A l’occasion de la sortie en DVD et Blu-ray de P’tit Quinquin le 07 Octobre 2014 prochain, le Blog La Maison Musée revient sur l’oeuvre en 4 épisodes. Livrés pour la chaine Arte en environ et un peu plus de 180 minutes, Bruno Dumont, réalisateur de la série télévisée, avait été distingué par la critique. Eloge unanime pour une réalisation que l’on lisait "audacieuse", à tendance "Américaine" pour ses références, "impressionnante" pour la rentrée 2014. Dans notre présentation-impressions précédente à mi-chemin de la série Française, il nous restait encore à découvrir peut-être une surprise magistrale du côté du scénario. Avec un espoir sacré et christique comme s’y essaye P’tit Quinquin, nous avons suivi jusqu’au bout le cheminement de son créateur … Sans résultat.
On ne proclame aucune neutralité, beaucoup y verront une expression sèche en réaction à une critique unanime et bien d’autres synthèses qui renverront différents propos à une idée figée. Ce n’est pas faute d’admettre que des qualités, il est possible d’en déceler. Et, avec cette vision, apercevoir P’tit Quinquin comme un gâchis. A vouloir – ou prétendre – à beaucoup d’implicite et de non-dits, le scénario s’enferme dans une coquille muette; l’impression dominante tenant bien plus d’un creux malheureux où l’on fait un signe d’adieu à l’originalité, le suspens, le comique, le burlesque, l’humour noir, la poésie. En bref, tous ces genres que P’tit Quinquin effleure sans jamais les concrétiser.
L’audace d’acteurs "au naturel" est un pari qu’il était possible de tenter. Et qui peut fonctionner.
Le Nord-Pas-de-Calais, théâtre envoûtant et sublimé, gagne un galon de mystère. Des meurtres absurdes sont perpétrés, une équipe est dépêchée pour suivre un fil rouge où le but de "chercher" l’auteur de ces atrocités-absurdités. De l’épisode 1 à l’épisode 4, les péripéties prennent la forme d’un amas de morts. La menace est donc omniprésente, la situation de plus en plus grave, elle doit attendre une apogée éclatante à son épisode final pour révéler les clefs de la compréhension ! …
Pourquoi avoir intégré autant de moments … Si longs ?
La démonstration d’écriture peine à convaincre. Ce sera même un défaut qui effacerait des acquis assez plaisants dans la création Française. Nous le soulignions dans nos attentes antérieures, l’aspect visuel; la manière de saisir ses acteurs; de filmer le décor des exactions est d’une beauté époustouflante. Vu, aperçu et senti, cette ligne se poursuit jusqu’à la finalité et jusqu’à la dernière minute de la production. En contrepartie, le temps devient long face à P’tit Quinquin. Spectateurs, intérêt et progressions se perdent dans des longueurs inutiles … Et malheureusement bien trop fréquentes. Pourquoi filmer une jeune fille près de 2 minutes, assise près d’une porcherie ? Pourquoi prendre autant de temps à fixer l’horizon des côtes du Nord ? Pourquoi avoir intégré au montage les nombreux dérapages ratés d’une C4 tournant en rond ? Tout ceci pour envisager qu’une sévère coupe aurait pu donner à P’tit Quinquin une forme plus épurée qui aurait largement tenu en 2 épisodes maximum. Dans ces choses là, point de romantisme ou de sentiment mais bien un ralentissement qui entraîne une lourdeur dénuée d’intérêt …
"Allah akbar!" est le nom du dernier épisode. Les pieds dans le plat, l’humour devient un cliché …
On peine à trouver de l’humour ou à défendre les images qui pourraient tendre à du second degré, à une critique sociale et à produire l’inverse de ce qui voulu. Sauf que dans la manière de mener la barque scénaristique, entre 2 moments un peu longs, les clichés pleuvent sans produire ni un degré de rire ou une once de critique. On ne retient, par conséquent, que la maladresse non subtile de ne plus dénoncer mais de montrer et d’être en plein dans la généralisation. Le Nord-Pas-de-Calais pourrait être filmé à travers la nuance de la question du racisme. Non : 80% des habitants du Boulonnais sont définis par leur dénigrement, d’insultes recherchées au coin de la rue. L’effet boule de neige jusqu’à un rejet prononcé, l’exclusion et une manifestation extrémiste mêlée à une religion, en l’occurrence pile dans la manière dont est perçue l’Islam. La chose est regrettable, aurait mérité d’être pour le coup plus explicite pour devenir sinon une satire d’une société au moins une critique amenée avec un peu plus d’intelligence et être "moins" une brute de décoffrage.
Un scénario (Et une fin) à la Normande ?
P’tit Quinquin joue les prolongations dans des substituts. De petits artifices caducs dans lesquels l’oeil peut se perdre … Mais où le véritable intérêt est encore en recherche. Ce sont, notamment, la multitude de genres que P’tit Quinquin a essayé de mêler "épisodiquement". L’absurde, par de légères touches (Cascades improbables en voiture), le burlesque et l’exagération proche de l’outrance mais présente comme un guide et sauveur de la tonalité de la série télévisée (Tics, cascades improvisées de l’inspecteur) … Sauf qu’il y a bien quelque chose à retenir de cette expérience : il ne suffit pas de juxtaposer des éléments pour obtenir un résultat de bonne qualité. Les articulations sont peu présentes, ou bien ce sont les fameux vides de plusieurs minutes récurrents, qui rendent la fluidité complexe et laborieuse.
Toujours vis-à-vis de ces temps morts, dont on peut penser que le réalisateur a pris conscience, ce sont des thèmes accolés un peu ici et là que l’on retrouve mis ensemble. Un registre Biblique omniprésent, (Surtout dans le dénouement de la Série télévisée) surtout, tente tant bien que mal de camoufler les contours imprécis d’un scénario.
Il est où ce scénario ?!
Il existe bien une fin formelle; son explication est plus interprétative que définitive et en laissera plus d’un sur une faim certaine. Pour trouver au moins 2 hypothèses, la Série télévisée n’aboutira pas à une grande réflexion sur les 3 autres épisodes ni sur d’éventuelles clefs cachés. Elles sont présentes, peu satisfaisantes, mais tellement sous-entendues de l’implicite tout en donnant l’impression de ne pas savoir se décider que l’acmé finale retombe, nettement. D’un côté, l’interprétation Biblique d’un individu casqué au visage inconnu; d’un autre un personnage en déficience mental mutique.
Il n’y a probablement pas de pire postériorité que de ne susciter aucune curiosité, aucune interrogation. Faute à l’envie de susciter un mystère absent; erreur non pas de casting mais de rigueur dans ce qui est essentiel ou ce qui ne l’est pas. Etrangement, P’tit Quinquin aurait pu être un film. Au regard de la filmographie de Bruno Dumont, ce fut par ailleurs un 1er essai qui aurait tout à fait l’allure d’un long-métrage (Sur une base de 2 gros épisodes épurés). Impressions mitigées, non seulement par incompréhension d’un engouement général mais aussi par une vision agaçante. Peut-être l’une des plus grandes du cinéma séquencé pour être voué à un long terme : cette sensation de combler les minutes pour montrer.Dévoiler peu de choses finalement, sans user d’une direction de la photographie très intéressante et faisant honneur aux paysages du Nord de la France; à des faciès parfois peu maquillés et voulu pour "l’accent". Cet autre visage de la France du Nord manque ses promesses dans le suspens, beaucoup plus encore dans l’humour, encore davantage dans la poésie.