Je l’avais admiré il y a deux ans à Winterthur. Il y a jusqu’au 24 mai une très belle exposition d’une vingtaine de photos de Gregory Crewdson au White Cube Mason’s Yard à Londres.
Que puis-je rajouter à ce que j’écrivais en août 2006 ? De superbes effets de brume, de brouillard, de nuages. Des reflets, des miroirs, des fenêtres. Des histoires qu’on tente de deviner.
Crewdson est un photographe étrange et inquiétant. Il nous montre des vues de la banale banlieue américaine habitée par des classes moyennes sans histoire, mais les scènes qu’il nous présente , les mises en scène qu’il réalise plutôt, ont toutes un petit quelque chose de dérangeant, voire plus : un couple silencieux, où on ressent aussitôt le non-dit, l’incompréhension, les secrets sexuels ou amoureux, la distance entre les êtres; des femmes seules, pensives, dont le compagnon n’est plus qu’une silhouette rejetée à l’arrière-plan. Mais c’est par la lumière qu’il bâtit le mieux cette étrangeté, cette atmosphère lourde, menaçante, qu’il s’agisse d’un faisceau venu d’un projecteur invisible, d’un bus éclairé a giorno de manière irréelle, ou des flammes jaillissant d’une bouche d’égout. C’est cette lumière incompréhensible, inexplicable, qui introduit dans la photo cet irréel, ce mystère.Crewdson est un metteur en scène, composant soigneusement ses photos, employant plus de 100 personnes sur le “tournage”, et retravaillant ses photos numériquement avec un perfectionnisme digne de Jeff Wall.
Ses meilleures photos sont celles où l’histoire ne se dévoile pas, où nous ne savons rien des protagonistes, où notre imaginaire se donne libre cours. Celles où il est plus explicite, ou en tout cas plus précis, que ce soit une jeune femme morte flottant dans son salon inondé, moderne Ophélie, ou un garçon explorant les tréfonds de la tuyauterie de sa baignoire, pâle image de son inconscient, m’ont paru moins convaincantes. Son père était psychanalyste et que le petit Gregory écoutait aux portes…