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Que faut-il penser des OGM ?

Publié le 23 mai 2008 par Micheljanva

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23 mai 2008

Que faut-il penser des OGM ?

Vos blogueurs vous proposent selon leur mode habituel leurs réflexions sur une question d'actualité controversée, les OGM. Nous espérons qu'elle sera un apport intéressant sur ce problème à la fois important et complexe. Ce post servira également de droit de réponse à la diatribe outrancière et mensongère que Patrice de Plunkett glisse à notre encontre -car il s'agit bien du SB- dans un commentaire [3e commentaire]. Il est dommage qu'un journaliste catholique ne sache pas dépasser sereinement ce genre de querelle au nom du combat commun, mais nous ne nous étendrons pas plus sur cet écrit dont nous vous laissons juger la hauteur de vue, la charité et la véracité.

La tâche de parler des OGM est rendue difficile par le nombre de questions d'ordre moral, économique, politique ou social qui s'entremêlent autour de cette problématique. C'est pourquoi, plus que la prétention d'une réponse toute faite ou tranchée comme les médias les aiment, nous vous proposons la trame de notre réflexion avec des liens pour approfondir les différents points.
Précisons avant tout que l'Eglise, si elle a initié sa réflexion sur ce sujet depuis plusieurs années, n'a pas encore de position officielle sur la question.

1 - Quid des OGM ?

La transgénèse est une technique consistant à introduire un ou plusieurs gènes (présentant des caractères jugés intéressants) dans des cellules végétales ou animales pour le ou les transmettre aux générations successives. L'organisme ainsi transformé est appelé organisme génétiquement modifié (OGM) ou organisme transgénique. De nombreuses céréales sont ainsi modifiées : blé, maïs, colza, etc. Il s'agit bien d'une technique issue de manipulations génétiques.

2 - L'actualité des OGM

Depuis 1999, un moratoire était en vigueur qui interdisant la diffusion et la culture des OGM dans l'Union européenne. Celui-ci a pris fin le 19 mai 2004 à la suite de l'aboutissement d'un accord des Quinze sur l'étiquetage et la traçabilité des OGM.
Le Parlement français avait depuis autorisé l'expérimentation des plantes transgéniques en plein champ, sachant que dans le monde 56 % du soja, 28 % du coton et 14 % du maïs sont génétiquement modifiés, créé le Conseil des biotechnologies qui sera composé de scientifiques et de représentants de la société civile et fait part de son intention de légiférer ultérieurement sur les OGM en prenant pour base les 60 propositions contenues dans le rapport de la mission parlementaire créée à cet effet et s'inspirant des directives européennes en attente de transposition.

Hier a été adoptée par le Parlement français une loi sur les OGM qui, une fois encore, n'est en grande partie que la transposition dans le droit français de directives européennes de 2001. Nous ne nous étendrons pas sur cette loi, mais il convient de rappeler qu'elle légifère sur les OGM en France (recherche, culture et consommation) mais ne dit rien de l'importation de produits OGM.

3 - L'état des travaux de l'Église sur les OGM.

Au Vatican : En 2003, le Conseil pontifical "Justice et paix" a organisé un séminaire sur le thème " OGM : menace ou espérance ?". Comme l'explique le cardinal Martino dans son discours d'ouverture :

"Il s'agit, dans ce cas également, de donner suite à une exigence profonde et essentielle de la mission religieuse et morale de l'Eglise, celle d'éclairer de la lumière de l'Evangile tout ce qui concerne la promotion de l'homme et l'affirmation de sa dignité. L'Eglise le fait, en respectant la loi naturelle, en mettant à profit les résultats de la recherche scientifique, en actualisant le message des Ecritures saintes et en appliquant les principes de sa doctrine sociale ".

Il ajoute :

" La domination de l'homme sur les autres êtres vivants, toutefois, ne doit pas être une domination despotique et démente; au contraire, il doit "cultiver et protéger" les biens créés par Dieu. Des biens que l'homme a reçus comme un don précieux, placés par le Créateur sous sa responsabilité".

De cette vision des limites naturelles fixées à l'homme par le Créateur, il définit le sens de ce devoir de cultiver :

"L'homme, doté d'une intelligence grâce à laquelle il est capable de saisir le sens des choses, doit protéger les biens de la terre, qu'il a reçus en don. Doté de la capacité de découvrir les causes, les lois et les mécanismes qui gouvernent les êtres, vivants ou non, et par conséquent capable d'intervenir sur ceux-ci, il doit utiliser ces capacités pour "cultiver" et non pour détruire.
Cultiver signifie intervenir, décider, faire, ne pas se résoudre à ce que les plantes poussent au hasard.
Cultiver signifie améliorer et perfectionner, afin que viennent des fruits meilleurs et plus abondants.
Cultiver signifie mettre en ordre, nettoyer, éliminer ce qui détruit et abîme.
Cultiver représente le meilleur moyen de protéger".

