Au début des années 90, Gilles Archambault publiait un superbe récit sur ses relations avec sa mère :
Au début du texte, Archambault nous dit qu’il perdit sa mère l’automne dernier, et il écrit ceci, qui est sans doute très vrai : « Quand une personne meurt, elle emporte avec elle tant de secrets qu’elle apparaît avec le temps de plus en plus impénétrable. »
L’un des aspects les plus réussis de ce récit est la façon dont l’auteur joue avec le temps, entremêlant les souvenirs d’une époque lointaine où sa mère était jeune, tendre et belle, ceux d’une époque plus récente où elle devint femme d’âge mûr et enfin la période de l’agonie. Autre chose que j’admire, la façon qu’a l’auteur de parler de son désespoir sans véhémence, avec une retenue qui a pour figure principale la litote. Ainsi, Archambault nous apprend qu’il fut conçu avant le mariage de ses parents. Apeurée, la mère de l’écrivain, qui n’avait alors que dix-huit ans, tenta de se débarrasser de l’enfant de façons diverses (elle voulut se faire avorter à trois reprises, elle s’adonna à des exercices violents afin que meure son bébé). Or devant les aveux tardifs de sa mère, Archambault ne pousse pas de hauts cris et ne s’épanche point en récriminations ; devant la mort possible (et souhaité par sa jeune mère) du fœtus qu’il était, il nous dit laconiquement : « Je n’étais pas sûr du tout que cette éventualité aurait été tragique. » Voilà, le désespoir et la qualité d’un esprit nous sont livrés en une seule phrase.
Enfin, parmi tous les textes d’Archambault que j’ai lus, Un après-midi de septembre est l’un de mes préférés et je ne puis que vous en conseiller la lecture.
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Toutes les citations sont tirées de l’ouvrage suivant : Gilles Archambault, Un après-midi en septembre, Montréal, Boréal (coll. Boréal Compact), 1994.