Il semble bien que « l’affaire est dans le sac » pour Pierre-Karl Péladeau (PKP). Il sera le prochain chef du Parti Québécois. Malgré que la course à la chefferie débute à peine, qu’il n’ait pas encore annoncé sa candidature, le résultat est fort prévisible pour les observateurs avertis.
Les sondeurs nous informent que PKP récolte, aujourd’hui, l’appui de plus de 53% des sympathisants péquistes du Québec. Les autres candidats se voient attribuer à peine 2% à 7% d’appuis. Ce sont des indices clairs mais pas définitifs car rien n’est certain en politique.
La direction du PQ a mis de côté l’idée d’une élection primaire pour tous les sympathisants péquistes au Québec et a opté pour un vote internet limité aux membres du parti. Cela me semble une belle occasion perdue car la confrontation des candidats aurait suscité dans la population, qui aime ce genre de course au leadership d’un parti politique, un intérêt certain. Les luttes et débats dans de telles circonstances attirent l’attention car ils portent sur l’avenir. Je ne comprends pas le PQ qui, placé dans une position très défavorable par l’opinion publique, refuse une opportunité pouvant faire tourner tous les regards vers lui.
Le politicien PKP n’est pas très connu. Par contre, l’homme d’affaires l’est et il est favorablement apprécié, comme je l’écrivais dans mon blog du 20 avril 2013 intitulé « Un géant : Pierre-Karl Péladeau ». J’y exprimais une opinion positive sur son flair et son savoir-faire des affaires après l’avoir vu maintenir la compagnie Québecor Inc, héritée de son père, et la transformer au point d’en faire un de plus importants conglomérats dans le domaine des médias au Canada.
Mais en politique, il est loin du top. Son entrée politique durant la dernière campagne électorale québécoise fut un flop monumental. Son « poing en l’air », similaire au signe des membres de l’internationale communiste, a frappé l’imagination collective. D’un coup, son geste a confirmé l’idée que le PQ voulait imposer un nouveau référendum sur la séparation du Québec de l’ensemble canadien. Comme c’était au moment où les Québécois n’en voulaient absolument pas, cela a contribué fortement au renversement du gouvernement de Pauline Marois et à la dégelée du Parti Québécois, la pire défaite depuis sa formation.
Durant la campagne, le manque de clarté de ses discours a surpris et il s’est avéré un orateur sans éloquence puissante ni directe. Ses prestations télévisuelles laissaient à désirer.Il devenait clair quela politique était pour lui un nouveau monde.
Aujourd’hui ses plus chauds partisans recherchent un couronnement. Pour eux, le choix est décidé. Ils vont même jusqu’à réclamer que les 29 députés péquistes se rallient à PKP et que cette décision soit plébiscitée par les membres du parti afin de lui conférer une légitimité démocratique. Ils traitent, de façon arrogante, les autres candidats de « petits ambitieux, rêveurs, et utopistes… qui font le jeu des fédéralistes ». Pas de débats, pas de discussions, pas de choc des idées, pas d’ouverture pour les vedettes du parti mais des insultes, seul PKP. Ça ne frise pas le ridicule, mais pas loin. Vive la démocratie…
Qui sait comment PKP va réagir dans le feu de la compétition politique. Quelles sont ses vraies convictions? De droite, de gauche ou du centre ? Est-il un homme convaincu ou un opportuniste capable de gagner la bataille d’images et d’illusions qu’est la politique, parce qu’il en a les moyens financiers ? Son « Québec, mon pays » se définit-il par un référendum sur la question le plus vite possible ou l’adoption d’un simple projet de loi à cette effet par l’Assemblée nationale ? Peut-on se fier uniquement aux quelques brides politiciennes qu’il lance ici et là pour se maintenir dans le limelight, via sa page facebook, pour juger de sa compétence politique ? Est-ce parce qu’il est riche et a été magnat des médias, grâce à des aides substantielles du gouvernement, qu’il est plus apte à diriger un gouvernement qu’un autre candidat qui vient du milieu professionnel, journalistique, culturel, ou social? Possiblement, mais avant de le couronner, la démonstration reste à faire.
Dans le passé, des hommes riches et issus du milieu des affaires ont fait leur entrée en politique. Plusieurs ont vite plié bagages. Un rare parmi eux, François Legault, aujourd’hui chef du parti Coalition Avenir Québec (CAQ), afinalement, après des années comme ministre et des années comme chef de parti, démontré qu’il a les capacités de diriger un gouvernement.
Justement, c’est Legault qui rappelait hier avoir discuté maintes fois dans le passé avec PKP du sujet des dépenses gouvernementales. Il affirme ne pas comprendre son opposition soudaine au budget austère du gouvernement actuel visant à diminuer les dépenses élevées, le déficit et l’endettement du Québec. « C’est un revirement de 180° par rapport avec ses opinions précédentes », dit-il. Pourquoi ? « Pour calmer l’aile gauche de son parti qui l’oppose », ajoute Legault ? Voilà le genre de questions qui pourraient être éclaircies si de vrais débats ont lieu entre les candidats. Les Québécois pourraient alors mieux juger ses propositions politiques et sa sincérité.
Sur le sujet de l’austérité, nous n’avons qu’à comprendre ce qui se passe en France, pour le juger. Le président socialiste François Hollande coincé par l’Allemagne et l’Union Européenne a dû imposer un programme d’austérité car la situation économique française est dangereusement en difficulté. Chômage à la hausse, croissance négative, déficits constants, taxes additionnelles, etc… Le résultat : Hollande se retrouve à 15% favorable dans l’opinion publique car personne n’aime l’austérité. Pour regagner sa popularité, Hollande renie en partie maintenant son propre programme et blâme les autres de l’avoir engagé dans ce sillon. PKP se prononce-t-il contre l’austérité pour obtenir la faveur générale ?
Le Québec n’est pas la France. Nous sommes financièrement en meilleure posture. Mais si nous continuons à dépenser, à augmenter nos programmes sociaux au nom d’un supposé « modèle québécois », à emprunter et que soudainement nos revenus stagnent, nous connaîtrons des difficultés économiques comme la France. Nous pourrions aussi, dans un cas extrême, vivre des périodes difficiles comme celles que l’Espagne, la Grèce ou l’Italie ont presque fini de traverser. Pour éviter à tout prix une telle situation, il nous faut apprendre des autres et cela veut dire contrôler nos dépenses et vivre selon nos moyens. PKP nous réserve-t-il un avenir plus difficile en disant autrement aujourd’hui ? De bons débats nous éclaireraient sur sa surprenante position.
De son côté, le chef de l’opposition officielle québécoise, Stéphane Bédard. espère voir l’émergence d’un nouveau leader à la Bouchard. Il fait allusion à Lucien Bouchard, ministre démissionnaire à Ottawa, fondateur du Bloc Québécois, leader du référendum de 1995, chef du PQ et PM du Québec. Mais Bouchard a fait beaucoup politiquement avant de devenir chef du PQ. Qu’à fait PKP? Rien. On ne s’invente pas politicien encore moins sauveur.
En fait qui est le vrai politicien PKP ? Six mois après son élection comme député, on connaît peu de lui. Et s’il devient un chef péquiste plébiscité, on ne le saura qu’après. Il sera peut-être trop tard.
Claude Dupras