Les conclusions de ce séminaire ne sont pas encore, à notre connaissance, accessibles sur internet.

Trois autres actions intéressantes :

En 2002, trois jésuites qui avaient contribué à la discussion qui mena au refus de la Zambie d'accepter du maïs OGM en provenance des Etats-Unis ont estimé que l'enseignement social de l'Eglise qui se base sur quatre principes (le bien commun, l'option pour les pays pauvres, la subsidiarité et la solidarité) va à l'encontre des mouvements géo-politiques et libéraux que préconisent les OGM.

En 2003, la commission sociale des évêques de France a publié ses réflexions :

"Mais ce qui est techniquement réalisable n'est pas toujours moralement acceptable: la régulation de ces innovations appelle une réflexion éthique approfondie, une autorité politique incontestée aussi bien face aux pressions des lobbies financiers qu'aux fluctuations émotionnelles de groupes laissés sans repères (...)
C'est pourquoi les applications des OGM ne devraient être développées que si elles procurent des bienfaits humains et écologiques significatifs. Il est prudent d'éviter des applications qui risquent plutôt de conduire à la dissémination des gènes ou de menacer la biodiversité (...)
Derrière les OGM, il y a des enjeux économiques considérables, qui intéressent les grandes firmes dont l'objectif est de s'assurer une position dominante sur le marché mondial. Si les OGM présentent des avantages, il est impossible d'exclure la question : " Quels avantages et pour qui ? ""

Plus récemment, Monseigneur Hubert Barbier, archevêque de Bourges etmembre du Comité épiscopal Monde Rural s'est prononcé sur l'approche du problème et la façon dont il fallait réfléchir sur cette épineuse question. Il pose deux principes :

" Premier principe fondamental de notre contribution sur la base de la charité que nous pouvons avoir : faire en sorte que ce monde se développe et qu'il se développe d'une manière unie. Deuxième principe, il faut réfléchir et oser une parole".

Il aborde en conclusion le problème de la dose de risque à accepter face à toute nouveauté et conclue :

"Comment par ailleurs gérer précaution et solidarité ? Il peut y avoir aussi conflit de devoir. Il peut y avoir conflit d'intérêt et il faut savoir pour qui ? Il ne faut pas être naïf, il faut savoir à qui profitent les manières d'agir et de réagir d'aujourd'hui à propos des risques et du principe de précaution".

4 - Les enjeux en France et dans le cadre de la mondialisation

Ils sont de plusieurs ordres : moraux, sociaux, écologiques, économiques, etc.

Sur le plan moral, des questions restent ouvertes : Est-il acceptable que l'alimentation de tous soit entre les mains de seules firmes internationales ou petit à petit le devienne? Est-il licite de modifier les structures de la Création et à quels risques? De telles expériences peuvent-elles être menées à une telle échelle sans que les risques humains, sanitaires ou écologiques n'aient été véritablement mesurés ?

Sur le plan écologique, aucun scientifique ne s'est prononcé sur les conséquences à long terme de la transgénèse. Face à cette inconnue, des risques sont effectivement pris sur les répercussions sur les organismes humains et sur la Création.

Sur le plan économique, le risque majeur devenu aujourd'hui une réelle menace est l'appropriation du marché par de grandes firmes internationales qui peuvent détenir à elles seules la main-mise sur l'alimentation dans le monde. Ce monopole économique sur un point aussi vitale est humainement irrecevable. Il y va de l'indépendance des pays et du devoir des Etats d'assurer la sécurité et la vie de ses ressortissants.

Enfin, sur un plan politique, l'obligation faite à la France de transposer les directives européennes lui enlève tout pouvoir d'ouvrir une réflexion morale, économique ou sociale et de pouvoir en tenir compte. L'indépendance politique de la France n'étant plus, c'est bien vers les structures européennes et non vers leurs exécutants du Parlement français qu'il faut désormais se tourner. A ce titre on peut s'interroger sur les réelles motivations des opposants médiatiques aux OGM, qui connaissent pertinemment le rôle de la Commission européenne sur ce sujet et qui ne le dénoncent pas.

