Ce devait être un week-end entre potes, où chacun y serait allé de
sa petite anecdote, la même que l'année passée et celle d'avant
encore. Ils auraient dû passer du bon temps, jouer au golf, rire à
l'évocation des souvenirs de leur vie à Princeton alors qu'ils
étaient étudiants. Ils, c'est Will, Nolan, Jeffrey et Evan. Ils ont
eu des parcours différents, ont pour la plupart réussi leur vie ou
ont au moins tendu ce vers quoi ils aspiraient. A l'image de Will, le
narrateur, qui après avoir connu un succès relatif avec son groupe
de musique, s'est retiré en banlieue avec sa femme enceinte. Il
travaille dans un studio d'enregistrement. La prochaine étape pour
lui, monter son propre label avec l'aide de ses amis, à condition
qu'ils soient partants pour investir dans le capital initial.
Seulement en l'espace d'un week-end, de leur week-end, tout bascule. Alors qu'ils sont sur le point
d'aller récupérer Evan à la gare, Jeffrey demande à ce qu'ils
s'arrêtent dans une épicerie. Dans les minutes qui suivent, il en
ressort avec avec une jeune fille au bras. Son otage. Leur fuite les
conduit dans le studio d'enregistrement où travaille Will. Le
week-end vire alors au huis-clos angoissant. Son issue est
incertaine.
Il suffit d'un prologue et on sait à quoi s'en tenir. Enfin, on
sait... c'est vite dit. On sait que le week-end n'aura pas les
espérances attendues, loin s'en faut. Viennent ensuite les premiers
chapitres,clac, clac, ça rigole pas, le décor est planté. La
situation est là, claire, nette, précise. Les trois hommes sont
complices, embarqués dans la même galère et tout porte à croire
que leur vie en sera irrémédiablement changée. Quant à leur
amitié, on n'en parle même pas. Elle se révèle juste plus fragile
qu'elle n'en avait l'air. Tout va bien tant qu'on se rappelle les
bons moments, mais dès lors qu'on gratte à la surface, les
jalousies, les secrets enfouis et les rancœurs inexprimées
s'exposent au grand jour.
L'enjeu de ce huis-clos est de savoir comment ces hommes vont s'en
sortir. Les solutions ne sont pas nombreuses. Elles aussi sont
exprimées assez vite. Se pose alors la question de savoir comment
Michael Kardos va construire le reste de son roman. Au regard du
nombre de pages restantes, pourra-t-il tenir sans tourner en rond, ne
pas tomber dans la redite ou même s'essouffler ?
En fait, il tire très bien son épingle du jeu, que ce soit dans la
tension qu'il instaure ou bien dans l'évocation des personnages, de
leur ambivalence. S'il abuse parfois de cliffhangers aux allures de
soufflés – en gros on lance un bon « OH-MY-GOD ! », qui
se transforme en « ah bon, tout ça pour ça... » –,
il tempère la pression ambiante – ça crie, ça pleure, ça
castagne même par moments – et élargit son propos en laissant la
place aux souvenirs de Will. Ceux-ci apportent un éclairage
particulier à la nature des liens amicaux, entre solidité et
fragilité, à la nature même des individus, chamboulés par le
poids de l'ambition et du rapport à l'argent. Et du rapport à
l'amour aussi. Autant d'éléments induisent une forme de complexité,
qui plus est si cette mise en lumière est véhiculée sous le seul
prisme de Will. Dans quelle mesure est-il objectif ? Dans quelle
mesure ne se trompe-t-il pas sur les autres et sur lui-même ?
Car, à tout bien considérer, est-il aussi naïf que ses amis le
laissent entendre ?
A vous maintenant de répondre à ces questions en lisant Une affaire de trois jours, un roman bien construit, efficace dans son
traitement, haletant dans les pistes qu'il suppose, et surprenant
jusque dans son dénouement. Ah si, oui, le dénouement, plus j'y
pense et plus je le trouve abouti, dans le sens où – mince il ne
faudrait pas que j'en dise trop quand même... – où (où...hou..là,
pas facile), dans le sens où il remet pas mal de choses en
perspective. Voilà. Bien.
Bon ben salut et...
à bientôt...
...je ne sais pas encore trop avec quoi, j'hésite entre
Science-fiction avec Indomptable de Jack Campbell, le deuxième volume de la première guerre formique d'Orson Scott Card, ou bien avec un petit
Poulpe.
On verra.
Une affaire de trois jours, de Michael Kardos, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Sébastien Guillot, Gallimard (Série noire), 2014