Voici quelques chiffres qui remettent pour mettre les choses en perspective : depuis le début de l’année 2013, Exxon (le détenteur du record en la matière) a racheté pour environ USD 220 milliards (sic) de ses propres actions. En 2013, les sociétés du S&P 500 ont cumulativement racheté USD 500 milliards de leurs propres actions.
Si l’on met ces montants en relation avec le cash-flow généré par leurs opérations courantes, on arrive à des chiffres qui font vraiment tourner la tête : pour Exxon, 45% ; Cisco, 69% ; P&G, 54% ; Pfizer, 38% ; Wal-Mart, 29%. On constate qu’aucun secteur d’activité n’est épargné.
Alors que faut-il penser de tout cela ? Tout d’abord, et pour faire simple, une entreprise a trois possibilités lorsqu’elle a un excès de cash : investir dans l’entreprise (par le biais de personnel pour les sociétés de service ou de capex pour les industries) ; verser des dividendes ou racheter ses propres actions. Il semble que l’équilibre entre ces trois choix soit quelque peu rompu quand on lit les chiffres astronomiques cités plus hauts.
Certes, le petit investisseur que je suis a un certain intérêt à ce que l’entreprises rachète ses actions mais pas mes actions : en effet, la demande fera monter le prix de mes actions, peut positivement affecter mes dividendes (toutes choses étant égales, moins il y a d’actions en circulation, plus le dividende par action sera élevé). Mais moins d’actions en circulation signifie aussi une volatilité plus élevée de celles-ci, ce que j’apprécie moins. Mais plus fondamentalement, qu’est-ce que cela communique sur une société, et surtout sur sa Direction, quand elle ne sait plus que faire de son cash et le rend à ses actionnaires ? Qu’elle n’a plus d’idées ? Qu’elle est satisfaite ainsi et n’essaie plus rien ? Que les marchés se tarissent ? (vite, vendre !). C’est un message bien étrange et contradictoire que reçoit l’actionnaire et surtout, il affecte tous les calculs (ratio de distribution ; dividendes croissants ; taux de croissance) habituellement utilisés pour évaluer la santé d’une entreprise. C’est donc passablement perturbateur.
Bien entendu, il y a de nombreuses raisons fiscales que l’on peut évoquer pour ces rachats, ainsi que des raisons égoïstes du management (il est souvent rétribué en fonction du profit par actions, donc le moins il y en a….). Mais toutes ces raisons n’ont rien à faire avec le dynamisme dont une entreprise devrait faire preuve à mon avis. Il serait donc bien si Jérôme pouvait dans ses merveilleux tableaux inclure ce critère pour une évaluation aussi objective que possible des titres à dividendes croissants. Moins il y a de rachats, plus les dividendes sont soutenables et moins le cours est affecté par des paramètres ponctuels.
Sources : Bloomberg et The Economist, édition du 13 septembre 2014