5 - Pistes de réflexion

En effet, il ne semble pas exister, en dehors de toute idéologie, de réponse toute faite à l'ensemble des interrogations levées par la complexité du problème des OGM :

La parole du Pape sur le rapport entre paix et respect de l'environnement :

"le respect de la nature est étroitement lié à la nécessité de tisser entre les hommes et entre les Nations des relations dans lesquelles on porte attention à la dignité des personnes et qui puissent satisfaire leurs besoins authentiques. La destruction de l'environnement, son usage impropre ou égoïste et la mainmise violente sur les ressources de la terre engendrent des déchirures, des conflits et des guerres, justement parce qu'ils sont le fruit d'une conception inhumaine du développement. En effet, un développement qui se limiterait à l'aspect technique et économique, négligeant la dimension morale et religieuse, ne serait pas un développement humain intégral et finirait, parce qu'il est unilatéral, par encourager la capacité destructrice de l'homme".

Le compendium de la Doctrine sociale de l'Eglise apporte sa contribution sur l'usage des biotechnologies ( paragraphes 472 à 480) :

" Les nouvelles possibilités offertes par les techniques biologiques et biogénétiques actuelles suscitent, d'une part, espoirs et enthousiasmes, et, d'autre part, alarmes et hostilités. Les applications des biotechnologies, leur licéité du point de vue moral, leurs conséquences pour la santé de l'homme, leur impact sur l'environnement et sur l'économie, font l'objet d'études approfondies et d'un vif débat. [...]

La vision chrétienne de la création comporte un jugement positif sur la licéité des interventions de l'homme sur la nature [...] Les biotechnologies modernes ont un fort impact social, économique et politique, au plan local, national et international. Elles doivent être évaluées selon les critères éthiques qui doivent toujours orienter les activités et les rapports humains [...] Dans un esprit de solidarité internationale, différentes mesures peuvent être mises en œuvre quant à l'usage des nouvelles biotechnologies.

  • Il faut faciliter, en premier lieu, des échanges commerciaux équitables, libres de contraintes injustes. [...]
  • Il est indispensable de favoriser aussi la maturation d'une autonomie scientifique et technologique
  • Les scientifiques et les techniciens engagés dans le secteur des biotechnologies sont appelés à travailler avec intelligence et persévérance dans la recherche des meilleures solutions à apporter aux problèmes graves et urgents de l'alimentation et de la santé.[...]
  • Les entrepreneurs et les responsables des organismes publics qui s'occupent de la recherche, de la production et du commerce des produits dérivés des nouvelles biotechnologies doivent tenir compte non seulement du profit légitime, mais aussi du bien commun. [...]
  • Les politiciens, les législateurs et les administrateurs publics ont la responsabilité d'évaluer les potentialités, les avantages et les risques éventuels liés à l'utilisation des biotechnologies. Il n'est pas souhaitable que leurs décisions, au niveau national ou international, soient dictées par des pressions [...]
  • Les responsables de l'information aussi ont une tâche importante, à accomplir avec prudence et objectivité. La société attend d'eux une information complète et objective, qui aide les citoyens à se former une opinion correcte sur les produits biotechnologiques, surtout parce qu'il s'agit de quelque chose qui les concerne personnellement en tant que consommateurs possibles. Par conséquent, il faut éviter de céder à la tentation d'une information superficielle, alimentée par des enthousiasmes faciles ou par des alarmismes injustifiés."

Nous ouvrons nos commentaires aux apports constructifs (liens, écrits, etc.) afin de contribuer au bien commun dans la vérité et la Charité.

Le Salon Beige

Posté le 23 mai 2008 à 08h43 par Lahire | Catégorie(s): Aide au développement

Commentaires

votre long message est très bien, et très méritoire au regard du travail que cela a demandé. Il descend dans de nombreuses conséquences. Mais je trouve qu'il manque un peu d'avoir monté dans LE principe théologique qui commande tout le reste : Dieu Créateur.

En effet, la technique "OGM", comme vous le soulignez, est une "manipulation génétique". Or, il semble (je ne suis pas catégorique, faut réfléchir !) que le principe-même d'une manipulation génétique qui ne serait pas orientée vers la guérison mais vers une prétendue "amélioration" ou "modification", est mauvais en soi. Dieu est le créateur de toutes choses, de toutes les choses, de chaque chose, tant dans son existence que dans sa nature. Modifier cette nature est un acte qui, dans son objet, atteint l'oeuvre de Dieu, et, dans le sujet qui l'opère, révèle la prétention démoniaque de se prendre pour Dieu. C'est pourquoi il me semble bien qu'il faut rejeter le principe-même de la "manipulation génétique".
Tout le monde est d'accord lorsque cela concerne l'homme; mais pourquoi cela ne s'appliquerait pas aux animaux ni aux plantes ?
La création, œuvre de Dieu, doit être respectée telle qu'elle est. Dans la Genèse, il est clairement dit que Dieu a placé l'homme comme jardinier, et non comme "roi". Etre jardinier, c'est faire pousser chaque chose selon sa nature; et non pas changer la nature génétique des choses. Seul Dieu est le roi (= le législateur, le gouvernant suprême) de SA création. Nous autres, pauvres hommes, sommes les serviteurs de Dieu.
Voilà pourquoi, lorsqu'on parle des OGM, il faut remonter au principe théologique du Dieu créateur, et, une fois sur ce principe comme sur un sommet, voir tout le reste.
Précision : une intervention génétique est admissible lorsqu'elle a pour but de restaurer l'intégrité génétique d'une personne (par ex., les personnes atteintes de malformations génétiques). En revanche, c'est tout-à-fait différent lorsqu'il s'agit de modifier la "nature génétique" d'un être vivant.
Berg.

