Karine Giebel : Juste une ombre

Par Stephanie Tranchant @plaisir_de_lire

Juste une ombre de Karine Giebel  4,5/5 (01-10-2014)

Dixième roman de Karine Giebel, Juste une ombre (512 pages) est paru le 8 mars 2012 aux Editions Fleuve, puis le 7 mai 2013 chez Pocket thriller (608 pages).

  

L’histoire (éditeur) :

D'abord, c'est une silhouette, un soir, dans la rue... Un face-à-face avec la mort. 
Ensuite, c'est une présence. Le jour : à tous les carrefours. La nuit : à ton chevet. Impossible à saisir, à expliquer, à prouver. 
Bientôt, une obsession. Qui vous ruine ta carrière, te sépare de tes amis, de ton amant. Te rend folle. Et seule. 
Juste une ombre. Qui s'étend sur ta vie et s'en empare à jamais. 
Tu lui appartiens, il est déjà trop tard...

Mon avis :

C’est toujours avec beaucoup d’enthousiasme que je me plonge dans un  nouveau Giebel, sachant qu’elle sait magnifiquement jouer avec les nerfs du lecteur et réserve toujours de bonnes surprises (entendez par là « mauvaises » pour ses personnages). Juste une ombre fait partie de ses titres qui ont depuis sa sortie un très grand succès, alors quand en plus il m’a été chaudement recommandé par Madame Giebel elle-même, et bien je sais d’avance que ça va être le pied !

Dès le prologue, elle met dans l’ambiance : « Le bruit de mes pas cogne aux murs sales. Je commence sérieusement à avoir froid. Et sans trop savoir pourquoi, à avoir peur. Sentiment vague, diffus ; qui m’étrangle en douceur. Deux mains glacées se sont lovées autour de mon coup sans que j’y prenne garde.

Peur de quoi, au fait ? L’avenue est déserte, je ne vais pas me faire attaquer par une poubelle !

Allez, plus qu’une centaine de mètres. Peut-être deux, à tout casser. Rien du tout, quoi…

Soudain, j’entends quelqu’un marcher dans mon dos. Instinctivement, je passe la seconde puis je me retourne.

Une ombre, vingt mettre derrière moi. Un homme, je crois. Pas le temps de voir s’il est grand, petit, gros ou maigre. Juste une ombre, surgie de nulle part. Qui me suit, dans une rue déserte, à deux heures du matin.

Juste une ombre…. » (Page 9-10 de la version poche 2012)

Juste une ombre vous plonge dans l’enfer de Cloé Beauchamps, une directrice adjointe de 37 ans qui souhaite ardemment prendre rapidement la place de son boss et passer directrice générale (elle est dotée d’une ambition maladive et ne supporte pas l’échec). Côté cœur, elle vit une relation intense avec Bertrand (le genre chacun chez soi pour des retrouvailles toujours torrides). Tout va pour le mieux dans la vie de cette jeune femme qui se révèle très vite insupportable, hautaine, arrogante…Une vraie chieuse, qui n’a de respect pour personne, imbue de sa personne… Bref, qu’on a toujours envie de baffer ! Sa façade  inébranlable va bientôt tout doucement se fissurer quand après une soirée elle se sent suivie par un homme. Une ombre, qui va petit à petit s’immiscer dans sa vie privée. Une ombre qu’elle est seule à voir, à sentir la présence et dont personne ne veut croire en l’existence. Les preuves sont pourtant là : un tableau déplacé, un oiseau mort sur son palier…Oui, mais si tous ces signes n’étaient qu’une mauvaise interprétation des choses. Et si Cloé ne souffrait pas plutôt d’un grand stress (sa vie professionnelle et sa vie familiale lui réserve quelques surprises qu’elle n’est peut-être pas de taille à affronter). Et s’il ne s’agissait pas plutôt de paranoïa ? Ou pire, et si c’était elle la responsable de tout….

Ah, chers lecteurs tout le problème est là, puisque Karine Giebel ne nous permet pas vraiment de nous faire une idée. Le doute est toujours présent. Tout autant que le stress qui ne cesse de monter. On a tellement envie de croire à la véracité de ce harcèlement, croire en la présence de cette Ombre… et en même temps difficile de se faire une idée tant son entourage doute, tant sa personnalité n’est pas simple et aussi parce que certains éléments mettent constamment le doute (aucune preuve tangible ne vient jamais appuyer ses dires). Et puis qu’espère t’on en fait : la folie ne serait-elle pas moins dangereuse que cette Ombre machiavélique, manipulatrice et perverse. Parce que purée de pomme de terre : si un truc pareil devait m’arriver, je me serais déjà pendue depuis longtemps !

Juste une ombre est un thriller à couper le souffle. On suit d’abord Cloé qui sombre doucement dans la folie, et également le commandant Alexandre Gomez, un flic odieux mais doué qui cache en vérité un immense désespoir et des blessures inguérissables. Leur rencontre se fait tardivement par le plus grand des hasards mais va donner au lecteur envie de croire un peu plus les propos de la jeune femme. Ne vous attendez pas pour autant à extraire le vrai du faux, car l’auteure ne s’arrête pas de jouer avec nos certitudes. La pression ne retombe jamais vraiment avec ce roman et il faut bien s’accrocher pour supporter cette angoisse latente, ne jamais vraiment savoir (et aussi cette Cloé, qui par certaines révélation sur son enfance arrive heureusement à nous faire changer d’idée sur son compte).

Le style de l’auteure est exactement comme je l’aime dans ce genre de roman : des phrases très courtes, un rythme saccadé et divers points de vue qui donnent plus de clarté à l’intrigue (ou pas !!!!!). Et quelle intrigue ! Jusqu’au terrible dénouement, Karine Giebel orchestre tout à la perfection. La tension monte toujours d’un cran et on finit par tomber dans l’enfer psychologique de Cloé, une héroïne peu attachant mais finalement pour laquelle l’empathie s’impose   Et, comme à chaque fois, je me demande ce qui se trame dans la tête de l’auteure pour nous concocter autant de romans à ce point tordus jusqu’à leur toute fin. Vous n’avez donc jamais pitié de nous ni de vos protagonistes  alors !

En bref : Un thriller qui n’égale pas Purgatoire des innocents mais qui est tout de même excellent. Vivement son prochain à paraître en novembre !

Voyons voir l'avis de Natiora avec qui j'ai partagé cette lecture.

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