Parmi tous les bouleversements que l’industrie de l’entertainement a connu, celui de la mesure de succès est l’une des expressions les plus évidentes.
Je me souviens du pavé dans la mare qu’avait été le Top 50 à la création de Canal +. On allait enfin apprendre quels étaient les vrais vendeurs de disques. Pas ceux qu’on voyait chaque semaine dans les shows des Carpentier, mais ceux qui pouvaient réellement revendiquer un succès populaire qui passe par l’achat de disques. Au revoir Mireille Mathieu, bonjour Peter et Sloane.
Une révolution de l’industrie musicale plus tard, à l’heure des ventes de disques réduites à quelques exceptions notables, la mesure de succès se fonde de nouveau sur un acte totalement gratuit pour le consommateur : un clic sur une vidéo. Le nombre de vues sur YouTube est le mètre étalon de la popularité des années 2010, une unité de mesure qui se vérifie tous les jours. Par exemple ces deux derniers jours :
Côté télévision, au moment du Top 50, les mesures d’audiences par des instituts tels que Nielsen révélaient qui était vraiment devant son poste de télévision, constituant une audience captive pour les spots publicitaires des marques qui y trouvaient un espace de massification sans comparaison. Avec sa capacité à toucher jusqu’à plus de 10 millions de personnes au même moment, ça reste vrai aujourd’hui. Ceci dit, la délinéarisation de la consommation, ce nouveau graal qu’est l’engagement et le court-circuitage aussi violent qu’illégal de la chronologie des médias pratiqué au quotidien par la génération des moins de 30 ans ont tout balayé sur leur passage.
La télévision américaine bénéficie dorénavant pour ses ventes à l’international de ce critère de popularité qui donne de la valeur au produit et aide à lui assurer plusieurs saisons même en cas d’audiences moyennes : le téléchargement illégal ! « Game of throne » en a particulièrement bénéficié lors de ses premières saisons, d’autres prennent la relève.
Sans réouvrir le débat de la pertinence de la Social TV en 2014, la télévision tend à s’intéresser davantage à son « audience sociale » autant qu’à son « audience tout court », à y investir en tout cas suffisamment d’énergie pour qu’on pense que ça compte, sans vraiment savoir ce que ça rapporte. Là encore, l’unité de mesure s’affranchit de toute rationalité business, confondant « succès commercial » et « popularité ».
Le cinéma joue beaucoup sur le nombre de vues d’une bande-annonce, un spectacle sur le succès du hashtag associé lors de la Première, on attend la révolution du côté du livre. Pas sûr pourtant que ces unités de mesure nouvelle génération collent au plus près d’un indicateur de succès au sens rentable du termes pour une industrie qui, vu d’ici, semble un peu perdue.