Chronique « Je, François Villon » (T2) : L’oeuvre au noir…
Scénario (d’après Jean Teulé) et dessin de Luigi Critone,
Public conseillé : Adulte/Grand adolescent
Style : Biographie historique et romancée
Paru chez Delcourt, le 02 novembre 2011, 72 pages couleurs, 14.95 euros
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L’histoire
Depuis le massacre du 9 mai, auquel il a échappé grâce à la fille de Catherine de Bruyère, François vit en reclus. Dans l’étuve où il prend son bain, celui qu’on surnomme « le Poète des étudiants » fait une rencontre insolite. C’est Colin de Cayeux, « le Roy de la coquille », chef de la plus grande bande d’écorcheurs de l’époque !
François demande une place de poète dans la bande, mais il devra, pour rentrer dans la confrérie, suivre l’initiation imposée par Colin : un vol scandaleux aux yeux de tous, un crime écoeurant devant témoins et faire un don à la confrérie.
Première étape, François va voler la bourse d’une femme en larme sur la tombe de son fils. Il sort son stylet, mais se fait arrêter par la foule qui le tabasse…
Ce que j’en pense
Le jeune dessinateur italien Luigi Critone, spécialisé (involontairement ?) dans les séries médiévales (version aventure ésotérique avec « La rose et la Croix », ironique avec « 7 Missionnaires ») m’avait fortement impressionné avec le premier opus de « Je, François Villon« . Il s’était attaqué en solo (scénario et dessin) à l’adaptation du roman éponyme de Jean Teulé : une autobiographie aussi truculente que sombre.
Il a fallu s’armer de patience (presque trois ans) pour pouvoir lire la suite. Mais bon, ce second tome s’avère aussi long (72 pages) que bon.
Reprenant son récit dans la suite chronologique du premier tome, il centre son récit sur l’initiation de Villon. Abandonnant le ton « grand-guignol » et irrévéréncieux, le « Poète des étudiants » s’enfonce dans la fange, l’ignominie, le noir…
S’acoquinant avec une bande de coupe-jarrets de la pire espèce (les « coquillarts »), Villon doit faire ses preuves. Il enchaîne deux crimes atroces et abandonne tout ce qu’il aime (sa bien-aimée, le respect de son protecteur)…
Dépossédé de lui-même, Villon part alors dans une quête sans but, aux accents de mort et de destinée.
C’est beau, c’est fort, c’est dur ! C’est « Je, François Villon », re-visité par Luigi Critone !
Dans un genre très différent de « Charly 9 » (l’adaptation très réussie du roman de Teulé par Richard Guérineau), Critone ne s’embarrasse pas de bouffées d’oxygène. C’est noir, c’est désespéré, c’est dramatique. Il dépeint Villon avec toute la noirceur possible… Le résultat est cru, très dur et peux choquer.
Pour accompagner cette fuite en avant, Critone pose des dialogues simples et directs, sans oublier le “vieux François”. En tête de chapitres ou dans la bouche de Villon, reviennent les poèmes. Moi, qui fut amoureux de cette langue dans ma jeunesse, j’en ai retrouvé tout le sel. Même si la barrière existe (il faut s’habituer quand même…), Merci Luigi de nous imposer cela !
Le dessin
Le trait classique de Luigi Critone accompagne merveilleusement bien cette biographie de Villon. Epurant à l’extrême, il pose des compositions fortes et simples, ou la couleur prend le pas sur le trait.
La couleur directe (réalisée à l’aquarelle), se fait terreuse ou glaciale. il tend vers une expression graphique moins figurative, qui fait le plein d’émotions.
Pour résumer
Trois ans après la parution du premier tome, Luigi Critone revient enfin ! Seul aux commandes, il nous offre 72 pages d’une biographie somptueuse et forte…
Le récit dense, aussi torturé que cru, est mis-en-image par un dessin épuré à l’extrême qui fait le plein d’émotions. C’est fort, c’est cru, c’est dur, c’est le destin offert par Jean Teulé et revisité par Luigi Critone !