Trois poèmes récents de Marie Huot

Par Etcetera

J’ai découvert ces poèmes dans la revue Diérèse n°63 du printemps/été 2014 et ils m’ont tout de suite touchée par leur simplicité et leur aptitude à faire passer l’émotion. Marie Huot est née en 1965, elle a publié une quinzaine de recueils de poèmes, je ne la connaissais pas avant de lire ces quelques poèmes.

***

La nuit vient sous le Pont aux Trembles
je me souviens d’une phrase que quelqu’un disait :
il faut faire son deuil
Le deuil que je fais est tout fripé
J’ai beau m’appliquer
je ne sais pas faire mieux que cela
une chose froissée roulée en boule
que j’essaie en vain de cacher sous mon lit

***

La vérité est que je faisais des voyages minuscules
que personne ne voyait ni ne savait
Des allers-retours rapides à travers la mémoire
Ma petite cour était remplie de feuilles mortes
J’avançais sur un radeau de bois sec et de ficelles
Je n’avais ni voile ni boussole
simplement mon cœur qui se soulevait
quand nous croisions de loin des lanceurs de dés sur la mer
J’avais peur de retourner à la case départ avec ma cargaison d’amour
J’aurais préféré être dans un cheval de Troie
avec ma cargaison de guerre

***

Au bord du champ j’avais dressé une table sommaire
pour t’y inviter
Je ne voulais pas forcément manger des bêtes grcieuses
je craignais de garder un peu d’elles au fond de moi
Je l’avais fait pourtant
j’avais mangé leur grâce jusqu’à l’os
Mais je ne voulais pas dire leur nom
car si mon ventre leur était une petite tombe
je craignais que leurs fantômes viennent tourner
chaque nuit devant mes yeux
soufflant à mes oreilles des plaintes ardentes
Avec toi je me sentais prête à dévorer toutes sortes de bêtes
Je l’avais fait
n’en parlons plus

***

Ces poèmes sont des extraits inédits de La Renouée.