[Je vous renvoie vers la DSE qui aborde clairement ce point :
"La vision chrétienne de la création comporte un jugement positif sur la licéité des interventions de l'homme sur la nature y compris aussi sur les autres êtres vivants, et, en même temps, un fort rappel au sens des responsabilités. En effet, la nature n'est pas une réalité sacrée ou divine, soustraite à l'action humaine. Elle est plutôt un don offert par le Créateur à la communauté humaine, don confié à l'intelligence et à la responsabilité morale de l'homme. Voilà pourquoi il n'accomplit pas un acte illicite quand, respectant l'ordre, la beauté et l'utilité des différents êtres vivants et de leur fonction dans l'écosystème, il intervient en modifiant certaines de leurs caractéristiques et propriétés. Les interventions de l'homme sont blâmables quand elles nuisent aux êtres vivants ou au milieu naturel, alors qu'elles sont louables quand elles se traduisent par leur amélioration. La licéité de l'emploi des techniques biologiques et biogénétiques n'épuise pas toute la problématique éthique: comme pour tout comportement humain, il est nécessaire d'évaluer soigneusement leur réelle utilité ainsi que leurs conséquences possibles, en termes de risques également. Dans le cadre des interventions techniques et scientifiques, qui ont une forte et large incidence sur les organismes vivants, et considérant la possibilité de répercussions importantes à long terme, il n'est pas licite d'agir avec légèreté et de façon irresponsable." (n°473)
MJ]

Rédigé par : Berg | 23 mai 2008 09:14:57

Un simple mot (sans doute un peu simpliste) pour faire comprendre en quoi consiste le risque de main-mise économique des grandes firmes alimentaires : Depuis toujours les paysans conservent une partie de leur récolte afin de semer l'année suivante. Cela ne sera plus possible car il semble qu'une des modifications apportée VOLONTAIREMENT à la plante est qu'elle devient stérile. Cela pour obliger l'agriculteur à racheter des semences chaque année. La dépendance sera donc complète envers ces groupes.

Rédigé par : Lupatelli | 23 mai 2008 09:27:25

J'aimerais bien que M. de Plunkett nous révèle en vertu de quelles éxégèses le Vatican serait désormais infaillible en matière d'écologie en général, et d'OGM en particulier. Que sa voix soit intéressante sur le sujet, qu'il soit nécessaire de l'écouter, certainement, mais l'insistance de M. de Plunkett d'exiger de nous une forme d'obéissance sur le sujet, sous peine d'être de mauvais catholiques, frise le ridicule...

[Attention à ne pas mélanger l'Eglise catholique (et son corpus doctrinal) et les positions des membres de cette Eglise. Par exemple, on ne peut pas juger de l'Inquisition au travers de l'évêque Cauchon....
L'avis de tel ou tel prélat ne remplace pas le CEC ou la DSE.

En matière d'environnement, il me semble que l'Eglise pose clairement la base des principes qui doivent guider un réel respect de la Création. Ce n'est pas pour autant que l'Eglise a un avis scientifique sur la question du "réchauffement climatique du à l'homme". Sur ce sujet, voir notre post de mars 2007, qui faisait déjà part d'une accusation de Patrice de Plunkett.

http://lesalonbeige.blogs.com/libres_reflexions/2007/03/peuton_tre_cath_1.html

Post sur lequel il n'avait pas pris la peine de répondre, alors que, chez nous, le débat est ouvert.

http://lesalonbeige.blogs.com/libres_reflexions/2007/03/catholique_et_c.html

MJ]

Rédigé par : oxbridge | 23 mai 2008 10:36:39

Personnellement, je ne vois en quoi les OGM seraient immoraux. S'ils facilitent le travail de l'agriculteur, tant mieux. Quant au reste, bien sûr, il faut respecter les lois morales, mais le progrès n'est pas incompatible avec la moralité, au contraire.

Quand je pense aux innombrables et immenses progrès accomplis dans l'hygiène, dans la médecine, dans l'agriculture depuis le moyen age, je ne peux que m'en féliciter. La peste et le choléra ont été vaincus grâce au progrès de l'hygiène. Parce que le progrès est moral.

