Je vous retrouve aujourd'hui avec le premier article d'une série un peu particulière sur le blog, puisque j'entends moi aussi vous parler de la rentrée littéraire 2014 ! Vous le savez maintenant, mon truc c'est plutôt les bons vieux classiques, mais je vous disais aussi dans mon à propos que je voulais profiter de ce blog pour découvrir des auteurs plus contemporains. Et puis je ne voulais pas passer à côté de cette rentrée, ni ne pas vous en parler !
Je vais donc vous présenter au total environ 10 livres de la rentrée que j'aurais lus, en plus des chroniques de classiques (elles sont également au programme de ces prochains mois !). Comme je vous l'avais normalement annoncé sur Facebook, je comptais vous les présenter par groupe de trois, dans environ 3/4 articles. Vous vous en doutez, j'ai changé d'avis. Ou plutôt : j'ai du revoir mes plans puisque j'étais incapable d'atteindre le niveau de concision espéré dans mes chroniques, et que je ne me voyais pas vous présenter trois livres dans un article de 50 mètres de long (lisez la chronique plus bas et essayez d'en visualiser deux de plus avant la fin de l'article...). Par conséquent, chaque livre aura son propre article. Mais je tiens quand même à vous préciser que j'ai fait un effort en ce qui concerne la brièveté et que ces articles sont quand mêmeJ'espère que ces chroniques vous plairont aussi et vous donneront des idées lectures ; et je vous invite vivement à me dire ce que vous pensez de ce programme !
Du nord de la France à la côte ouest du Mexique, On ne voyait que le bonheur offre aussi une plongée dans le monde de l’adolescence, pays de tous les dangers et de toutes les promesses. »
D’abord, c’est la construction de ce roman que je trouve bien pensée : une première partie nous dresse le portrait d’Antoine, nous décrit son état d'esprit et fait un retour sur son enfance pour nous faire comprendre que quelque chose va se passer, la deuxième nous raconte « l’après » de cet événement et la troisième se distingue quant à elle clairement des deux autres puisque l’on change de narrateur. Cette construction en trois temps donne vraiment du rythme et du dynamisme au roman, et nous plonge instantanément dans l’intrigue.D’ailleurs, l’histoire en elle-même est assez prenante. Sans être haletant, le suspens est là et ne nous déçoit pas. Les personnages y sont malmenés et mis à rude épreuve, et l’auteur nous propose une belle réflexion autour du pardon : peut-on pardonner à ceux qui nous ont privés d’amour, peut-on manquer de quelque chose qu’on n’a pas eu ? J’ai bien aimé voir comment chacun des personnages appréhendait le pardon de façon très différente : fuir, ressasser le passer, se faire aider, se reconstruire pour faire mieux… Les solutions sont multiples et c’est une des choses qui m’a le plus séduite.J’ai toutefois été déçue par quelques petites choses, et notamment par l’invraisemblance de certains événements (son licenciement par exemple). Enfin, j’admets que le critère de vraisemblance n’est pas important pour moi dans la mesure où je lis un roman et pas un livre historique, et que ces éléments ajoutent de l’intensité et de l’action à l’histoire ; mais honnêtement, j’ai parfois trouvé certains événements grotesques, notamment la fin.
D’autre part, j’ai eu l’impression que l’auteur voulait nous faire penser que les troubles d’Antoine venaient tous uniquement de son enfance, et j’ai été assez dérangée par cette analyse un peu trop sociologique. Je suis évidemment d’accord avec le fait que notre enfance joue un rôle important dans notre construction personnelle, mais j’ai peu apprécié le fait qu’Antoine y fasse souvent référence : c’est comme s’il cherchait à se justifier et à atténuer sa responsabilité. J’aurais aimé que l’auteur insiste plus sur la « folie » et la psychologie du héros, et moins sur ses antécédents familiaux.Enfin, l’écriture de Grégoire Delacourt est, selon moi, agréable et naturelle, même si j’ai trouvé par moments qu’elle manquait un peu de pudeur et qu’elle était assez brutale ; cela m’a parfois rendue assez hermétique aux émotions, mais je pense paradoxalement que c'est ce qui fait la force du roman : l'écriture de Delacourt retranscrit bien l'ambivalence des sentiments que l'on peut ressentir à l'égard d'Antoine, comme la haine et l'empathie, par exemple.En résumé, mon ressenti est assez trouble : tous les ingrédients qui composent une lecture agréable sont là (réflexion, émotion, sensibilité, rythme, intrigue), mais je ne les ai pas trouvés autant exploités que ce que j’aurais souhaité, et ça ne m’a pas vraiment fait décoller. J’ai passé un très bon moment, mais c’était pour moi une lecture plus divertissante qu’enrichissante, et je n'ai pas été bouleversée par ce livre. En matière de chronique familiale, j’ai par exemple beaucoup plus aimé Rien ne s’oppose à la nuit de Delphine de Vigan !Je recommande donc ce livre à ceux qui s’interrogent à propos des points de non retour et aux regrets auxquels on peut être confrontés, aux relations familiales et au pardon que l’on accorde ou pas, et à ceux qui veulent tout simplement passer un bon moment. Il me semble que ce livre est un très bon moyen de découvrir un auteur contemporain, ainsi que la sélection du prix Goncourt 2014 !
« Ma lâcheté trouve son origine dans cette colère qui ne sort pas. Je sais que le pardon n’a jamais été une qualité humaine, il faut se battre, oser redevenir animal, mordre, se défendre ; ou accepter de disparaître. » p60
« Je me suis dit que le bonheur on ne le sait qu’après ; on ne sait jamais qu’on est en train de le vivre, contrairement à la douleur. » p343J'espère que vous avez aimé cette chronique et que ce format particulier vous plait ! Avez-vous lu On ne voyait que le bonheur, et qu'en avez-vous pensé ? Que pensez-vous de sa sélection pour le Goncourt ?
Bises et bonne journée :-)