La soirée a commencé en fanfare avec un concert de musique tsigane du Ziveli Orkestar ... choix doublement logique puisque cette 13ème édition était placée sous le signe de la musique et que le réalisateur Tony Gatlif apprécie particulièrement cet orchestre.
Nous devions en effet assister à la projection de Geronimo un peu plus tard dans la soirée avec un peu plus d'un mois d'avance sur sa sortie nationale. Plusieurs membres du jury étaient présents. Comme Anne le Ny, ci-dessous, qui vient de signer le films si sensible Nous avons failli être amies.
Il a réalisé Geronimo en s'inspirant de Roméo et Juliette, comme de West Side Story, et le film peut être ressenti comme un hymne à la musique et à la femme. La musique a pour fonction essentielle de tempérer la violence.
Il a voulu la montrer pour mieux la dénoncer et il emploie la musique comme une sorte de métaphore sonore de cette violence, et la chorégraphie comme sa représentation visuelle. Il aime autant la musique turque que la musique espagnole, en particulier le flamenco, et les deux sont présentes, avec le même tempo.
Le film se situe quelque part, dans le Sud de la France. Dans la chaleur du mois d'août, Geronimo, une jeune éducatrice, veille à apaiser les tensions entre les jeunes d'un quartier. Tout bascule quand Nil Terzi, une adolescente d'origine turque, s'échappe de son mariage forcé avec un homme plus âgé qu’elle, qui lui fait peur, mais que son clan, une famille turque, lui a choisi pour retrouver son amoureux, Lucky Molina, un jeune gitan. Leur fuite met le feu aux poudres aux deux clans. L'affrontement éclate en joutes et "battles" musicales. Geronimo va tout tenter pour enrayer la folie qui embrase le quartier.
Avoir confié le rôle à une femme plutôt qu'à un homme renforce le personnage. Geronimo (extraordinaire Céline Sallette) est éducatrice de rue, parfois médiatrice, parfois shérif des temps modernes, capable d'envoyer un coup de boule pour calmer un importun comme de s'interposer dans une rixe qui dégénère, sans craindre de prendre des coups.
Une énergie très forte se dégage dès le premier plan. Nil (Nailia Harzoune) attrape sa robe de mariée à pleines mains et s'enfuit en courant, suivie par la caméra en un travelling de près de 10 minutes jusqu'à ce qu'elle rejoigne Lucky (David Murgia) qui l'enlève sur sa moto rugissante. On continue à suivre leur chevauchée fantastique et folle, dentelle au vent, dans les rues désertes d’une banlieue anonyme du sud de la France.
La musique accompagne cette chevauchée, renforcée des cris rauques de la jeune fille. Ces deux là vivent une passion dévorante et rien ni personne ne pourra les séparer. Géronimo a compris que l'honneur du clan est terni et qu'il n'est pas certain que l'affaire puisse se régler à l'amiable avec de l'argent. Cette fois il faudra davantage qu'un regard et quelques paroles bien senties pour désamorcer le conflit.
Tout le film se déroule dans un univers anonyme, mais symbolique comme peuvent l'être d’anciennes usines de métallurgie à l’abandon. l'espace y est propice aux affrontements, qu'ils aient lieu sous forme de "battles" associant la danse, hip-hop ou flamenco, ou à corps à corps.
La plupart des scènes sont tournées caméra à l'épaule, quitte à faire flotter un peu l'image. Les couleurs sont saturées, éblouissantes comme le soleil qui surchauffe les esprits. Les comédiens sont pour la plupart des acteurs non professionnels, et comme leur texte ne leur était donné qu'au dernier moment le jeu s'en trouvait davantage authentique et spontané. Si bien qu'on a parfois le sentiment d'assister à un documentaire.
C'est puissant, choral et troublant. Geronimo sortira en salles le 15 octobre.
On pourra avoir envie de prolonger avec le livre de nouvelles qu'un autre réalisateur, Emir Kusturica, publie chez Jean Claude Lattès, Etranger dans le mariage, et dont la sortie en librairie est programmée pour le 24 septembre prochain.
On retrouve ici son univers si typique, mélange de fantaisie et de noirceur, de burlesque et de tragique, composant ce qu’il appelle un "réalisme magique", profondément marqué par les événements de son pays.