Cette soirée présentée par Brigitte Lefèvre à l’Opéra Garnier est découpée en trois parties : « Études » de Harald Lander, ancien directeur de la danse à l’Opéra de Paris, et deux pièces de William Forsythe, Woundwork 1 et Pas./Parts. Ce choix de pièces place indéniablement la soirée sous le signe de la technique, Brigitte Lefèvre - qui cèdera sa place de directrice du ballet à Benjamin Millepied dans un mois - le voit comme un « hommage à la compétence, à l’excellence du ballet de l’Opéra de Paris.
« Études » donne à voir un cours de danse classique dans tout son déroulé avec le démarrage des danseuses à la barre, les pliés, les ronds-de-jambe, les grands battements que le corps féminin semble exécuter avec une déconcertante facilité, jusqu’aux pirouettes finales et sauts du corps masculin. Dans la danse classique, « la classe » comme on l’appelle souvent se déroule toujours de la même manière, mise à part des variantes de difficulté, depuis les cours de débutants jusqu’aux entraînements des danseuses étoiles, c’est donc un moment très itératif et structurant dans la vie d’une danseuse. Bien sûr la classe est ici mise en scène, dramatisée, notamment par le travail de la lumière, un peu façon Crazy Horse, qui découpe les corps, dirige le regard vers des détails, et invite à admirer l’excellence, la synchronisation et la précision des ballerines. Ces « Études » présentent une montée en puissance vers des sommets de virtuosité, notamment avec les séries interminablement jouissives de pirouettes.
Si la musique de Carl Czerny fait un peu office de tapisserie, et malgré quelques hésitations de certains danseurs qui ici sautent aux yeux, c’est une pièce qui crée l’admiration aussi bien chez les néophytes que chez les amateurs de classique, et qui donne l’impression de se retrouver dans les coulisses du Ballet de Paris. La jeune étoile Amandine Albisson danse avec une telle joie de vivre et une telle énergie qu’elle contribue largement à faire rentrer de l’émotion dans cette pièce un peu académique.
Études, Harald Lander
La première pièce de William Forsythe, « Woundwork 1 » est à la base un quatuor, mais les deux couples dansent en fait côte-à-côte sans jamais se croiser ni interagir entre eux. Sur une base de mouvements classiques (pointes, position d’ « en dehors », ports de bras classique, etc…), la chorégraphie de Forsythe tord légèrement les corps, les décale, les électrise. Le regard du spectateur est, au début, un peu perdu par l’absence de synchronisation des danseurs. Très vite, il s’y habitue et du plaisir naît de ce sentiment de mouvement incessant, de léger chaos et finalement de liberté. Aurélie Dupont excelle dans ce type de danse, tant son corps d’une incroyable précision, d’une extrême discipline est parcouru par toute la grâce et l’émotion de cette grande artiste, donnant l’impression qu’elle exécute ce ballet de la manière la plus naturelle possible.
Aurélie Dupont et Hervé Moreau dans Woundwork 1 de William Forsythe
La dernière partie de la soirée « PAS/PARTS » présente de plus importants ensembles de danseurs, jouant encore avec la grammaire classique mais toujours aux limites du contemporain: entre l’équilibre et la chute, le plié et la torsion, le rythme et la frénésie. La musique de Thom Willems aux sonorités industrielles, parfois presque inécoutable, permet aux corps de s’affranchir des carcans du rythme et l’absence de décor libère les danseurs de toute histoire à raconter. Pour cela Marie-Agnès Gillot que l’on avait pas vu depuis un an, fait un retour magistral, son corps immense, sculptural, loin des frêles silhouettes de certaines danseuses, se meut à merveille dans dans l’univers de Forsythe. Ici le mouvement devient l’expression pure d’un sentiment ou d’une idée, la danse se fait langage, reste à chacun de le décrypter.
Marie-Agnès Gillot dans Pas./Parts de William Forsythe & Aurélien Houette, Julien Meyzindi, Nolwenn Daniel dans Pas./Parts de William Forsythe
Les Étoiles, les Premiers Danseurs et le Corps de Ballet
Orchestre de l’Opéra national de Paris
Frédéric Laroque Direction musicale
Jusqu'au 5 Octobre
À partir de 10 euros