Face à Gérard Larcher, Jean-Pierre Raffarin a échoué de nouveau dans sa
tentative de prendre les rênes du Sénat (le Plateau). Petite analyse sur les raisons de cet échec.
Dès le 30 septembre 2014, Gérard Larcher avait insisté pour dire que le Sénat « ne serait pas une annexe de l’UMP » et surtout que « le Sénat doit reconquérir son image dans
l’opinion ». Pour le nouveau Président, le Sénat devra rester « une institution autonome ».
À 65 ans, Gérard Larcher est sénateur depuis vingt-huit ans, maire de Rambouillet depuis trente et un ans. Il
a été ministre du 31 mars 2004 au 15 mai 2007 dans les gouvernements de Jean-Pierre Raffarin et de Dominique de Villepin, sous la tutelle du
ministre Jean-Louis Borloo, chargé du Travail. Sans beaucoup d’arrogance politique, il est l’archétype de l’élu "sympa", labourant sur le terrain
ses réseaux, cherchant avant tout à comprendre les problèmes des élus et à chercher à les résoudre.
Les humoristes pourront reprendre leurs beaux mots en évoquant par exemple que Gérard Larcher a plusieurs
cordes à son arc, ou encore en disant qu’il est un sénateur de poids dans la nouvelle assemblée.
La primaire au sein de l’UMP
L’essentiel avait été accompli la veille. L’UMP étant le
groupe le plus important de la nouvelle majorité sénatoriale avec 143 membre (la majorité absolue est 175), elle avait organisé une primaire en son sein le 30 septembre 2014. Trois candidats
s’étaient présentés, les mêmes qu’en automne 2008, à savoir Gérard Larcher, Jean-Pierre Raffarin et Philippe
Marini, le président sortant de la commission des finances qui voudrait conserver cette responsabilité mais celle-ci devrait échoir à un sénateur socialiste.
Jean-Pierre Raffarin avait cru qu’il réussirait ce qu’il n’avait pas obtenu il y a trois ans. Son discours
visait à politiser l’assemblée des sages pour en faire une chambre d’opposition face à un pouvoir socialiste déconsidéré dans l’opinion publique.
De plus, sa candidature aurait été soutenue par Nicolas Sarkozy. Or, il est rarement productif de forcer la main des sénateurs.
De son côté, Gérard Larcher montrait un profil beaucoup plus consensuel, moins médiatique mais beaucoup plus à l’écoute des sénateurs, refusant les clivages stériles (comme ceux
concernant la prochaine élection présidentielle) et cherchant avant tout à mettre en place un dispositif d’opposition constructive, voulant faire du Sénat une boîte à propositions constructives.
Sa proximité avec François Fillon ne semble pas non plus avoir joué : les enjeux au sein des sénateurs ne correspondent pas aux écuries
présidentielles mais plutôt à des préférences surtout très personnelles. D’ailleurs, les candidats à la présidence du groupe UMP ont tous promis qu’ils ne prendraient pas partie dans la future
primaire de l’UMP pour l’élection présidentielle de 2017.
En 2008, Gérard Larcher avait obtenu 78 voix contre 56 à Jean-Pierre Raffarin et 17 à Philippe Marini. En
2014, Gérard Larcher a gardé le même rapport de forces, malgré l’arrivée de 45 nouveaux sénateurs UMP, avec 80 voix en sa faveur, 56 pour Jean-Pierre Raffarin et 7 pour Philippe Marini.
Les candidats et le vote solennel
Parce que le groupe centriste (UDI) n’a pas été invité à la primaire organisée par le groupe UMP, le
président du groupe UDI François Zocchetto a présenté sa candidature au premier tour. L’UDI, qui est sans ambiguïté dans un processus de
gouvernance commune avec l’UMP, est le groupe qui a le plus profité des élections sénatoriales du 28 septembre 2014, passant de 31 à 43 membres
(+39%) dont plus de jeunes et plus de femmes.
Pour le panache, les groupes de gauche ont présenté chacun leur président : Didier Guillaume pour les
socialistes, Jacques Mézard pour le RDSE, Jean-Vincent Placé pour les écologistes et Éliane Assassi pour les communistes.
Au premier tour, chacun a rassemblé (à peu près) les élus de
son groupe. Gérard Larcher (UMP) a recueilli 145 voix, Didier Guillaume (PS) 112 voix, François Zocchetto (UDI) 45 voix, Éliane Assassi (PCF) 18 voix, Jacques Mézard (RDSE) 13 voix, Jean-Vincent
Placé (EELV) 10 voix et Nathalie Goulet (UDI) 1 voix.