En quoi et pourquoi une technique permettant de limiter les maladies des végétaux et des animaux, permettant de lutter contre les nuisibles s'attaquant aux végétaux et aux animaux serait-elle immorale ? Je ne vois pas. Bush ou pas Bush, Américains ou pas, Monsanto ou pas.

Rédigé par : Denis Merlin | 23 mai 2008 13:42:35

Pour comprendre les problèmes soulevés par les transformations écologiques de notre planète, sous l'effet du progrès technique et de sa généralisation à l'ensemble de l'humanité, le philosophe Ivan Illich opérait une distinction entre deux modes de production : l'autonomie et l'hétéronomie. L'autonomie est le fait de se maintenir en bonne santé grâce à une vie saine. L'hétéronomie préfère les soins apportés par un thérapeute. L'hétéronomie est donc une forme de détournement de la production. Or, la production technique n'a fait qu'augmenter la production hétéronome, au détriment de la production autonome. Mais, selon Illitch, la synergie entre les deux modes est exceptionnelle ; elle ne se fait que dans certaines conditions possibles. Passés certains seuils critiques de développement, la production hétéronome engendre une complète réorganisation du milieu physique, institutionnel et symbolique. Ce met en place le cercle vicieux de contre productivité, où les nouveautés ne correspondent plus à la satisfaction d'un besoin mais engendre de nouveaux désirs ou nécessités.

L'éco - système est un système complexe. Comme tout système complexe il est doté d'une très forte stabilité qui le rend adaptable à un niveau élevé d'agressions. Mais cette propriété n'est valable que jusqu'à un seuil que nous ne connaissons pas. Tout système complexe arrivant au seuil critique bascule, sa résilience disparaît brusquement, et, à l'image des changements de phase de la matière, ce basculement peut être radical. En mathématique, ce type de discontinuité est nommée catastrophe.

Jean - Pierre Dupuy souligne que les systèmes techniques sont très différents des éco - systèmes car les boucles de rétroaction positives - effets amplifiants - y sont importantes, à la différence des éco- systèmes ramenés à l'équilibre par des boucles de rétroaction négatives. La rétroaction positive est très dangereuse : elle signifie qu'une petite fluctuation sur le système peut, sur le long terme, conduire à un effondrement généralisé de celui-ci. Le phénomène est d'autant plus dangereux qu'appartenant nous même au système, nous n'avons pas conscience de modifier le devenir de celui - ci de manière radicale, en exerçant sur lui des pressions que l'on se représente comme minimes.

La société ne réagit pas car une société n'a tendance à reconnaître un risque que si elle voit des solutions pour y remédier.

Rédigé par : Renard Embusqué | 23 mai 2008 14:11:42

Je suis de ces chrétiens qui refusent catégoriquement tout OGM.

Que les hommes fassent des recherches avec des croisements et ce genre de processus me parait normal, mais créer de nouvelles espèces (car il s'agit bien d'une création donc une forme de remise en cause de la création naturelle) est hautement dangereux. Toute rupture avec le naturel (donc l'artificiel) me parais intrinsèquement mauvais, pour reprendre la formule consacrée.

L'action de fabriquer des OGM est permise par Dieu, puisque nous sommes libre, mais n'est pas nécessairement morale (tout comme l'est la recherche sur les embryons). A ce propos, la nature nous donne son point de vue : lorsque vous faites un croisement entre différentes espèces, donc un hybride, ils ne peuvent pas se reproduire. J'y vois ici, peut-être à tort, une limite fixée par Dieu pour ne pas être nous-même les hommes, à l'égal de Dieu, créateurs de nouvelles espèces.

On ne me fera pas croire que ces rythmes biologiques, ces espèces complémentaires les unes aux autres, ces cycles si bien orchestrés, bref, cette nature si bien organisée et pourrait être améliorée et dépassée par des créations humaines. Toute création de l'homme est forcément inférieure à la création divine.

Au contraire, je trouve que chrétien et alimentation biologique se marient très bien (idées d'une nourriture saine, d'un respect de la nature, des producteurs etc...). D'ailleurs je m'étonne beaucoup que les usagers des magasins bio soient très majoritairement des "écolos de gauche". Bon évidemment c'est parfois plus cher, mais sur des produits simples tels que le riz, les pâtes la différence est faible. Chaque chrétien devrai donner ce qu'il y a de meilleur à ses enfants. Or, 90% des chrétiens que je connais sont les premiers à acheter de la nourriture au rabais et les "marques" 1er prix, alors même que ce sont les produits les plus trafiqués, bourrés de conservateurs, d'additifs, de produits chimiques type E400 etc (ce qui ne veut pas dire que les marques de grande renommée soient meilleures... Ayez la curiosité de lire les compositions). A croire que les chrétiens sont les plus radins !

