le témoin privilégié, mais sans jamais se sentir voyeur, de cette histoire d’une intimité et d’une incandescence folle.
On est épaté pendant tout le film de la façon dont Dolan sait nous bouleverser, en un seul plan, et toutes ces scènes cumulées provoquent en nous une charge émotionnelle tellement puissante qu'on a du mal à s'en remettre en sortant de la salle.
Porté par des performances exceptionnelles de comédiens (Antoine-Olivier Pilon, un blondinet aux traits boudeur et à la palette de jeu incroyable, aussi détestable en temps de crise que charismatique dans ses moments de grâce, et ses deux actrices fétiches, Anne Dorval et Suzanne Clément) , Mommy est un film magistral sur la folie, qui nous montre sans manichéisme aucun que l'internement est montré comme la pire des choses pouvant arriver à une personne présentant des troubles du comportement.
En résumé, "Mommy" est un film bouleversant et éblouissant sur l’amour filial, sur l'éventualité d'une reconstruction, la résurrection de trois êtres et sur la recherche du bonheur face à l’adversité.
Bref si certains encore s'irritent du fait qu'on colle forcément à un tel âge le qualificatif de "génie" à Xavier Dolan, personnellement, le terme ne me semble pas être galvaudé lorsqu'on possède un tel talent à un âge ou la plupart des cinéastes sont encore en plein apprentissage. Mais comme il l'a dit lors de son avp parisienne la semaine passée, ce n'est pas en le qualifiant de génie que Xavier Dolan va de nouveau me twitter...
En effet comme il le dit, " je ne sais pas quoi faire avec ces épithètes-là. Elles sont très flatteuses mais cela ne m'est d'aucune utilité, je ne peux pas me servir de ça pour créer directement. C'est flatteur, mais qu'est-ce que je peux faire avec ces mots-là. Moi, tout ce que je veux, c'est faire des films, faire des films, faire des films, et travailler avec des acteurs".
En voyant l'unanimité déclenchée par ce "Mommy", on se doute que Xavier Dolan va pouvoir en faire longtemps des films et travailler avec tous les acteurs qu'il veut....
Bande-annonce : Mommy VOST