Fumer peut provoquer des maladies graves. Notamment la taxite aiguë, que l’ensemble du pays semble avoir attrapé il y a quelques temps déjà et dont les symptômes (un pouvoir d’achat qui se flétrit, un bonheur intérieur net qui s’évapore, une ingérence de l’Etat toujours plus forte dans nos vies) continuent de s’aggraver tous les jours. Partant de cette constatation, l’actuelle ministre de la Santé vient de présenter son objectif de lutte drastique contre le tabac.
Il m’est plus difficile d’évacuer calmement les nouvelles interdictions envisagées, qui accroissent encore un peu le nombre d’endroits où il deviendra interdit de fumer. Avec ces propositions, toute présence d’un enfant dans les parages d’une cigarette (notamment en voiture et dans les parcs) devrait déclencher l’arrivée d’une équipe du GIGN qui, avec tact, doigté et pompes cloutées, vous fera comprendre que vous avez commis une petite faute de goût. Concrètement, une nouvelle petite parcelle de responsabilité va être retirée des individus normalement adultes, être placée dans les mains gantées de fer de l’État et, moyennant la répétition de cette opération un nombre de fois de plus en plus faible, il ne restera bientôt plus aucune liberté de fumer nulle part (mais les cigarettes seront toujours en vente libre, histoire de conserver à tout ceci le parfum ubuesque délicat si caractéristique de l’état-nounou). La délicieuse étape finale consistera probablement à imposer l’achat de cigarettes qu’on n’aura plus le droit de fumer, histoire que les taxes rentrent toujours.
Mais le pompon est clairement attrapé à pleines mains potelées par l’ensemble des propositions touchant la cigarette électronique.
Alors même que nombres d’études s’accumulent pour prouver que l’existence même d’un vapotage passif tient plus d’un mythe ridicule qu’autre chose (les gouttelettes produites par l’appareil retombent rapidement au contraire des fumées de cigarette traditionnelle), la petite Marisol surjoue la précaution et envisage d’interdire tout vapotage dans les lieux publics alors même que le rapport de l’Office Français de Prévention du Tabagisme, paru en 2013, indiquait clairement toute absence de significativité clinique des produits du vapotage (mais, en toute incohérence, préconisait tout de même cette interdiction, histoire sans doute de rester dans les bonnes grâces subventionnelles de la ministre – on est en France, après tout).
Du reste, tout indique que l’offensive contre cette vilaine innovation est maintenant lancée. Peu importe que les avantages (sociaux, cliniques et économiques) de la cigarette électronique soient tous les jours plus apparents, le ministère de la Santé a décidé de mettre fin à un tel chambardement dans le marché ultra-policé des produits nicotinés. Amalgames, confusions, incohérences et précipitation étant les mamelles de la politique française, il n’aura donc pas fallu attendre trop longtemps pour que la production législative, en retard d’une guerre, reprenne du poil de la bête et propose de mettre bon ordre dans tout ça, de préférence en taxant, interdisant, régulant et étouffant autant que possible un marché en plein essor.
Et pendant que l’arsenal régulateur avance ses pions et déploie ses arguments dans l’hémicycle et ailleurs, la presse se fait fidèle relai de ces opinions hautement cohérentes d’un progressisme finement calibré pour accompagner les uns pendant qu’ils se piquousent et pourchasser les autres lorsqu’ils vapotent niaisement. C’est ainsi qu’on apprend avec stupeur, dans tous les médias d’importance, qu’il y aurait des risques graves, abominables, à utiliser des cigarettes électroniques, comme par exemple l’explosion d’une batterie électrique, qui provoque des brûlures et de gros désagréments. On se demande pourquoi l’AFP a décidé de bombarder les rédactions d’un fait divers aussi subtilement sans intérêt alors que, dans la même journée, il est plus que probable qu’une ou l’autre voiture, pleine d’essence, aura explosé, que l’un ou l’autre téléphone portable à la mode aura cramé la fesse trop rebondie d’un usager peu précautionneux, sans que, pourtant, ni la voiture, ni le téléphone ne soient automatiquement mis sur la sellette…
On pourrait croire le sujet de la cigarette électronique parfaitement anecdotique. Il n’en est rien car il relève en fait de la même importance que les récentes exactions scandaleuses d’un Cazeneuve lâché en roue libre sur Internet. Petit à petit, ces ministres grignotent, chacun de leur côté, des pans entiers de nos libertés, et certains, idiots utiles, applaudissent.
Moyennant quoi, la publicité pour ces dispositifs électroniques sera fortement régulée à son tour : après tout, fumer, c’est mal, on l’a dit, ça peut provoquer des maladies graves, on le sait, et inciter les mineurs à le faire relève de l’abomination, c’est évident. Bien sûr, l’utilisateur de cigarette électronique peut parfaitement choisir de ne pas téter de nicotine. Bien sûr, vapoter ne produit aucun produit cancérigène. À tout prendre, l’addiction au vapotage tient clairement plus de celle au chocolat ou au café que celle à la cigarette traditionnelle. Mais peu importe. Puisqu’on a trouvé un angle d’attaque, on va l’utiliser. En plus, ces interdictions s’inscrivent rudement bien dans le plan marketing de l’industrie du tabac (qui n’aime pas du tout du tout la concurrence et n’a jamais caché ses liens, nombreux, avec l’État et les parlementaires) et, bonus non négligeable, collent aussi pas mal avec le ménagement de l’industrie pharmaceutique qui produit de jolis patchs nicotiniques, industrie avec laquelle Marisol n’a jamais eu le moindre lien.
Bref, si les lois s’occupaient de rendre intelligible le rationnel, cela se saurait. Ici, il s’agit de réguler les émotions, et tout le monde sait que que prendre du plaisir est éminemment louche dans ce pays. Et qui mieux que Marisol et sa clique, le Ministère de la Santé et ses petits scribouillards, peuvent définir quel fun on a le droit d’avoir ou pas ? Après tout, c’est de votre santé qu’il est question ici : il ne manquerait plus que vous aillez un mot à dire à son sujet, non mais…
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