J'avoue que pour moi les OGM sont une folie humaine, effrayante par les conséquences qu'elles peuvent engendrer, mais je m'effraie encore plus de voir que même les chrétiens ne sont pas davantage conscients du "mal-fondé" de ces expérimentations, dont le seul et unique objectif (les promesses de nourriture moins chère, plus sure, plus abondante ne sont que des leurres) est une histoire de gros sous !

Rédigé par : AlphaCharlie | 23 mai 2008 14:19:38

Je ne pense pas que la question OGM soit liée à la morale. S'agissant de modifications à caractère irréversible sur des espèces végétales on est en droit de se poser des questions sur le caractère pérenne de la bio diversité. D'autant que ces nouvelles espèces sont dominantes et ont donc tendance à éliminer leurs concurrentes. On ne dispose d'aucun test long terme sur leur innocuité pour l'espèce humaine. Plus le progrès scientifique s'intensifie et plus nous risquons d'engager des phénomènes d'inter actions que nous ne maitrisons pas. C'est dans cette mesure que le principe de précaution doit s'appliquer.
Cette opinion est également totalement indépendante de toute doctrine politique.

[Dois-je comprendre que notre post "filandreux" vous a intéressé ?...
Ne croyez-pas cependant que les blogueurs du SB soient vexés par des mensonges. Nous sommes simplement un peu déçus que Patrice de Plunkett pratique à notre égard les mêmes méthodes stériles que celles de la grosse presse. Tant pis pour lui.

Tout acte humain est lié à la morale : selon que sa finalité soit bonne ou mauvaise. Ce ne sont pas les OGM qui sont moraux ou non en soi, c'est leur culture.

Mais les OGM n'existent pas par eux-même : ils sont une création de l'homme. En ce sens, aucune recherche scientifique n'est immorale à partir du moment où "l'ordre, la beauté et l'utilité des différents êtres vivants et de leur fonction dans l'écosystème" sont respectés et si elle ne nuit pas "aux êtres vivants ou au milieu naturel". Alors à ces conditions, oui, la modification par l'homme de "certaines de leurs caractéristiques et propriétés" se traduisant par leur amélioration, est licite, c'est-à-dire morale.

MJ]

Rédigé par : horus | 23 mai 2008 14:33:34

Il est amusant de noter que pour AlphaCharlie, il faut donner absolument le meilleur de la nature à ses enfants. Alors généralement on ne donne pas le meilleur, on donne ce qu'on peut donner (je vous rappelle que les chrétiens ont une structure de dépense légèrement différente que les gauchistes, ils n'ont généralement pas les mêmes frais d'éducation et c'est bien normal). Non, il faut donner la meilleure nourriture intellectuelle, certes, mais la meilleure nourriture importe peu, c'est surtout par les pratiques saines de diversification des aliments, de sport, etc que l'on apporte le plus d'atouts au niveau alimentaire.

Que je sache, les insecticides sont peut-être nocifs, mais l'espérance de vie ne cesse de grimper en flèche, donc permettez moi de relativiser grandement le danger que pourraient représenter des aliments non-bio (sans évoquer l'escroquerie marketing que sont parfois ces aliments).

Sur le sujet des OGM, effectivement, je pense que la nature est imparfaite, mais que si il est possible d'améliorer les choses via les OGM tout en les surveillant, je ne vois pas au nom de quoi il faudrait les interdire.

Plunkett compare manipulations génétiques sur les êtres humains et OGM, mais cela n'a pas lieu d'être, il ne s'agit pas du tout de la même chose. Dans le second cas, on se contente de pallier les faiblesses de la nature, dans le premier, on forge un nouvel homme, au prix de morts de millions d'embryons. Donc effectivement, même si c'est la même science, ces deux techniques n'ont pas les même conséquences.

Et oui, ce sont aussi des histoires de gros sous, comme avant d'ailleurs (les matières premières, c'est aussi une histoire de gros sous). Mais je ne vois pas où est le problème si les OGM ont effectivement les résultats escomptés, en permettant de réduire la consommation d'eau, et la famine dans les pays du Tiers Monde.

Rédigé par : Polydamas | 23 mai 2008 16:42:05

@ Polydamas

Malheureusement cher Polydamas, l'espérance de vie va bientôt chuter en flèche. Ce sont les jeunes gens et les jeunes filles du début du XXème siècle qui font ces statistiques. Ceux-là même qui n'ont pas connu la pollution, le tabac, les aliments trafiqués, la pilule, les micro ondes, la radioactivité, les ondes de portables.

Regardez plutôt les statistiques des cancers et vous verrez que c'est une véritable explosion.

Pour moi les liens de cause à effet sont tout de suite trouvé, et les OGM en font partis.

