Wave de Sonali Deraniyagala 3,5/5 ( 11-09-2014)
Wave (288 pages) est paru le 1er sptembre 2014 aux Editions Kero.
L’histoire (éditeur) :
Le matin du 26 décembre 2004, un tsunami frappe l’Océan indien. Sonali Deraniyagala, en vacances au Sri Lanka, son pays natal, en réchappe miraculeusement. Mais, de sa famille, elle est la seule. La vague lui a pris ses parents, son mari et ses deux petits garçons. Wave raconte l’histoire de ce jour, où elle a tout perdu, et de tous ceux qui ont suivi. Les mois, les années lorsque l’insupportable déchirement du souvenir succède aux premiers moments d’horreur. La matière de ce livre, c’est la peine impalpable, indescriptible de la narratrice. Sonali Deraniyagala réussit un récit poétique, sans concession et incroyablement digne sur comment survivre à l’inimaginable.
1ère sélection Prix Médicis étranger 2014
Mon avis :
J’aime beaucoup les témoignages mais j’évite d’en lire car mon petit côté sensible me fait bien trop souvent verser une larme ou avoir le cœur meurtri à la lecture de certaine histoires vraies. Et pourtant, j’ai eu très envie de découvrir le récit de Sonali Deraniyagala, D’abord parce que je n’avais encore rien lu sur le sujet, que dix ans après les faits, les images de cette vague dévastatrice me frappent comme si je découvrais à chaque fois le drame et enfin parce que la presse américaine et britannique avaient déjà bien parlé de lui. Jugé comme l’un des dix premiers meilleurs livres de 2013 par le New York Times (livre du mois de mars 2013 sur Amazon), Wave a été qualifié par Vanity Fair d’ « Inoubliable » et que le Guardian l’a décrit comme « probablement l’un des ouvrages les plus émouvants écrits sur le deuil ». Voilà qui annonce encore une très bonne publication de la part des Edition Kero.
Pour tout vous dire je l’ai lu en un après-midi. J’ai été prise par son récit, par la force que l’auteure a dû chercher en fond d’elle-même pour se relever de cette immense tragédie, et par cette façon de se livrer sans tabou sur toutes les émotions qui l’ont traversée durant 8 ans.
Sonali Deraniyagala passe de superbes vacances avec sa famille et ses amis au Sri Lanka. Nous sommes le 26 décembre 2004, les enfants ont ouverts leurs cadeaux et tout le monde vaque à ses petites occupations. Quand une vague immense arrive et lui prend tout ce qui comblait sa vie : son mari, ses enfants (Vikram, 8 ans et Malli, 5 ans) et ses parents. Et pourtant, ce n’est pas une femme en pleurs et déchirée par la douleur qui se relève de cette eau. C’est une femme hébétée, perdue et partagée entre l’acception et l’espoir de retrouver l’un ses siens. Elle va au fil des mois et des années tenter d’accepter l’inacceptable, d’essayer de comprendre pourquoi elle a été épargnée et apprendre à vivre avec le vide.
« Un camion est arrivé. Ses phares ont éclairé la cour devant l’hôpital. Ils ont trouvé d’autres survivants, même s’il était tard, ils les amènent. Pendant un moment, c’est ce que j’ai cru. (…)Et alors j’i compris. Ce camion-là était différent des autres. Il nous ramenait des cadavres. » Page 39-40
Wave est évidemment un livre sur le deuil, mais qui étrangement ne tombe pas dans l’apitoiement. On découvre beaucoup de son intimité, elle revient sans cesse sur leur vie de couple et de famille mais à aucun moment je ne me sentie voyeur ou mal à l’aise de vivre ces événements personnels. Elle en parle avec naturel et en même temps tellement d’amour, que j’ai été touché par cette magnifique vie d’avant, par ces petits rien qui comblaient leur vie et l’envie de sourire a plusieurs fois été présente.
Et à côté du souvenir, il y a forcément la perte et la maladie d’être vivante qui la ronge. Avec beaucoup de dignité, elle évoque son envie de mourir, son besoin d’alcool et de pilules, les claques qu’elle prend simplement devant le quotidien que ses enfants ne partageront plus avec elle (« je ne peux plus faire toutes ces choses qui étaient la banalité même pour nous et le sont aussi pour d’innombrable gens. Je recule d’effroi devant ma défaite. Je suis un échec. Et j’agonise de leur manque. » Page 141), la folie qui la gagne et aussi la culpabilité d’avoir survécu et n’avoir cherché à les sauver.
« Et les deux cartables rouges accrochés à la clenche de la porte, comme toujours. Je serre le petit caillou dans le creux de ma main. Je ne peux pas toucher à ces cartables, chacun d’eux s’est transformé en scalpel. » Page 119
Wave est composé de 9 parties, des émotions différentes, neuf façons de vivre le deuil. Sa douleur évolue mais ne tarit jamais et pourtant Sonali Deraniyagala a l’immense courage d’avancer. On vit ces vérités liée à la perte et on découvre sa réalité avec le souffle coupé, le cœur serré et on n’ose imaginer comment nous nous serions relevés de cette catastrophe.
« Me voici maintenant, après que notre vie a pris fin, assise sur le sol du salon, le dos appuyé contre le canapé, à regarder pat la fenêtre les branches du pommier qui ont trop poussé, la même tranquillité installée en moi, malgré moi. Et je reprends mes vieilles habitudes, si impensable que cela puisse paraître. » Page 125
« Ces cinq dernières année, j ‘avais tellement peur des détails. Je pensais que plus je me les rappellerais, plus je serais inconsolable. » Page 173
« La nuit du 26 décembre, quand on m’a ramené à Colombo, j’a caché mon visage dans mes genoux quad le van est passé près du réservoir. Je me disais : je ne peux pas le regarder parce que Vik ne le verra plus jamais, lui. Six ans plus tard, je suis sur la route avec la sœur de Steve et sa famille. Pour la première fois depuis la vague, nous arrivons à la hauteur du réservoir et je suis capable de lever les yeux. » Page 213
« Cela me terrifiait avant. L’idée d’être à New York, seule, sans eux. Je me retrouvais sur le trottoir au pied de mon appartement de West Village, le souffle coupé. Je suis ici parce que eux sont partis ? Mais c’était avant. Quand leur absence était aussi inimaginable et suspecte que le fait qu’ils aient existé. C’est différent maintenant. Je sais qu’ils ne sont plus là. C’est une vérité insondable, peut-être, mais j’y suis habituée. » Page 272
« C’était il y a sept ans et leur absence s’est propagée. Exactement comme l’aurait fait notre vie. Elle aurait été crescendo. C’est une nouvelle forme de tristesse pour moi. Je les voudrais tels qu’ils seraient aujourd’hui. Je veux faire partie de cette vie-là. Sept année oint dilué mon sentiment de perte. Je ne suis plus emportée par ce tourbillon, je ne suis plus fracassée par le choc. Mais j’ai peur. Est-ce que je suis capable d’accepter ce qui s’est passé ? Et si je l’admets, est ce que je m’écroulerais ? Par moments, je ne sais plus.
J’ai appris que la seule manière de guérir pour moi est de les garder dans les parages. » Page 274