L'air flou, derrière des lunettes trop grandes pour son petit regard, verre en plastique à peine rempli d'un rouge aux allures trop ambitieuse pour une simple soirée d'anniversaire, il se penche à ton épaule, sur la confidence outrageuse. "Et toi, qu'est-ce que tu écris?"La question inattendue te désarçonne, t'harponne les tripes et te désarme de ton verre en plastique à peine vidé de son sirop pêche.
"Moi?" Réponse stupide, geignarde et gamine qui te fait perdre un peu de contenance, mais qui te fait gagner du temps."Rien. Rien d'intéressant. Rien de remarquable.-Ah ouais? T'es juste la maman quoi. Tu fais le master déléguée en gros. Pas très étonnant je dirais.-L'an dernier j'ai écrit du théâtre. Je fais pas dans le visuel, le plastique ou le graphique. J'aime créer des personnages à partir de sentiments. Et les pousser au bout.-À bout, on dit non.-Oui aussi, à bout, au bord du ravin."
Tu as comme une subite envie qu'on te pousse de là. Alors tu finis ton sirop. Tu souris à peine derrière le chapeau qu'on t'a prêté, qui te donne un air de Robin Hood. Tu te caches derrière ton énième capuchon de politesse. Et tu t'en vas.
Le lendemain, aveuglée par l'angoisse et le rayon de soleil automnal, tu ne peux plus lire, ni écrire. (Tu voudrais pourtant finir le roman que l'on t'a gentiment proposé)Tu te plonges à clavier perdu dans un autre monde où tout n'est rien d'autre que temps après temps. Sorts après sorts. Musique épique branchée à ton esprit. Tu laisses le temps se défaire de tes noeuds au ventre, à la gorge. Tes rêves sans fondements qui s'écroulent.