Rédigé par : AlphaCharlie | 23 mai 2008 17:34:31

Je pense qu'il faut faire confiance à la nature : les plantes s'adaptent à leur milieu , d'où cette extraordinaire biodiversité qui demain leur permettra de produire dans d'autres conditions climatiques . Que l'homme observe cette nature , sélectionne et contribue à l'amélioration des espèces est vieux comme le monde . Le danger des OGM serait plutôt du coté des idéologies : croire que l'homme seul est capable de créer le clone supérieur qui réglera ses problèmes , ce serait se priver de cette capacité inventive extraordinaire de la nature , au travers de sa diversité ,qu'il est essentiel de conserver . Comme pour les médicaments , c'est donc aux producteurs d'OGM de faire la preuve qu'ils n'ont pas d'effets secondaires négatifs au travers d'expérimentations totalement indépendantes .

Rédigé par : Augustin | 23 mai 2008 18:25:28

Merci au SB d'en parler parce que à force de lire les pros et les cons, je n'ai pas encore fait ma religion.

Il y a du vrai chez tout le monde.

Dans la Bible, est-ce Jacob, est-ce un autre, les moutons ou les chèvres étaient déjà "modifiés", croisés par rapport à leur couleur. L'amélioration de l'élevage et de l'agriculture a toujours été tentée depuis qu'ils existent. Même dans l'Evangile, un arbre qui ne donne pas de fruit est soigné, arrosé etc.

Malheureusement depuis le péché originel (qui n'existe pratiquement plus lors des baptêmes actuels) rien n'est absolument bon. Le mal se glisse partout.

Donc dans les OGM aussi, même si l'idée de départ est bonne.

Rédigé par : Pois Chiche | 23 mai 2008 19:33:04

Il n'est pas certain que les aliments "bio" soient plus propices à la santé.

Selon moi, c'est sans doute l'inverse qui est vrai.

Parce que les aliments "bio" peuvent contenir des nuisibles (champignon microscopiques par exemple) alors que les aliments issus de l'agriculture "normale" ou "raisonnée" n'en contiennent pas, ou moins.

Le témoin pour moi sont les centenaires : ont-ils mangé des produits spéciaux ? Non et ça ne les empêche pas de devenir centenaire. Tout le reste est littérature. Mangeons donc ce que l'on nous propose au marché.

Rédigé par : Denis Merlin | 23 mai 2008 20:39:59

Organisme génétiquement modifié signifie pour moi bien autre chose que tous les progrès en matière d'alimentation humaine et en matière d'hygiène que l'on a pu connaître au cours des siècles et dont nous avons pu constater bien des fois les bénéfices spectaculaires.
Car nous touchons cette fois-ci à la vie intime de la création, c'est-à-dire à la vie tout court. C'est-à-dire au "domaine réservé" du Créateur (comme les expériences en tous genre sur les embryons humains). Qui pourra donc croire un seul instant que tout à été exploré et exploité pour satisfaire au mieux les énormes besoin des hommes privés de tout.

Connaissant la nature humaine je crois par ailleurs qu'un aspect des choses mérite vraiment d'être souligné très fortement, à savoir pour le paysan, un transfert de dépendance vis-à-vis de la nature à une dépendance vis-à-vis d'autres hommes dont les préoccupations ne peuvent relever que d'une logique économique ouverte à tous les caprices.

Or si la nature se révèle souvent cruelle (calamités en tous genre) elle se révèle régulièrement d'une prodigieuse générosité. Que nous enseigne l'histoire des hommes dans ces domaines... ?

Il est d'ailleurs symptomatiques que :
· le sacro-saint principe de précaution, soit absent
· que l'idée d'un référendum sur le sujet, soit absent
· que l'obligation d'inscrire de manière très visible sur les emballages que le produit en question contient des OGM, soit absente.
· Que les effets possibles à long terme soit semble t-il, tout aussi bien maîtrisés que le parcours du nuage de Tchernobyl...

En vérité tout cela masque mal la poursuite d'un désir fou mais très ancien et constant, clairement exprimé au chapitre 3 verset 5 du livre de la Genèse : " ... et vous serez comme des dieux "

Non vraiment que l'on ne mette pas en avant dans cette affaire le bien-être de l'humanité.

Rédigé par : ga | 23 mai 2008 22:13:25

@ Denis Merlin

Au risque de me répéter, je vous supplie de réfléchir un peu à ce que vous dites ! Nos braves centenaire ont mangés une nourriture normale... d'il y a cent ans ! Or, il n'ont pas connu tous ces traitements chimiques, ces épandages, ces insecticides, ces additifs, ces goûts reproduits artificiellement etc...

