Le dernier roman de Fouad LAROUI figure parmi la première sélection des œuvres retenues pour le Goncourt 2014.
J’ai pensé un moment que notre Fouad national – plutôt multinational – faisait figure d’arabe de service dans cette présélection! Mais honni soit qui mal y pense : j’avais d’une part omis que Fouad Laroui avait déjà été couronné du Goncourt de la nouvelle 2013 et d’autre part un autre maghrébin figurait parmi les éventuels heureux élus en la personne de l’algérien Kamal DAOUD.
“LES TRIBULATIONS DU DERNIERS SIJILMASSI“, paru en août 2014 chez JULLIARD concourra donc, en principe, de la manière objective pour l’obtention de ce prix littéraire, qui n’ajoutera rien à la notoriété déjà acquise et largement mérité de l’auteur.
Je dis “en principe” parce que la maison d’édition n’est pas la préféré des jurés du Goncourt, qui penchent plutôt de Gallimard avec 36 titres primés, ou Grasset avec 17 prix raflés. Il faut remonter à la deuxième moitié de la décennie 1940 pour trouver des protégés de JULLIARD ayant reçu le Goncourt.
Mais bon, nous sommes en 2014, le monde a changé, le jury aussi, ainsi que certaines règles.
On verra bien dans quelques jours après la seconde sélection ou éventuellement début novembre lors de l’attribution du prix!
Que dire de ce roman?
Si j’étais membre du jury Goncourt, je crois, à la lecture de son travail, que je voterai pour Fouad LAROUI sans état d’âme.En effet, les raisons ne manquent pas.
Quelle maitrise de la langue française!
Quelle connaissance de la civilisation française! Quelle facilité dans l’écriture!
Quel humour, cinglant et tendre à la fois!
Quelle imagination et aussi quelle capacité de partager des instants exotiques et de décrire des personnages improbables mais plus vrais que nature.
Bref, de la littérature, bien française, en somme de “la bonne ouvrage” qui mériterait reconnaissance!
Mais je ne suis pas juré du Goncourt, je suis juste un marocain lambda, vivant au Maroc, ayant suivi une scolarité et une formation marocaine certes mitonnée de culture française, qui raisonne en marocain.
Peut-être, pour toutes ces raisons, je ne me retrouve pas dans le roman de Fouad LAROUI, pas plus que je ne suis retrouvé dans “UNE ANNÉE CHEZ LES FRANCAIS“.
Je comprends que Fouad Laroui, comme d’autres avant lui, vivant en Europe, écrivent pour les européens : il faut bien qu’ils vendent leurs livres.
Il faudrait faire remarquer à Fouad Laraoui que malheureusement beaucoup de nos ingénieurs, quand il leur arrive de sortir de leur carcan intellectuel formaté par des années de bachotage, ne tentent pas des retour aux sources historiques, philosophiques ou mystiques mais plutôt des plongeons dans les abysses de la religion la plus rigide.
Adam Sijilmassi, cet ingénieur intellectuel, fort sympathique au demeurant, ne m’a pas convaincu. Sa démarche aussi subtile soit-elle m’est restée totalement incompréhensible, parce que je crois elle est artificielle et surfaite. Il reflète plus la position personnelle de Fouad Laraoui que l’évocation d’une quelconque réalité marocaine.
Pourtant, le roman est cependant est largement bien accueilli!
J’entends parfaitement les critiques positives du genre émises par des lecteurs lambda sur le site Babelio.com :
- ” Une lecture plaisir parfaite pour passer un bon moment accompagné d’un verre de thé à la menthe et quelques douceurs”.
- ” L’auteur offre une réflexion érudite sur le sens de la vie, le poids des conventions, les contraintes sociales et le libre arbitre”.
Même Jeune Afrique y va de son analyse, en qualifiant le roman de ” conte satirique, dissertation sur la vanité du monde, enquête sur le malaise identitaire qui étreint des élites maghrébines européanisées mais en quête de leurs racines”.
Pour ma part, j’aurais tendance à rejoindre cette bloggueuse qui affirme que, à un certain moment, elle a “lentement mais sûrement quitté le chemin spirituel de l’ingénieur en mal de paix intérieure”. Je la comprends, car le chemin suivi par Adam Sijilmassi est trop sinueux et non balisé!
Le roman de Fouad LAROUI se déroule sur 330 pages , un format auquel l’auteur n’est pas habitué et finalement il est tombé dans son propre piège. Il n’a pas su calibrer son roman : la dernière partie des “Tribulations du dernier Sijilmassi” est à la limite indigeste, comme si l’auteur lui-même ne croyait plus en ce qu’il écrivait!
Ici même, j’avais écrit à propos de ses recueil de nouvelles un billet intitulé : “Fouad LAROUI, toujours inégal à lui-même” et un autre “ Fouad Laroui ne devrait pas publier n’importe quoi”!
Pourtant, il faut reconnaitre que Fouad LAROUI reste un grand écrivain francophone marocain, qui nous change de la production littéraire habituelle nationale!
Qu’il reçoive le prix Goncourt ou pas, sa contribution au rayonnement littéraire du Maroc est incontestable et critiquer son dernier roman ne prouve que l’intérêt que personnellement je porte à ce sympathique et talentueux auteur;