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Métro, prochain arrêt : Humanité

Par Asmaa @frip0uille

Réveil matin à l’aube et des relents de Saez dans l’âme. Encore un jour se lève sur la planète France et je sors doucement de mes rêves, je rentre dans la danse. Comme toujours, il est 7h du mat’.. encore une journée où la jeunesse France va bien s’amuser puisqu’ici rien n’a de sens. Alors on va se motiver, faire semblant d’être heureux, pour aller gentiment travailler. Qui sait ? Si on ferme les yeux on vivra mieux ?

RER A direction Opéra. Une matinée des plus routinières si ce n’est que la rame du train est quasi-vide. Les usagers lisent, geekent sur leur smartphone, font la gueule, écoutent de la musique, se maquillent, papotent, rêvent d’ailleurs à travers la vitre crade. Moi je les observe, inquisitrice.

Châtelet les Halles. Le train s’arrête. Une partie de la meute descend pour laisser la relève à la suivante. Prenez garde à la fermeture des portes. Quand soudain, une voix s’élève, rompant le silence du wagon.  » Mesdames, Messieurs bonjour. Pardonnez-moi de vous déranger {…} « . Il s’appelle Georges. 50 ans. Pas de travail, pas de ressources, pas de toit, pas de famille et pas un sou en poche. Chétif et frêle, le visage sans expression, le teint blafard et terne, les yeux larmoyants, Georges a la cinquantaine mais je lui aurais donné 10 ans de plus. Curieusement, parmi l’assemblée, il semblerait que nous soyons deux a lever la tête. Il semblerait que nous soyons deux a écouter ce qu’il dit. Il semblerait qu’un homme visiblement en détresse s’adresse à nous. Hélas, il semblerait que personne ne l’ait remarqué.

 » Merci pour ce moment d’humanité  » conclut-il. S’agit-il de remerciements sincères ou d’un message subliminal visant a embarrasser les « esprits absents » ? Le ton employé n’avait pourtant pas l’air accusateur. Pauvre Georges. J’ai mal pour vous.

Pour citer Oscar Wilde, je dirai que les tragédies des autres sont toujours d’une banalité désespérante. Certes. Mais l’humanité ne réside pas uniquement dans quelques pièces de monnaie ou dans un ticket restaurant. L’humanité c’est aussi un regard, un sourire, de la compassion, de l’empathie. Bon sang !

Prochain arrêt, Auber. Grotesque situation quand il est évident que dans ce genre de quartier même les chiens ont un budget fringues supérieur au nôtre. Pauvre Georges. J’ai mal pour vous.

Encore une nuit se lève sur la planète France. Mais j’ai depuis longtemps perdu mes rêves, je connais trop la danse. Comme toujours, il est 9h du soir j’ai badé tout le jour je me suis rendue sourde encore. Encore une soirée où la jeunesse France va bien s’amuser dans cet état d’urgence. Alors elle va danser faire semblant d’exister mais demain rien n’ira mieux.

Alors comme Saez, j’accuse  » puisque des hommes crèvent sous les ponts et ce monde s’en fout « 


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