Evidemment, il y a 100 ans la "nourriture normale" était issue des campagnes, des petites exploitations, au bons soins et à la sueurs des paysans. C'était une nourriture on ne peut plus saine, cultivée à petite échelle naturellement ! Aujourd'hui la "nourriture normale" provient des grandes exploitations et la majorité de nos paysans actuels ne lésinent pas sur les produits chimiques pour être sur d'avoir de belles tomates bien grosses et rouges, de belles pommes bien jaune et sans défauts...

La nourriture d'il y a un siècle est absolument incomparable avec celle d'aujourd'hui, sauf peut-être le bio.

Rédigé par : AlphaCharlie | 24 mai 2008 10:10:59

Entre autres facteurs prophylactiques du cancer figure la lutte contre :

- le tabagisme

- l'obésité

- la débauche

On ne peut dire que, à part le tabagisme (et encore !) on prenne le chemin de la prophylaxie par l'hygiène de vie.

La débauche est officiellement encouragée par l'Etat.

L'explosion statistique du nombre de cancers peut provenir, en outre, de l'augmentation de la durée de vie. (Ceux qui sont morts à vingt ans de la grippe espagnole n'auront jamais eu de cancer.)

L'agriculture industrielle existe depuis plusieurs dizaines d'années.

L'augmentation de l'espérance de vie est, malgré ce fait, constante.

On ne peut donc corréler l'avènement de l'agriculture industrielle avec l'augmentation du nombre des cancers.

Rédigé par : Denis Merlin | 25 mai 2008 01:55:24

Bonjour
AlphaCharlie a tout dit et bien dit.
Ce mythe du progrès , couplé au mythe de la surpopulation (la production actuelle de nourriture sur la palnète peut nourrir 30 millairds d'habitants), est destiné à avancer le super-état-supranational.
Les connaissances en génétique sont insuffisantes pour anticiper tous les effets pervers des manipulations génétiques (les plantes et les prédateurs ont déjà développé des résistances et des adaptations non prévues). Les OGM sont là pour prendre le contrôle mondial sur les semences, empêcher toute culture vivrière adaptée à la nature des terres et au climat.
que les chrétiens soient tombés dans le mythe du progrès technique sans fin est lamentable, et cela parce qu'ils ont oublié que le seul véritable progrès est SPIRITUEL. Tout le reste viendra dans l'ordre et l'harmonie si le progrès SPIRITUEL est à la première place. C'est ce progrès que les mondialistes essayent de stériliser à jamais, pour s'assurer la domination sur un troupeau de moutons, avortables et euthanasiables à volonté.
JD
Grenoble (capitale des avorteurs)

Rédigé par : Duport | 26 mai 2008 11:35:33

Bravo! Merci de m'avoir aidé à y voir plus clair. Je me permet cependant d'apporter ma petite pierre. Nous discutons ici de l'outil, et en soi, un outil n'est ni bon ni mauvais. Prennons un marteau: on peut construire une maison ou défoncer la tête de son voisin avec.
Avec les OGM, on peut en effet asservir la production aux desideratas d'une firme, mais on peut aussi faire en sorte que des araignés produisent du nylon.
Ainsi, discuter du "pour ou contre" me parait être juste à côté de la plaque, par contre discuter du "comment et à quelles fins" me parait dans le respect de la création bien plus cohérent.

Rédigé par : Vince | 27 mai 2008 00:11:18

Bien vu Vince.

Comment me semble sans problème : il s'agit d'introduire dans le génome de plantes des chromosomes qui les rendent notamment résistantes aux calamités agricoles biologiques (parasites) et autres.

Pourquoi me semble aussi sans problème : il s'agit, à titre de but prochain, de faciliter le travail de l'agriculteur, de semer sans avoir à répandre des pesticides et de se procurer des récoltes saines avec un moindre effort. Le but plus éloigné est de nourrir l'humanité de façon satisfaisante.

Les prétendus problèmes ne viennent que des angoisses des superstitieux.

Rédigé par : Denis Merlin | 27 mai 2008 21:57:00

Si la production augmente grâce aux OGM, les cours ne vont pas manquer de baisser sérieusement (ce qui en soi ne serait pas une si mauvaise chose, vu les prix exorbitants qu'atteignent une simple baguette de pain ou un kilo de pommes).

C'est une fin bien belle en soi de vouloir nourrir toute l'humanité, mais l'expérience prouve que les agriculteurs préfèrent orner le macadam des Champs-Elysées de leur blé plutôt que de le vendre à prix trop faibles. Quant à leur demander de le céder gracieusement aux populations dans le besoin... je ne suis pas assez idéaliste pour croire que les firmes de l'agrobusiness l'envisagent un seul instant.

Rédigé par : MC | 31 mai 2008 11:11:06



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