Nathalie Goulet (UDI), qui avait envisagé une candidature indépendante il y a deux jours avait retiré sa
candidature lors de la décision de présenter la candidature de François Zocchetto. Le scrutin montre que le groupe UDI est le troisième du Sénat et est un groupe décisif pour construire une
majorité stable. Entre les deux tours, les groupes UMP et UDI se sont réunis pour négocier la répartition des autres responsabilités.
Le candidat centriste s'étant désisté après le premier tour, le second tour n'a eu aucune surprise : Gérard Larcher (UMP) a recueilli 194 voix, soit plus que le cumul UMP et UDI, Didier Guillaume
(PS) 124 voix (les écologistes se sont désistés en sa faveur) et Éliane Assassi (PCF) a eu 18 voix. Gérard Larcher a donc été proclamé Président du Sénat vers 19h40 par le doyen d'âge, Paul
Vergès (89 ans), et a cité le Général De Gaulle à la fin de sa brève allocution aux sénateurs avant sa
passation des pouvoirs avec son prédécesseur Jean-Pierre Bel.
L’échec de Jean-Pierre Raffarin
Revenons à la situation du rival malheureux au sein de l’UMP, Jean-Pierre Raffarin, dont le poids politique, comme ancien Premier Ministre, n’est pas négligeable, et qui fait de lui actuellement l’un des trois coprésidents
provisoires de l’UMP.
Issu du Parti républicain et de l’UDF, Jean-Pierre Raffarin est un modéré, libéral, européen et social. Il
est sans doute l’un des rares à croire encore à l’union de la droite et du centre dans une seule formation politique (ce que propose de refaire Nicolas Sarkozy), et donc, à croire au concept
originel de l’UMP de 2002. Pourtant, les candidatures présidentielles de François Bayrou et des listes centristes aux élections européennes ont régulièrement montré que les électeurs refusaient que le courant centriste, européen et social fût confondu sinon "fondu"
au sein d’un parti de droite, surtout lorsqu’il a été autant décomplexé comme entre 2004 et 2014.
Jean-Pierre Raffarin défend théoriquement les mêmes valeurs que le centre politique, présentant même un
courant humaniste au sein de l’UMP. Cet humanisme, pourtant, se traduit politiquement par un silence sur
les excès de ces dernières années concernant justement le manque d’humanisme dans les prises de position
d’un certain nombre de responsables de l’UMP.
Jean-Pierre Raffarin était sans doute celui qui pouvait le mieux s’opposer politiquement à certaines dérives provenant de la ligne Buisson.
Dans les faits, il a toujours soutenu des personnalités qui, au contraire, cherchaient à copier idéologiquement les thématiques du FN :
Jean-François Copé en 2012, Nicolas Sarkozy en 2014.
Cette stratégie avait un horizon, la Présidence du Sénat. Or, en pensant être loyal et fidèle au cœur du
militantisme de base de l’UMP, Jean-Pierre Raffarin s’est éloigné des sénateurs UMP qui sont dans une autre problématique, moins partiale, plus locale, plus pragmatique.
L’organisation du nouveau Sénat continue
Le nouveau bureau du Sénat sera élu le mercredi 8 octobre 2014 et les sénateurs feront leur photographie
collective avant la séance du jeudi 9 octobre 2014.
Parmi les décisions que le Sénat doit prendre dans les heures qui viennent, la question de confier ou pas à
un socialiste la présidence de la commission des finances, la désignation du rapporteur général du budget, et l’élection, prévue le jeudi 2 octobre 2014, du nouveau président du groupe UMP,
précédemment dirigé par Gérard Longuet puis Jean-Claude Gaudin. Soutenu par Nicolas Sarkozy, l’ancien ministre Roger Karoutchi est candidat face à un candidat de renouvellement soutenu par
certains nouveaux sénateurs, Bruno Retailleau, sénateur de Vendée.
Aussi sur le
blog.
Sylvain Rakotoarison (1er octobre
2014)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Le Sénat rebascule au centre droit (28 septembre 2014).
Alain Poher.
René Monory.
Christian Poncelet.
Gérard Larcher.
Jean-Pierre Bel.
Jean-Pierre Raffarin.