Antoine (Vincent Rottiers) est un jeune écorché vif qui vit de petite magouille. Malheureusement pour lui, il doit de l’argent à un petit caïd de Lyon surnommé Luigi (Adel Bencherif). Pour lui échapper le temps de récolter l’argent, il va se réfugier chez son père bodybuildeur, Vincent (François Yolin Gauvin), qu’il n’a pas vu depuis cinq ans.
Antoine (Vincent Rottiers)
Bodybuilder nous invite dans un monde méconnu et souvent raillé. Par le biais de retrouvailles entre père et fils, Zem donne de la consistance à un film sur le milieu culturiste. Au milieu des pilules et des sachets protéinés se cacheraient des cœurs comme les nôtres. Étonnamment, le pari d’en parler sérieusement intrigue dans un premier temps puis finis par séduire. Il est vrai que le sujet se prêterait facilement à une comédie franchouillarde moyenne voir-même à une bande-dessiné du style Les blondes. Mais on est ici bien loin de Salut les musclés. En ouverture du film, juste avant le générique, des images d’archives mettent en scène Arnold Schwarzenegger expliquant qu’il n’est pas aller à l’enterrement de son père pour continuer sa préparation. Cette capacité d’abstraction, cette éloge du néant est l’image exact que l’on a du bodybuildeur. François Yolin Gauvin, dont c’est le premier rôle au cinéma, va faire mentir nos convictions. S’il y a dans sa préparation, une forme certaine d’égocentrisme, Vincent s’avérera être plus complexe qu’un simple tas de muscle. Bodybuilder creuse au-delà des apparences. Le fils est un petit malfrat qui s’est pris pour Bernard Madoff. Le père est patron d’une salle de sport en difficulté financière. Le premier se drogue pour pallier la réalité de ces ennuis, le second se drogue pour réaliser sa passion. Leur dépendance est la seule chose qui les rassemble. L’un et l’autre sont empêtrés dans des erreurs qu’ils sont bien maladroit pour rectifier.
Léa (Marina Foïs) et Vincent (François Yolin Gauvin)
Antoine, dans l’espoir de rembourser ses dettes, vole les clients de son père. Vincent adopte une attitude très froide. L’incompréhension est totale pour le jeune citadin qui ne comprend pas ce culte du corps. Le jeune homme en veut énormément à son père d’avoir délaissé ses enfants. C’est là que l’armure du bodybuildeur se morcelle. Peu à peu, avec une justesse incroyable, François Yolin Gauvin dévoile les blessures d’un père que la vie a éloigné de sa famille. Vincent n’a pas toujours été culturiste, c’est une passion qui a rempli sa vie qui devenait vide de sens après son divorce. Vincent s’est occupé de ses enfants, un week-end sur deux, pendant quelques années. Mais le couple que formait Vincent et son ancienne femme, Murielle (Dominique Reymond) était incapable de maintenir des relation saines. Et comme dans beaucoup de familles recomposés, les enfants pris à partie font des choix qu’on leur intime plus ou moins. Et, se confie Vincent à son fils, les refus répétés d’Antoine, à l’adolescence, de voir son père, on aidait ce dernier à s’en éloigner. C’est cela, aussi, le thème de Bodybuilder, l’érosion des liens filiaux qui parfois se fait jour lorsque les adultes séparés se comporte comme des enfants. Il n’est malgré tout jamais trop tard pour construire des liens hors des bêtes liens du sang. Passer la culpabilisation réciproque d’Antoine et Vincent qui considèrent n’avoir pas remplis leur rôle familial, c’est une relation d’amitié et de confiance qui peut voir le jour. Pour les accompagner dans cette démarche douloureuse mais salvatrice, Léa (Marina Foïs) la nouvelle compagne de Vincent est une présence douce et rassurante.
Vincent (François Yolin Gauvin) et Vadim (Roschdy Zem)
Bodybuilder a le mérite de ne pas caricaturer un milieu facilement risible. Roschdy Zem prend le temps de montrer toutes les facettes des compétitions de culturisme : l’abnégation des sportifs, les dangers pour la santé et malgré nos a priori, l’aventure humaine dans laquelle se lance les athlètes, souvent pour la gloire. Bodybuilder est aussi un film poignant sur la difficile reconstruction de liens mis à mal dans des familles elle-même brisées. François Yolin Gauvin, dont la carrière est finie, espère trouver sa place sur les planches. Nous ne doutons pas de son talent dramatique, une vraie surprise et c’est ainsi que nous lui souhaitons de nombreuses propositions pour les années à venir.
Boeringer Rémy
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